Les cendres de la gloire - Le prix d'un Goncourt de Jean Carrière

Les cendres de la gloire - Le prix d'un Goncourt de Jean Carrière

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Malic, le 6 octobre 2020 (Inscrit le 9 décembre 2005, 83 ans)
La note : 8 étoiles
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Goncourt délétère

En 1972, Jean Carrière reçoit le Goncourt pour « L’épervier de Maheux ». Auteur discret, adoubé par Gracq et Giono, aussi peu intéressé qu’eux par l’institution littéraire parisienne, Jean Carrière se trouve brusquement entrainé dans le maelstrom du plus célèbre des prix hexagonaux : soudaine célébrité, cirque médiatique, engouement populaire digne d’une rockstar, ventes fabuleuses. Une frénésie collective, pour ne pas dire hystérie, qui culmine dans le côté aphrodisiaque du succès (cf l’extrait ci-après).
De retour dans son pays nîmois, notre lauréat constate que s’il a gagné le confort matériel, en revanche l’agitation qu’il vient de vivre l’a tellement secoué qu’elle a tari son inspiration, situation qui durera une dizaine d’années. Une période de dégoût de soi, angoisse de ne plus pouvoir atteindre les hauteurs auxquelles on l’a hissé, voire de ne jamais en avoir été digne. Il enchaine dépressions, insomnies, alcoolisme, et finit par divorcer d’une femme pourtant aimante et compréhensive.

Quinze ans plus tard, il raconte cette expérience délétère dans « Les cendres de la gloire », rebaptisé ultérieurement, et tout aussi judicieusement, « Le prix d’un Goncourt ». Au-delà de l’évocation du Prix et du cortège de malheurs qu’il représenta pour lui, c’est l’occasion pour l’auteur de raconter son enfance, sa découverte de l’écriture, son parcours littéraire et personnel. Un livre passionnant et qui consolera tous ceux qui n’ont pas eu cette fameuse distinction. Et même quand il parle de son impuissance à écrire, Jean Carrière continue à écrire très bien. Du coup j’ai entamé la lecture de « L’épervier de Maheux ». L’encrassement médiatique aura eu le temps de se décanter.


Un extrait édifiant :

« Un tel tapage ratisse large dans le passé d’un homme. Tout ce qu’on a fréquenté, obscur, de gratin ou de menu fretin, fonce dans cette drague, et vous voilà harcelé par un cortège de visages et de souvenirs mangés par l’oubli. Il y a les fidèles : ceux-ci se taisent, se tiennent à l’écart, confirmant l’intégrité de leur attachement. Les autres vous sautent au cou, vous désirent à leur table, sinon dans leur lit : beautés accroupies griffonnant en hâte un numéro de téléphone sur un genou à découvert en guise d’échantillon, tandis que s’impatiente une haie de chalands. Filles qui vous abordent dans la rue, vous ferrant d’une main qui s’attarde, d’un regard qui s’appuie. Courrier du cœur allant du poème rose à la missive marquée de rouge à lèvres. Une dame à laquelle je n’ai pas donné suite, me proposa de me coucher sur son testament après l’avoir fait sur son lit. Un soir, en regagnant le mien, j’y trouvai une des filles de chambre de l’hôtel [...], une brunette que j’avais souvent croisée dans les couloirs en convoitant ses mollets de danseuse sans qu’elle daignât m’accorder un regard avant de m’avoir vu sur le petit écran "

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