Le Cabinet des Antiques de Honoré de Balzac

Le Cabinet des Antiques de Honoré de Balzac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Monocle, le 18 décembre 2020 (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans)
La note : 9 étoiles
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La suite de "La vieille fille"

LE CABINET DES ANTIQUITES s'inclut dans la vie de LA VIEILLE FILLE. Même lieu, mêmes acteurs (sauf ceux que l'histoire apporte).

Le marquis d'Esgrignon vit avec sa sœur et son fils dans un monde de souvenirs. Des relents des temps bénis de la royauté aux odeurs de sang que la guillotine a fait couler par fleuve. La ville est divisée entre ses nobliaux nostalgiques et le courant libéral qui fait feu de tout bois pour entretenir le bûcher de la république.

DU CROISIER qui épousa Rose Cormon au précédent épisode mène une lutte sans merci afin d'agenouiller son ennemi viscéral, le clan d'Esgrignon.

Le point faible c'est le fils, Victurnien d'ESGRIGNON qu'on envoie à Paris afin d'y trouver une place à la cour. La vie parisienne coûte cher et ce jeune écervelé s'endette, en signant des lettres de change que DU CROISIER rachète secrètement afin de donner le coup fatal à ses ennemis.


Et bien, ce très curieux texte qui clôture "ÉTUDES DE MŒURS SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE" est d'une subtilité surprenante. La douce Rose sera prise dans un choix Cornélien : l'obéissance aveugle au mari que lui impose sa condition ou un acte rebelle pour défendre ses convictions. Œuvre un peu méconnue, elle mérite sa lecture.


PERSONNAGES


– BLONDET : le juge, le père, bien moins connu dans La Comédie humaine que son fils « légal » Émile,

– CAMUSOT : Le Cabinet des antiques voit la formation du clan Camusot, qui va essaimer dans La Comédie humaine. Le fils aîné, qui n'est pas encore de Marville, fait ici ses débuts, sous le regard attentif de sa femme, qui prend en main sa carrière. Il monnaie son appui aux d'Esgrignon contre une nomination de juge et la Légion d'honneur. Il jouera bientôt le même rôle auprès de Lucien, dans Illusions perdues.

– CHESNEL : l'intendant au grand cœur, le type du « serviteur » fidèle et dévoué, tutoyé par son maître et ami, bien qu'il ne lui appartienne pas : il a son étude. Sa récompense : être enterré dans une chapelle du château d'Esgrignon.

– DU CROISIER : personnage à deux têtes, l'autre éteint celle de Du Bousquier dans La Vieille fille. Ici ce notable de province, éminence guise des milieux libéraux, jadis éconduit par Armande d'Esgrignon, quitta l'occasion de se venger de cet affront. En dépit d'un échec apparent, il triomphe finalement en faisant de Victurnien l'époux de sa petite nièce. Il est vrai que Victurnien reprend sa vie de garçon et n'a « nul souci » de sa femme.

– Armande d'ESGRIGNON : « Une des figures les plus instructives de cette historie ». Ses « cheveux d'un blond fauve » et ses « yeux d'émeraude » ont fasciné le tout jeune Émile, qui en garde un souvenir inoubliable. Elle est devenue un ange de vertu, de bonté, de dévouement. Elle se sacrifie à l'honneur du nom, « faute d'intelligence » (entendons celle de l'Histoire, qui évolue en dehors du cercle étroit où elle vit). Sa rencontre avec Diane, dans sa chambre cellule, est un des moments forts du roman par le « contraste inouï » ainsi provoqué.

– Victurnien d'ESGRIGNON : joli garçon mais nul. Il ne sait que s'autodétruire. Il n'est même pas un Rastignac, conquérant du faubourg Saint-Germain, ni une figure rendue intéressante par l'échec et la dureté sociale, comme un Rubempré. Une « erreur » de Diane, à coup sûr. Le roman le laisse sauvé, riche, marié, mais identique à lui-même.

– Diane de Maufrigneuse : elle a vingt-six ans. Elle n'est pas encore princesse de Cadignan, mais simplement l'épouse de Maufrigneuse, l'ex-amant de sa mère, éteint et inoffensif. Elle affiche une insolente liberté et garde tout au long une stature héroïque. Cet ange diabolique, qui ne croit « à rien qu'à elle-même », a l'orgueil d'une aristocratie qui se ruine, sans paraître y prendre garde, pour continuer à jouer brillamment sa comédie sociale. Bien opposée à la noblesse de province, elle n'a plus d'illusions et dévoile aux d'Esgrignon la loi de son temps : « Vous serez bien plus nobles que vous l'êtes quand vous aurez de l'argent ». Aussi, brûlant sa vie sans souci du lendemain, dilapidant cet argent qui est l'étalon de la nouvelle société, elle a la grandeur d'un Ange révolté et, malgré un culte immoral de la force, elle garde toute sa pureté par son extravagance destructrice.

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