Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle de Tzvetan Todorov

Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle de Tzvetan Todorov

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Anonyme11, le 18 août 2020 (Inscrit(e) le 18 août 2020, - ans)
La note : 10 étoiles
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Une profonde analyse des Totalitarismes : Communiste et Nazi !

Tzvetan Todorov directeur de recherches au C.N.R.S. et historien, décide en l’an 2000 de faire un bilan sur LE 20ème siècle dans lequel nous sommes nés et avons vécu. Qu’est-ce qui l’a le plus marqué dans ce siècle ?
Réponse : la tragique « expérience » TOTALITAIRE suite à la création des deux grands monstres : le Communisme et le Nazisme.

Il propose dans cet ouvrage une profonde réflexion, à travers les écrits des grands Témoins et/ou Survivants tels que : Margarete Buber-Neumann, Germaine Tillion, Vassili Grossman, David Rousset, Primo Levi, etc.., du « phénomène » Totalitaire. Il nous explique ce qu’est, entre autres :
– Une Démocratie ;
– Un régime Totalitaire ;
– L’Idéologie et le « scientisme » Idéologique ;
– L’utopie ;
– La Terreur de masse ;
– Le Mensonge et la Propagande ;
– Les camps de concentration ;
– Etc..

D’abord, le régime Totalitaire a vocation à désigner une cible, un « ennemi de classe » ou un « ennemi de race »… à exterminer.
En effet, pour ces systèmes Totalitaires : on est avec eux ou contre eux, c’est la vision manichéenne d’ami/ennemi, et cela passe en premier lieu, par la déshumanisation à travers le vocabulaire, page 42 :

« Il faut, dit Lénine, « exterminer sans merci les ennemis de la liberté », mener « une guerre exterminatrice sanglante », « mater la racaille contre-révolutionnaire ». Tout totalitarisme est donc un manichéisme qui divise le monde en deux parties mutuellement exclusives, les bons et les mauvais, et qui se donne pour but l’anéantissement de ces derniers ».

Parmi les FAUSSES « croyances » à propos du Communisme, Tzvetan Todorov éclaire le lecteur sur le « classique » : soi-disant « humanisme universaliste » du Communisme, page 45 :

« Le communisme veut le bonheur de l’humanité – mais à condition que les « méchants » en aient été écartés au préalable, ce qui est après tout le cas des nazis aussi. Comment peut-on encore croire à l’universalisme de la doctrine quand celle-ci affirme qu’elle repose sur la lutte, la violence, la révolution permanente, la haine, la dictature, la guerre ? La justification qu’elle se donne est que le prolétariat est la majorité, la bourgeoisie une minorité, ce qui nous mène déjà loin de l’universalisme ; mais quand on sait de plus que l’autre grande contribution de Lénine à la théorie communiste concerne le rôle dirigeant du Parti, destiné à se soumettre la masse des prolétaires, on voit que même l’argument de la majorité ne tient pas ».

Puis, il décrit ce même concept lié à l’engagement militant et à son abnégation volontaire et totale, pages 109 et 110 :

« Il sait maintenant distinguer entre fins et moyens, ou du moins entre fins lointaines et immédiates : il admet que des actions contraires à la compassion initiale peuvent être nécessaires, puisqu’elles servent le but final, fixé par le Parti. L’autonomie individuelle est sacrifiée sur l’autel de la future autonomie collective. C’est à partir de ce moment que communistes et nazis allemands, deux partis appartenant à l’opposition qui se combattent dans les rues, commencent sans le savoir à se ressembler – par cette aliénation du jugement et de la volonté personnels, par cet engagement de fidélité envers le Parti et son chef -, alors que, jusque-là, ils restaient opposés, les premiers mus par la générosité universelle, les seconds par la défense de l’intérêt de leur propre groupe ».

La Terreur étant le MEME « carburant » permettant d’alimenter les deux régimes Totalitaires, l’auteur cite le grand auteur Vassili Grossman qui parle, page 74, du :

« grincement combiné des fils de fer barbelés de la taïga sibérienne et du camp d’Auschwitz ».

Tzvetan Todorov nous livre également une autre analyse de Vassili Grossman concernant la fondamentale notion de Responsabilité de ces Crimes contre l’Humanité, de ce MAL ABSOLU, pages 80 et 81 :

« Qu’en déduire ? D’un côté, Grossman nous conduit vers une conclusion qu’il ne formule pas en toutes lettres. Son contact avec les bourreaux les plus vils l’a convaincu d’une chose : on ne peut se débarrasser des méchants en les jugeant entièrement différents de nous ni en attribuant leur conduite à leur origine ou à leur folie. En découvrant les assassins de Treblinka, il conclut : « Ce qui doit faire horreur, ce sont moins ces êtres que l’Etat qui les a tirés de leurs trous, de leurs ténèbres, de leurs souterrains, parce qu’ils lui étaient utiles, nécessaires, indispensables. » Ce ne sont pas « les Allemands » ou « les Russes » qui sont mauvais, ce sont le nazisme et le communisme ».

Et pour compléter cette notion de Responsabilité, Tzvetan Todorov précise, pages 90 et 91 :

« Le tchékiste ou le SS qui met à mort les « ennemis » croit contribuer au bien et agir rationnellement. Comme le dit Rony Brauman, il agit « non pas tenaillé par une obscure soif du mal mais poussé par un sens du devoir, un respect sans faille de la loi et de la hiérarchie ». L’auteur du mal se présente toujours, à ses propres yeux comme au regard des siens, comme un combattant du bien. Même Hitler, devenu à nos yeux l’incarnation du mal pur, ne s’en est jamais réclamé. Sur le chemin de l’enfer, on ne trouve que de bonnes intentions. Dans cette perspective, celle des motivations psychologiques individuelles, notre « mal du siècle » n’est guère nouveau et n’a aucune spécificité ; ce sont la structure politique du totalitarisme et la mentalité scientiste le sous-tendant qui sont nouvelles, et responsables de ce que les mêmes dispositions initiales aboutissent à un résultat tellement plus catastrophique. Et, pour ce qui concerne les individus responsables ou non de l’accomplissement du mal : ils n’appartiennent pas à des espèces différentes, mais les uns ont laissé s’atrophier leurs sentiments d’humanité, les autres non ».

Après avoir étudié les atrocités commises par ces régimes Totalitaires ainsi que leurs fonctionnements ; le débat portant sur le fait de savoir lequel des deux : Communisme ou Nazisme est le plus monstrueux, tombe de lui-même. Car en effet, comme nous l’explique l’auteur, il n’existe pas de surenchère dans l’horreur, ils sont évidemment tous les deux aussi ignobles, page 101 :

« Quels jugements peut-on porter sur les deux variantes du totalitarisme ? Il faudrait d’abord distinguer entre les régimes et leurs acteurs. Pour ce qui est des premiers, je souscris à une conclusion que d’autres ont déjà formulée : ils sont également détestables. Leurs victimes directes se comptent, dans chacun des deux cas, par millions, et il y aurait quelque chose d’indécent à vouloir établir, de ce point de vue, un palmarès. La souffrance d’un individu enfermé dans un camp de concentration, subissant la faim, le froid, les parasites, les violences, est atroce. Peu importe que le camp soit allemand ou soviétique : les hommes ne souffrent pas d’une infinité de manières différentes. L’extermination directe pratiquée par les nazis n’a pas de vrai équivalent côté soviétique, mais provoquer par la famine la mort de millions de personnes, en l’espace d’une année, est à son tour un acte horrible ».

Continuant l’explication, pages 101 et 102 :

« Si l’on se situe dans une perspective historique, le communisme occupe la place centrale : il dure beaucoup plus longtemps, commençant plus tôt et s’éteignant plus tard ; il s’étend sur tous les continents de la terre, et non sur le seul centre de l’Europe ; il provoque un nombre de victimes encore plus grand. Dans l’optique du présent, sa condamnation est également d’une plus grande actualité : la mystification qu’il opère est plus puissante, plus séduisante, le démasquer est plus urgent. Or un déséquilibre évident caractérise les jugements officiels sur les deux régimes : mis à part quelques marginaux, celui des nazis est unanimement stigmatisé, alors que le communisme jouit encore d’une bonne réputation dans des cercles bien plus vastes (ainsi, en France sa variante « trotskiste »). L’antifascisme est de rigueur, l’anticommunisme demeure suspect. En France ou en Allemagne aujourd’hui le « négationnisme » est un crime puni par la loi ; la négation des crimes communistes, voire l’éloge de l’idéologie qui leur a présidé, est parfaitement licite. »

Concrètement, il n’y a pas de « meilleurs » ou pires moyens d’être exécuté, page 118 :

« Il n’y a en Union soviétique ni chambre à gaz ni camp d’extermination. Cette différence est significative, même si elle ne suffit pas pour rendre agréables les camps russes. En effet, ici, la famine, infligée volontairement comme punition pour un travail jugé insuffisant, les maladies non soignées, propagées par la vermine, le froid des toundras sibériennes tuent tout aussi cruellement que le gaz, bien qu’un peu plus lentement. « Il est difficile de décider ce qui est moins humanitaire, de gazer les personnes en cinq minutes ou de les étrangler lentement par la faim dans un délai de trois mois », remarquera Buber-Neumann dans son témoignage au procès de David Rousset. La différence significative est plutôt dans la place qu’occupe cette mise à mort par rapport au projet d’ensemble de chaque régime. Les Soviétiques, dont le cadre théorique global est historique et social, laissent faire la « sélection naturelle » : les plus faibles meurent de faim, de froid et de maladie. Les nazis qui se réclament de principes biologiques pratiquent en revanche une « sélection artificielle », à Auschwitz mais aussi à Ravensbrück : ce sont eux, leurs médecin et leurs gardiens, qui décident de la mort de tel détenu, alors qu’un sursis est accordé à tel autre. Les uns sacrifient des vies humaines comme si elles ne valaient rien, les autres sont pris d’une véritable « frénésie du meurtre ».

Puis Tzvetan Todorov se penche sur la question essentielle du : Pourquoi ?
Pourquoi des êtres humains sont-ils capables de commettre : le MAL ABSOLU ?
Même si il est impossible de répondre complètement et rationnellement à cette interrogation, l’auteur propose des pistes d’études très intéressantes, comme par exemple, pages 137 et 138 :

« Les hommes sont tous « potentiellement » capables du même mal, mais ils ne le sont pas « effectivement », car ils n’ont pas eu les mêmes expériences : leur capacité d’amour, de compassion, de jugement moral a été cultivée et s’est épanouie, ou au contraire a été étouffée et a disparu ».

Et il poursuit son analyse en présentant les concepts :
– De mémoire ;
– D’oubli ;
– De pardon et de vengeance ;
– De Justice ;
– Etc..

Ensuite, Tzvetan Todorov interpelle les Démocraties, car certaines d’entre elles ne se sont pas toujours montrées humainement exemplaires.
Cela a été le cas, par exemple, des Etats-Unis, qui après avoir libéré la France lors du Débarquement en Normandie le 6 juin 1944, ont, pour de soi-disant « bonnes raisons », « copié » les immondes méthodes des infâmes régimes totalitaires : en lâchant des bombes nucléaires les 6 et 9 août 1945, respectivement, sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon, tuant au total plus de 200 000 civils innocents.
Pourtant, rien ne justifiait ce Crime de Guerre contre des populations civiles sans défense !

Et l’auteur termine ce passionnant ouvrage de réflexions sur le Totalitarisme, par l’analyse des importantes notions de droit d’ingérence et de souveraineté nationale.

Ce terrible 20ème siècle a donc commencé par le génocide Arménien, puis a continué sous la domination des régimes Totalitaires : Communiste et Nazi, et enfin s’est achevé par le génocide Rwandais en 1994 et par le massacre de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine en 1995, et dramatiquement, bien d’autres encore…

Malgré notre parfaite connaissance historique de ces CRIMES et à travers notre Mémoire Universelle, des hommes assoiffés de Pouvoir et d’Idéologie, ne peuvent s’empêcher de reproduire sciemment, toujours les mêmes monstrueux Crimes contre L’Humanité et Génocides !

C’est à désespérer de la Nature Humaine !

Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants, de Tzvetan Todorov :
– Les Abus de la mémoire ;
– Le Nouveau Désordre mondial : Réflexions d’un Européen ;
– L’Esprit des Lumières ;
– Face à l’extrême ;
– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations.

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