Graine de sorcière de Margaret Atwood

Graine de sorcière de Margaret Atwood
(Hag-seed)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par SpaceCadet, le 3 mai 2020 (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans)
La note : 6 étoiles
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Shakespeare en version Atwood

Publié dans le cadre du ‘Hogarth Shakespeare Project’(1), Margaret Atwood s’est inspiré pour composer ce roman, de ‘La tempête’, une pièce écrite vers 1610-1611 par William Shakespeare.

Se déclinant en cinq actes, la pièce raconte l’histoire de Prospero, duc de Milan qui, déchu et trompé par son frère, se retrouve naufragé sur une île déserte en compagnie de sa fille Miranda. Grâce aux pouvoirs qu’il tire de ses livres, Prospero va éventuellement trouver le moyen de se venger pour ensuite récupérer son duché.

Constitué d’un prologue, de cinq chapitres et d’un épilogue, le roman épouse approximativement la même forme et les mêmes séquences que la célèbre pièce dont il s’inspire. De la même façon, au niveau de l’intrigue et des personnages le roman reste plutôt fidèle à son modèle.

Il raconte l'histoire de Félix Phillips célèbre directeur dont le talent et la créativité a largement contribué à la réputation d’une prestigieuse compagnie théâtrale canadienne, qui en 2001 se fait sèchement virer. A cinquante ans, lui dit-on à demi mots, il n’est plus dans le coup, ses idées sont dépassées, pour le bien de la compagnie, le moment est venu de tourner la page. Pendant que Tony, proche collaborateur, prend la place qu’occupait Félix et stoppe la préparation de ‘La tempête’, pièce sur laquelle Félix travaillait, Félix de son côté, réalise que sa carrière vient de prendre fin. Abîmé par de récents incidents qui ont bouleversé sa vie privée, Félix décide de se retirer de la vie publique et part s’isoler à la campagne. Là, soignant l’humiliation qu’il vient de subir et nourrissant l’espoir de pouvoir se venger, il devra attendre une douzaine d’années avant d’arriver à ses fins.

Ne connaissant pas, s’il en est, le détail des contraintes auxquelles l’auteure devait se conformer pour ce projet, il est difficile je trouve, d’évaluer de manière objective la qualité de cette œuvre de fiction. C'est donc sous toutes réserves que j'offre ici mon point de vue.

Bien qu’il s’agisse d’une transposition, disons que je m’attendais à une approche plus créative. Or, tandis qu’au niveau de l’histoire, cela reste assez solidement ancré dans les limites dictées par le modèle, paradoxalement, certaines parties du roman s’étendent sur des détails relatifs à la production théâtrale qui, sans vraiment nourrir le récit, semblent plutôt vouloir intéresser un lectorat ciblé (étudiants, enseignants, animateurs).

Point de vue thématique, en dépit des divers sujets abordés (la trahison, la vengeance, ou l’impact du jeu théâtral dans un contexte carcéral), animé par des personnages stéréotypés dont les réactions sont pratiquement toujours prévisibles, le roman navigue invariablement en surface, faisant étalage d'une désolante superficialité et d’un irrémédiable conformisme idéologique.

Par ailleurs, une des particularités de ‘La tempête’ est de comporter plusieurs éléments de magie et de surnaturel et à cet effet, il est intéressant de voir comment, passant entre autres par la technologie moderne, l’auteure transpose ceux-ci dans son roman d’une manière qui reste fort plausible dans un contexte contemporain.

Soulignons également que madame Atwood a su ici mettre à profit sa maîtrise de la langue, faisant étalage d’une créativité remarquable pour pimenter le texte de jolis jeux de mots, de figures de style étonnantes d’originalité, de même que d’habiles envolées musicales.

Un projet qui m'a semblé intéressant, mais si l’adresse avec laquelle le défi a été relevé est indéniable, malgré quelques qualités inhérentes, je dois cependant avouer qu’en raison de son manque de profondeur, d’étendue, voire d’intelligence ainsi que son caractère intentionnellement ciblé (qui n’est pas sans évoquer un certain mercantilisme), ce roman m'a laissé sur ma faim.


Notes :

1.A l’occasion du quatre centième anniversaire de la mort de William Shakespeare, c’est-à-dire en 2016, Hogarth Press, un éditeur britannique, a lancé une collection dans le cadre de laquelle allaient être publiées des œuvres de fiction signées par des auteurs connus et ayant pour point commun celui de revisiter sous un jour contemporain les œuvres de Shakespeare.

2. Ce compte rendu réfère à la version originale en langue anglaise du roman.

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