Passage de la Bonne-Graine : Journal, 1997-2001 de Henry Bauchau
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Perle rare
Reconnaissance à H.B. pour m’avoir autorisé à partager cinq années de sa vie. Une telle œuvre devrait laisser muet. Que dire de mieux, sinon tenter de permettre à d’autres de franchir « le passage de la Bonne-Graine ? » En parler donc, malgré tout. Avec infiniment d’humilité et les yeux embués d’avoir regardé la lumière en face.
H.B. commence son journal à 84 ans. Je vous vois d’ici, jeunes gens, faire la grimace. Un vieillard ! Vous avez raison, tout ceci n’est peut-être pas (encore) de votre âge. Vous ne savez pas qu’avec un peu de grâce on reste toujours jeune. Voyez le regard bleu de d’Ormesson, son sourire enjoué. C’est le corps qui vous lâche et le monde qui change…
H.B. nous parle avec pudeur de la maladie de son épouse, suivie de sa perte. Il nous donne à voir l’acharnement qu’il met à poursuivre son œuvre (L’enfant bleu). Inlassable combat avec l’ange, à se pencher depuis la barque du « moi » sur l’océan nourricier de l’inconscient.
Il évoque ses œuvres accomplies (Œdipe sur la route, Antigone), son angoisse, puis sa joie de mériter – enfin – la reconnaissance du public. D’avoir enfin « passé la porte ». On sent naître une subtile complicité avec Nancy Huston.
Son parcours est balisé de rêves qu’il tente d’interpréter avec prudence (n’est-il pas psychanalyste de formation ?) de réflexions profondes et de citations pertinentes, glanées au fil de ses riches lectures. Des poèmes s’ébauchent, se forment, se remanient d’un jour à l’autre, jusqu’à leur version définitive, nous faisant ainsi participer à leur création.
Sans perdre pour autant son don d’émerveillement, le vieil homme pose un regard critique mais plein de compassion sur le monde actuel étouffé par sa technologie, abruti par le chaos des villes, rongé par une violence qui vient de l’intérieur mais suscitée par les échos – un peu trop assourdissants – du « village planétaire ». Mais « le désenchantement du monde est une illusion, c’est à nous d’enchanter le monde par un regard et une vois justes »
H.B. laisse poindre quelques réflexions sur Dieu et sur la conception assez personnelle qu’il en a, proche de l’enseignement de Maître Eckhart et de Simone Weil : « Ce qui me touche dans l’Eglise telle qu’elle est maintenant, c’est son côté petit troupeau. L. et moi ne partageons plus sa foi, sa soumission, sa morale mais encore son espérance » ou encore : « Oserai-je le dire, la fête de l’existence de Dieu me paraît plus importante que son existence qui ne devient certaine en nous que par cette fête qui nous anime ». On aurait aimé en savoir plus. Mais, après tout, à chacun sa recherche. « Se hace el camino al andar », le chemin se fait en marchant (Machado).
Et toujours cette compagne fidèle et régénératrice, la nature. Cette alliance de force et de beauté qu’il trouve dans le chêne. La force qui produit la beauté. La beauté qui ouvre le chemin de la vérité. La fête d’un prunus en fleurs. Le Jardin des Plantes, la montagne, Archenne.
Vraiment, des trésors comme « le passage de la bonne-graine », on n’en découvre que quelques-uns par siècle. Et on se tait longtemps après avoir refermé le livre. Avant d’oser parler. Avant d’oser écrire. Avec des mots si pauvres pour décrire ce qui de si loin nous dépasse et de si près nous réchauffe.
Les éditions
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Passage de la Bonne-Graine [Texte imprimé], journal, 1997-2001 Henry Bauchau
de Bauchau, Henry
Actes Sud / Memoires Journ
ISBN : 9782742734115 ; 24,30 € ; 09/09/2002 ; 413 p. ; Broché
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Que du bonheur!
Critique de Donatien (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans) - 30 janvier 2009
Le "Passage de la Bonne-Graine" concernent les années pénibles pour l'auteur, tant du point de vue humain et sentimental que de celui de l'artiste au travail, mais aussi de la rencontre fondamentale avec le personnage d'Antigone.
Au fil des jours, nous partageons ses peines et ses joies.La maladie et la mort de sa compagne Laure (regard d'or bleu), la lutte contre les fatigues de l'âge, la perte de membres de sa famille et d'amis chers.
Il fait aussi ressentir la pénibilité de la création artistique, l'importance de ses rêves et de ses séances d'analyse psychanalytiques.
Mais il compense par les rencontres enrichissantes comme celles de Pierre-Jean Jouve , grand poète français et de Nancy Huston ,jeune écrivaine qui l'encourage ou ses lectures de Pierre Michon, Rilke, Goethe, Borgès, André Gide, etc..
Jamais il n'abandonne la poésie et la psychanalyse, toujours en explorant l'immensité de l'inconscient.
Henry Bauchau, de par son expérience (né en 1913) et de son esprit fraternel parle à chacun d'entre nous si nous utilisons "l'oreille enfantine de l'analyste".
A lire et relire.
A+
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