Telluries - 99 Tanka de Alhama Garcia
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie
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La critique de Patryck Froissart
Le tanka est une forme poétique lyrique japonaise classique de 31 syllabes sur l'ensemble d'un tercet et d'un diptyque, avec alternance 5-7-5 7-7.
Le tanka est donc construit en deux parties, la seconde venant conforter la première. Un tanka soucieux du respect des règles originelles doit marquer une légère pause entre les deux et ne traiter que d'un seul sujet à la fois. Il peut questionner mais ne donne aucune réponse. Le tanka est basé sur l'observation, non sur la réflexion. Il doit être un ressenti sincère et vécu, non imaginé. La première partie est traditionnellement un tercet de 17 syllabes de structure 5-7-5 (devenu plus tard haïku), et la deuxième un distique de 14 syllabes de structure 7-7. Il arrive cependant que la première partie soit le distique et la deuxième le tercet.
La première montre une image naturelle, tandis que la seconde peut éventuellement exprimer des sentiments humains ressentis, liés au sujet précédent, sans que cela soit une règle absolue. La pratique du tanka était réservée à la Cour impériale, et toute personne de rang inférieur surprise en train de pratiquer le tanka était condamnée à mort. Cela explique le succès populaire du haïku, beaucoup moins strict.
L'apparente simplicité des thèmes observés donne au tanka toute sa légèreté et son caractère universel. Contrairement au haiku, le tanka est une forme chantée.
Ce langage poétique s’appuie sur les mots et les associations d’idées qu’ils déclenchent.
La pratique du tanka régulier français a été officialisée par l'École Internationale du Tanka fondée en 1957 par Mme Jehanne Grandjean, membre de la Société des Gens des Lettres de France, et sous le contrôle du Maître Nobutsuna SASAKI, Membre de l'Académie Impériale Japonaise, Président d'Honneur de l'Ecole Internationale du Tanka.
(Sources: Wikipedia)
Alhama Garcia maîtrise remarquablement ce genre poétique singulier. Il livre ici à la curiosité des lecteurs profanes et aux amateurs initiés du tanka ses propres textes, chacun d'entre eux étant suivi d'un équivalent libre en anglais.
Les 99 tankas de ce recueil sont répartis en 5 ensembles numérotés comme des chapitres, de longueur inégale, dont le lecteur perçoit rapidement, pour chacun d'entre eux, intuitivement ou par une simple observation des champs lexicaux, l'unité et la cohérence thématiques, dont le titre du recueil, Telluries, est l'absolue synthèse.
Le premier ensemble invite le lecteur à un voyage contemplatif sur cette ligne littorale d'où ses regards peuvent se porter simultanément ou alternativement sur les vastes espaces liquides horizontaux et sur les reliefs variés qui bordent les côtes. Lors de ce va-et-vient du mouvant à l'immobile, du liquide au rocheux, du constant au changeant, le poète alterne surprenantes assimilations et contrastes inattendus.
Partageons :
Ici rien ne lasse
sur ton échelle marine
l'ange oublie vois
déployer derrière toi
la colline réécrite
Le second, à partir de l'image initiale d'un chêne mort, associe le végétal, l'eau, la terre, le ciel, la lumière et l'air, ou plutôt l'aérien, ce domaine des oiseaux et des insectes ailés. Nous voilà plongés dans le monde complexe de la forêt, où la vie et la mort incessamment s'entremêlent, où la puissance des troncs centenaires côtoie la délicatesse des toiles d'araignées, où la lumière des clairières succède à l'ombre des frondaisons, où le mouvement et la caducité des feuilles, ainsi que la fugacité et l'éphémère de la gent ailée, s'opposent à l'immuabilité des fûts et des sols où ils s'enracinent.
Savourons :
Sous le chêne mort
un rideau perlé de gouttes
trempe le talus
l'ornière est pleine et frissonne
lumière peau délicate
Le troisième chante l'avènement, l'approche du printemps, les signes du renouveau, de la renaissance, les promesses du futur, les prémices délicates, que le regard du poète promeneur saisit dans la moindre particule élémentaire des prés, des bois, des champs et des jardins pour en dresser une riche palette de couleurs, d'odeurs, de subtiles sensations.
Goûtons :
Sous la pluie froide
seul le jardinier léger
devine il attend
le bouton vert est fruit jaune
et l'odeur monte à sa bouche
En quatrième partie est offerte au lecteur une ode à l'oiseau, une ronde de tankas où apparaissent tour à tour, évidemment volatiles, forcément volages, fugaces, transitoires, le pipit, la mésange, le rouge-gorge, la perdrix, le rapace, le ramier, la chouette... et le poète, qui y a soit le statut de l'observateur, soit celui de l'observé.
Admirons :
Qui suis-je pour rouge
gorge curieux promesse
obstacle menace
un œil liquide me cercle
d'un rond réticule étroit
Le dernier florilège est une savante mise en miroir du monde des insectes et de celui des hommes, qui aboutit, par un subtil transfert, à une pathétique représentation de la destinée humaine, d'où se dégage puissamment l'angoisse du poète face à la promptitude de notre passage sur terre, à l'inconsistance des traces que nous y laissons, à la précarité des édifices que nous y élevons, à la négation posthume de notre être, et, le comble pour le trouvère, à l'effacement et à l'oubli de son œuvre poétique.
Ruminons :
De leurs œuvres
quelque vivant peut-être
d'eux ne saura rien
il reste un texte de pierres
leur silence est ma terreur
Et puisque chaque quintil est accompagné de son reflet en anglais, offrons-nous celui-ci en guise de dessert :
For a long time I tied up
my hands and sewed my tongue
and lips and this torture
didn't me teach me anything
here I unpick all over I'm walking
Il est ainsi de petits livres constellés de pierres précieuses...
Les éditions
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Telluries - 99 Tanka
de Garcia, Alhama
Editions du tanka francophone
ISBN : 9782923829098 ; EUR 15,00 ; 01/06/2013 ; 72 p. ; Broché
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