C'était le jour des morts de Natalia Sylvester

C'était le jour des morts de Natalia Sylvester
(Everyone Knows you go home)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Débézed, le 20 janvier 2021 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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La migration des Texmex

Dans ce texte Natalia Sylvester raconte l’épopée héroïco-mythologique d’une famille mexicaine qui fuit son pays d’origine pour s’installer au Texas où elle espère trouver une vie meilleure à l’abri des gangs qui écument sa campagne originelle. Elle est, elle-même, originaire d’Amérique latine, elle connait donc bien la problématique de la migration et de l’intégration qui s’en suit. Elle structure son histoire en deux épisodes qu’elle raconte concomitamment : le premier commence, en 1981, quand Elda et Omar quittent leur famille respective, celle d’Omar refusant leur mariage, le second débute en 2012 avec le mariage d’Isabel et de Martin l’enfant qu’Elda portait quand ils ont entrepris leur long et périlleux périple vers le nord.

Natalia décrit tous les dangers que le couple et la petite troupe qui les accompagne doivent affronter à travers le désert avant d’atteindre la frontière qu’il faut franchir au risque de sa vie. Malgré quelques aléas inquiétants, Elda et Omar traversent la frontière sans problème mais tombent dans un terrible traquenard au moment où le groupe doit se disperser. Au cours de la dernière nuit qu’ils passent avec les autre migrants, un homme tente de violer Elda sous la menace d’un couteau qu’il laisse choir malencontreusement, sa victime s’en saisit et lui plante dans le flanc occasionnant une blessure fatale. L’enfant de l’agresseur a tout vu, au cours des années qui suivront, vivant dans la même ville qu’eux, il constituera un danger potentiel permanent. Oscar le croisera et essaiera de le protéger en cachant à sa femme cette délicate rencontre à l’origine du funeste événement provoquant sa disparition énigmatique.

Quand il épouse Isabel, en 2012 le jour des morts, Martin refuse d’accueillir Omar, son père, qu’il croit mort. Celui-ci s’adresse alors à son épouse en lui livrant des secrets que Martin ne lui a jamais révélés. Commence alors, pour Isabel, une longue période de doute au cours de laquelle elle s’interroge sur l’honnêteté de son mari. Lui cache-t-il quelque chose ou ignore-t-il lui-même ce qu’Omar lui a révélé ? L’arrivée d’Eduardo, neveu d’Omar, qui, à son tour a fui le Mexique, provoque des réactions diverses qui perturbent la famille générant tensions et querelles domestiques néfastes. Omar voudrait expliquer sa disparition à sa famille mais personne n’est prêt à l’écouter, seule Isabel l’entend sous le sceau d’un secret qui pèse lourdement sur son couple, sa famille et son moral.

Cette saga familiale digne d’une épopée mythologique par-dessus la frontière que le Président des Etats-Unis voulait murer, comporte tous les ingrédients de la migration : les dangers de la traversée du désert et de la frontière, l’accueil en terre de migration, l’intégration à une nouvelle culture, l’apprentissage des mœurs des autochtones, les rapports avec ceux restés au pays. Pour mener à bien son récit et surtout son projet sur la description des aléas qui entourent la migration, Natalia utilise différents procédés qui confèrent un caractère plus littéraire à son texte qu’un simple récit. Elle crée deux points de départ pour son intrigue qui consiste en la découverte de la vérité sur la vie d’Omar après sa disparition. Elle construit cette histoire en changeant d’époque et de personnage à chaque chapitre et parfois de point de vue en utilisant un regard extérieur à la scène qu’elle décrit. Ainsi, elle peut Raconter le même épisode de plusieurs façons en utilisant des points de vue variés ou en décrivant des ressentis divers selon les personnes qu’elle met en scène. Son récit prend une véritable tournure mythologique quand elle fait revenir un mort pour évoquer des parties de la saga que lui seul peut connaître et brouiller encore plus les relations entre les membres de la famille.

Au-delà de cette description du monde des migrants, ce texte, à mon sens, pose aussi le problème de la vérité : faut-il toujours la rechercher ? Peut-on se contenter de ce que l’on sait pour construire sa vie en couple, en famille, en société ? Est-elle toujours bonne à dire ? Quel sens ont les promesses faites de taire cette fameuse vérité ?

Un grand roman épique, une saga familiale, une étude socio-économique plantée dans l’actualité la plus brûlante, une question philosophique … de très belles heures de lectures dans un texte très structuré.

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