La photo de classe de Didier Cornaille

La photo de classe de Didier Cornaille

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Mimi62, le 8 avril 2020 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans)
La note : 7 étoiles
Visites : 2 572 

Une jolie écriture dans un univers lent

Un roman rural avec le rythme propre aux campagnes, dont l'intrigue concernant la résolution d'un fait ancien est le fil conducteur du récit.
Pas de rebondissements spectaculaires, pas d'angoisse comme dans un thriller, pas d'impatience, pas de besoin de tourner la page, jusque le plaisir de se laisser aller à une trame paisible mais pleine de sous-entendus, de choses non dites.
L'écriture est superbe et c'est cela qui donne envie de tourner les pages, pour profiter de ces lignes et surtout se laisser prendre la main par elles pour parcourir cette campagne.

Si vous chercher un roman d'action avec un rebondissement à chaque page, ce livre n'est pas pour vous, si vous appréciez découvrir l'évolution lente des personnalités, les ambiances où tout est tu, où la roublardise, le qu'en dira-t-on et le souci de ne pas se mêler des affaires des autres, alors là, vous pouvez trouver votre compte.

Avant toute chose, c'est un livre que l'on apprécie pour son écriture. Je ne suis pas un passionné des descriptions mais force est de reconnaître qu'ici elles sont une succession de perles comme une espèce d'eau doucement pétillante. Les personnages sont bien campés, et certains à défaut d'être sympathiques car ce serait être trop démonstratif que d'éprouver de la sympathie, suscitent l'empathie.

Un livre qui se déguste sous réserve de ne pas chercher un roman d'action.

Quelques passages de ce livre

"Au fond, pire que de simples exilés, ce sont des exilés à qui on s'est bien gardé de dire qu'ils l'étaient, à qui on fait croire qu'il leur plaisait de l'être."

"Avec le temps, sans qu'on y prenne bien garde, les choses se sont inversées. Maintenant, pour ne pas dénoter, il faut marquer sa différence. Plus c'est visible, moins ça ressemble à ce qu'on a déjà vu et mieux c'est. "

"Même les oiseaux se sont tus. Dans l'oppression de ce silence trop absolu rôde une attente. De qui,de quoi ? Nul ne le sait. Quelques de très grand, de très fort, peut-être de définitif ne cesse pourtant d'être imminent. Une angoisse diffuse semble avoir saisi les choses et les êtres. A force on finit par déraisonner et par espérer que cela survienne, n'importe quoi, n'importe comment pourvu qu'on soit délivré de l'étreinte de cette sorte d'insupportable agonie."

"Il ne parvient toujours pas à distinguer ce que l'ombre et la poussière associées peuvent dissimuler."

"L'affaire de Lucien n'est plus qu'un prétexte. Il lui sert à satisfaire une énorme curiosité qui s'est ouverte en lui. Avec un certain malaise, il mesure l'énormité du désintérêt des autres qui s'est saisi du petit monde dans lequel il vit. Comme des particules dans l'immensité du vide sidéral, ils se sont séparés et se sont oubliés. Chacun mène sa vie comme il l'entend ou, plus sûrement encore, comme elle lui est imposée, mais, quand le hasard les fait se rencontrer, ils ne se reconnaissent plus.
Décomposition d'une forme de société qui a fait son temps. Ce ne serait rien si autre chose s'était reconstruit derrière. Après tout, il n' y a rien d'immuable. Que nous le voulions ou pas, nous évoluons tous les jours, à l'image de notre environnement. Ce serait terrible et d'un ennui mortel si les choses venaient à se figer. Mais de là à se diluer à ce point ! En quelques années, l'étroite et patriarcale société villageoise aussi vieille que le monde s'est perdue dans le marais de l'indifférence. Chacun pour soi."

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