Le Cabinet des Antiques de Honoré de Balzac
Catégorie(s) : Littérature => Francophone

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La suite de "La vieille fille"
LE CABINET DES ANTIQUITES s'inclut dans la vie de LA VIEILLE FILLE. Même lieu, mêmes acteurs (sauf ceux que l'histoire apporte).
Le marquis d'Esgrignon vit avec sa sœur et son fils dans un monde de souvenirs. Des relents des temps bénis de la royauté aux odeurs de sang que la guillotine a fait couler par fleuve. La ville est divisée entre ses nobliaux nostalgiques et le courant libéral qui fait feu de tout bois pour entretenir le bûcher de la république.
DU CROISIER qui épousa Rose Cormon au précédent épisode mène une lutte sans merci afin d'agenouiller son ennemi viscéral, le clan d'Esgrignon.
Le point faible c'est le fils, Victurnien d'ESGRIGNON qu'on envoie à Paris afin d'y trouver une place à la cour. La vie parisienne coûte cher et ce jeune écervelé s'endette, en signant des lettres de change que DU CROISIER rachète secrètement afin de donner le coup fatal à ses ennemis.
Et bien, ce très curieux texte qui clôture "ÉTUDES DE MŒURS SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE" est d'une subtilité surprenante. La douce Rose sera prise dans un choix Cornélien : l'obéissance aveugle au mari que lui impose sa condition ou un acte rebelle pour défendre ses convictions. Œuvre un peu méconnue, elle mérite sa lecture.
PERSONNAGES
– BLONDET : le juge, le père, bien moins connu dans La Comédie humaine que son fils « légal » Émile,
– CAMUSOT : Le Cabinet des antiques voit la formation du clan Camusot, qui va essaimer dans La Comédie humaine. Le fils aîné, qui n'est pas encore de Marville, fait ici ses débuts, sous le regard attentif de sa femme, qui prend en main sa carrière. Il monnaie son appui aux d'Esgrignon contre une nomination de juge et la Légion d'honneur. Il jouera bientôt le même rôle auprès de Lucien, dans Illusions perdues.
– CHESNEL : l'intendant au grand cœur, le type du « serviteur » fidèle et dévoué, tutoyé par son maître et ami, bien qu'il ne lui appartienne pas : il a son étude. Sa récompense : être enterré dans une chapelle du château d'Esgrignon.
– DU CROISIER : personnage à deux têtes, l'autre éteint celle de Du Bousquier dans La Vieille fille. Ici ce notable de province, éminence guise des milieux libéraux, jadis éconduit par Armande d'Esgrignon, quitta l'occasion de se venger de cet affront. En dépit d'un échec apparent, il triomphe finalement en faisant de Victurnien l'époux de sa petite nièce. Il est vrai que Victurnien reprend sa vie de garçon et n'a « nul souci » de sa femme.
– Armande d'ESGRIGNON : « Une des figures les plus instructives de cette historie ». Ses « cheveux d'un blond fauve » et ses « yeux d'émeraude » ont fasciné le tout jeune Émile, qui en garde un souvenir inoubliable. Elle est devenue un ange de vertu, de bonté, de dévouement. Elle se sacrifie à l'honneur du nom, « faute d'intelligence » (entendons celle de l'Histoire, qui évolue en dehors du cercle étroit où elle vit). Sa rencontre avec Diane, dans sa chambre cellule, est un des moments forts du roman par le « contraste inouï » ainsi provoqué.
– Victurnien d'ESGRIGNON : joli garçon mais nul. Il ne sait que s'autodétruire. Il n'est même pas un Rastignac, conquérant du faubourg Saint-Germain, ni une figure rendue intéressante par l'échec et la dureté sociale, comme un Rubempré. Une « erreur » de Diane, à coup sûr. Le roman le laisse sauvé, riche, marié, mais identique à lui-même.
– Diane de Maufrigneuse : elle a vingt-six ans. Elle n'est pas encore princesse de Cadignan, mais simplement l'épouse de Maufrigneuse, l'ex-amant de sa mère, éteint et inoffensif. Elle affiche une insolente liberté et garde tout au long une stature héroïque. Cet ange diabolique, qui ne croit « à rien qu'à elle-même », a l'orgueil d'une aristocratie qui se ruine, sans paraître y prendre garde, pour continuer à jouer brillamment sa comédie sociale. Bien opposée à la noblesse de province, elle n'a plus d'illusions et dévoile aux d'Esgrignon la loi de son temps : « Vous serez bien plus nobles que vous l'êtes quand vous aurez de l'argent ». Aussi, brûlant sa vie sans souci du lendemain, dilapidant cet argent qui est l'étalon de la nouvelle société, elle a la grandeur d'un Ange révolté et, malgré un culte immoral de la force, elle garde toute sa pureté par son extravagance destructrice.
Les éditions
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Le Cabinet des Antiques
de Balzac, Honoré de
Gallimard
ISBN : 9782070402809 ; 6,90 € ; 01/03/2000 ; 308 p. ; Poche
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De l'inconvénient de ne pas être de son époque

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 3 février 2025
Cette histoire se passe en 1820, au temps de la Restauration, où, malgré le retour des Bourbons au pouvoir et du rétablissement de la royauté avec Louis XVIII reprenant le trône laissé vacant depuis 1793 par son frère Louis XVI, les nouvelles idées libérales et démocratiques issues de la Révolution, se sont répandues dans la société française et que les membres du gouvernement royal ne pouvaient ignorer.
Pourtant, dans certains pans de la société, en province surtout subsistent encore des petites sociétés conservant la mentalité de l’Ancien Régime. Tel que le Cabinet des Antiques, ainsi nommé car constituée surtout de vieilles gens autour du vieux marquis d’Esgrignon, petite société aristocratique qui déplore les ravages causés par la Révolution mais ignore encore tout de l’évolution des mœurs qui a eu lieu depuis, et qui croit que le rétablissement de Louis XVIII signifie le retour à l’Ancien Régime.
Le marquis d’Esgrignon a un fils, Victurnien, qui a été élevé en vase clos au milieu de cette société enterrée dans la lointaine ville de province Alençon, éduqué avec les valeurs et les idées surannées du temps de l’ancien temps, sans contact avec la réalité présente. Ce lui a donné à croire à Victurnien qu’il était un homme au-dessus du commun et qu’il pouvait tout se permettre. Les conséquences en seront funestes. Le jour où son père décide de l’envoyer à Paris voir le Roi, pensant qu’il lui octroiera une place par égard pour le nom d’Esgrignon, vieille lignée aristocratique, comme cela se pratiquait dans l’Ancien Régime, fut le jour où les ennuis de cette noble famille commencèrent. Car lâché dans Paris, cette ville aux mœurs toutes différentes de ce que son père le marquis d’Esgrignon imaginait, Victurnien, plein des plus belles ambitions à ses premiers jours, ne saura se maintenir dans la haute société parisienne qu’au prix de dettes toujours plus élevés, aboutissant à sa ruine et à celle de sa famille d’Esgrignon. Car dans les temps nouveaux, tenir le haut du pavé dans Paris coûte cher ! Comment le sortir de cette spirale de dettes infernale ? C’est ce à quoi va tenter de s’employer le notaire de la famille, le vieux Chesnel. Ce ne sera pas simple ! Car la famille d’Esgrignon a des ennemis mortels, acharnés à sa perte et vont bien évidemment tenter de profiter des folies inconsidérées du fils prodigue du marquis pour la faire tomber dans le déshonneur et pour leur profit.
Un court récit de 137 pages dans l’édition que j’ai lue, mais pourtant très dense, où Balzac s’est surpassé dans l’élaboration de cette histoire complexe et fascinante. Les personnages qui s’y agitent sont rendus très vivants, leurs ressorts psychologiques qui motivent leurs actions et propres aux différentes catégories sociales sont très réalistes et parfaitement décrits. Balzac nous offre ici un de ses meilleurs récits pour notre plus grand plaisir, et qui, comme souvent, est sans illusions sur le genre humain.
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