Lire Lolita à Téhéran de Azar Nafisi

Lire Lolita à Téhéran de Azar Nafisi
( Reading "Lolita"in Tehran)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Fee carabine, le 29 juillet 2004 (Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 618ème position).
Visites : 8 049  (depuis Novembre 2007)

ou Gatsby chez les ayatollahs...

Après ses études universitaires aux Etats-Unis, Azar Nafisi est rentrée dans son pays d'origine - l'Iran - et elle a commencé enseigner la littérature anglaise à l'université de Téhéran. C'était au tout début de la révolution islamique... Très vite, Azar Nafisi s'est retrouvée aux prises avec la censure, la peur d'être dénoncée pour "immoralité" ("faute" que certains de ses collègues ont payée de leur vie), l'impossibilité de nouer un dialogue avec certains de ses étudiants, bien décidés à n'aborder la littérature occidentale qu'en regard des préceptes de l'Islam le plus radical. Je vous laisse imaginer les jugements prononcés à l'égard de Daisy Miller (une dévergondée qui a bien mérité son destin tragique, la fièvre romaine lui évitant somme toute la lapidation) ou sur Gatsby (doublement coupable, d'adultère et de consommer de l'alcool...). Dans le cas de Gatsby, le débat est bel et bien allé jusqu'à un procès, ce qui donne lieu à une scène parfaitement surréaliste, confrontant l'obscurantisme le plus primaire à un véritable débat sur le rôle de la fiction: la fiction romanesque doit-elle nécessairement susciter une réflexion morale? Cette scène de procès eût pu être très drôle, si elle ne donnait pas franchement froid dans le dos...

"Lire Lolita à Téhéran" est un très beau témoignage sur la vie d'une femme dans la République Islamique d'Iran: son expulsion de l'université de Téhéran suite à son refus de porter le voile, la période de quasi-réclusion qui a suivi, la naissance de ses enfants - un grand bonheur et un sujet d'angoisse, alors que Téhéran est régulièrement pilonnée par les bombes irakiennes -, le choix après quelques années de retrouver l'enseignement - dûment enveloppée dans son tchador, une capitulation douloureuse -, sa décision d'organiser un cours de littérature clandestin pour quelques étudiantes passionnées et finalement, le choix très douloureux de quitter l'Iran pour les Etats-Unis où ce livre a été écrit.

Et surtout "Lire Lolita à Téhéran" est un hymne au pouvoir de la littérature, comme mince espace de liberté dans les ténèbres d'une dictature, un hymne à la puissance des mots et de l'imaginaire, aux couleurs de la poésie et de la fiction face aux schémas de pensée trop assurés. Je crois qu'il est impossible de rester insensible à l'enthousiasme communicatif d'Azar Nafisi pour les écrivains qu'elle aime: Henry James (je me suis plongée dans Daisy Miller, sitôt refermé "Lire Lolita à Téhéran"), Scott Fitzgerald, Nabokov (j'ai presqu'envie de lui donner une nouvelle chance...), Jane Austen, Les Mille et Une Nuits, et Saul Bellow (que j'ai depuis commencé à découvrir avec un réel bonheur). Bref, c'est un livre que je ne peux que recommander très chaleureusement sur ce site d'amoureux des livres.

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Un hymne à la liberté

10 étoiles

Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 8 avril 2015

J'ai beaucoup aimé dans ce livre autobiographique toutes les parties sur la condition des femmes en Iran. Cependant, j'ai passé quelques pages concernant Nabokov, parce que ce travail d'universitaire m'intéressait un peu moins. Par contre j'ai adoré les liens qui se créent au fil du temps entre l'auteure et ses étudiantes, et la personnalité de chacune d'entre elles. C'est un magnifique hymne à la liberté, que toutes les femmes devraient lire.

Un cours de lettres

6 étoiles

Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 11 septembre 2012

Après avoir lu Shirin Ebadi, j'attendais de Nafisi...plus.

Ce livre est une collection de cours de fac anglistique avec quelques exemples de la vie pour une femme en Iran.
Malheureusement, pas plus.

L'auteur se cache derrière le contenu de ses cours, comme elle dit disparaitre derrière son voile, pour rester dans son milieu intellectuel et n'approfondit pas les raisons de son non-départ. Elle dit ne pas avoir de passeport pendant plus de 8 ans, parce que ça la stresse de faire les papiers (alors qu'elle pourrait quitter ce pays en guerre)- incompréhensible- .

Seulement grâce à ses élèves de différents horizons, on rencontre les thèmes de la guerre contre l'Irak, du mariage, de la prison après les démonstrations et des chicanes sur le maquillage sous le voile...

Décevant

Pas uniquement Lolita

7 étoiles

Critique de Mieke Maaike (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans) - 17 août 2005

J'ai acheté ce livre en pensant qu'il s'agissait d'une exégèse du roman de Nabokov vu par les yeux d'une Iranienne confrontée à la "révolution" islamiste. Après les deux premiers chapitres décrivant longuement les étudiantes qui se rendaient au cours de littérature clandestins chez l'auteure, j'ai eu une petite déception: ce livre est plus un témoignage de la vie en Iran qu'une critique littéraire de Lolita. C'est donc dans cette nouvelle optique que j'ai abordé la suite du livre.

L'auteure décrit les conditions de vie sous le régime islamiste, en particulier la condition des femmes et des intellectuels. Elle utilise la littérature comme fil conducteur, pas tant pour évoquer la politique mais plutôt pour aborder la question des valeurs morales. En effet, l'oppression du régime fondamentaliste se fait beaucoup plus sentir sur le comportement quotidien des gens que sur leurs opinions politiques: exigences vestimentaires, gestes proscrits, interdiction d'exprimer des émotions, relations entre les hommes et les femmes codifiées à l’extrême...

Au-delà de ce témoignage, intéressant en soi, Azir Nafisi nous livre son point de vue sur une série d'auteurs anglophones. Même si je ne partage pas du tout son analyse de Lolita (pour elle, Humbert Humbert n'est qu'un pervers qui veut arriver à ses fins par tous les moyens, broyant entre ses griffes la pauvre petite Lolita), j'ai beaucoup apprécié sa passion communicative pour la littérature. Un livre que j'ai été heureuse de lire :-)

Lire pour vivre et survivre

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 29 juillet 2004

Jolie critique Fée Carabine. Voici un ouvrage que je viens de terminer et qui m'a tout autant marquée.
L'histoire de sept jeunes filles qui illuminent un appartement par leur joie d'apprendre et de découvrir la littérature. Sept femmes épaulées par leur professeur Azar Nafisi et s'adonnant aux joies de la littérature interdite parce que subversive. Chez ces femmes, il existe un besoin de culture et d'indépendance qui laisse rêveur par sa force et sa volonté. Femmes aux parcours difficiles, enfermées ou battues, condamnées pour "attitude occidentale", remises sur le droit chemin par des purificateurs qui vérifient jusqu'à la longueur de leurs cils. Surréaliste et pourtant tristement réel.

Dans cet appartement clandestin, on y entend des rires, les voiles sont laissés de côté dans l'entrée et on s'adonne aux plaisirs interdits : lire les auteurs impérialistes ! A l'heure de la torture et de la censure, lire Lolita ou Madame Bovary peut sembler relever de la folie. Ou de la bravoure. En tout cas, il faut du courage pour se lancer dans une telle aventure.
Azar Nafisi est professeur universitaire de littérature, elle a démissionné le jour où elle a dû demander l'autorisation d'un conseil de mollahs pour enseigner tel ou tel auteur dans son cours et justifier son choix d'enseigner Gatsby le Magnifique, livre symbole aux yeux de ses détracteurs de l'immoralité américaine. L'obscurantisme frappe à grands coups, littérature et révolution ne font pas bon ménage en Iran.
Dans ces ateliers de lecture animés par Azar Nafisi, pas de jugements moraux ou d'interdictions, le mot d'ordre est : dialogue. Les jeunes filles s'expriment, parlent de leurs envies, de leurs émotions, racontent ce que leur inspirent les histoires dévorées à pleines pages et comment elles s'identifient ou non aux héroïnes dont elles suivent l'évolution. Intéressant en quelque sorte pour se débarrasser, en tout ou partie, de ces notions de culpabilité que le régime conservateur iranien inculque aux jeunes femmes dont certaines ont, en plus, le tort d'être jolies.

Je dois avouer que par moments, je me suis demandée pourquoi Azar Nafisi faisait lire de grands romans (souvent d'amour) anglais ou américains à ses élèves et pas des traités de philosophie ou des textes fondateurs des régimes démocratiques. La réponse est venue d'elle-même au fil des pages devant le bonheur de ces lectrices : s'offrir du plaisir, se dire qu'il existe une vie plus agréable ailleurs, même si celle-ci ne sera jamais telle que décrite dans les bouquins, nourrir des espoirs grandioses tout en gardant un oeil sur la condition féminine à toutes les époques et dans diverses sociétés. C'est peu et énorme à la fois. Comme une brise de liberté au milieu de sombres nuages noirs. La passion de Azar Nafisi pour les livres renverse tout sur son passage. Un tel enthousiasme ne peut que contaminer et c'est tant mieux !

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