Proust, prix Goncourt: Une émeute littéraire de Thierry Laget

Proust, prix Goncourt: Une émeute littéraire de Thierry Laget

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Veneziano, le 9 janvier 2020 (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 201ème position).
Visites : 2 826 

L'intrigue des prix littéraires et ses suites

L'oeuvre de Marcel Proust semble trop originale et l'auteur pas assez intégré dans le sérail des académies littéraires pour obtenir le prix Goncourt pour Un amour de Swann, malgré les tentatives d'influence de sa part, puisqu'il sait qu'il faut intriguer sans précisément savoir comment. Il finit par l'obtenir en 1919 pour A l'ombre des jeunes filles en fleur. Enorgueilli, Proust doit toutefois éponger les critiques de toutes parts qui y voient le rejet d'une époque, de ses valeurs, la promotion d'un mode de vie suranné, voire condamnable, son appartenance pro-dreyfusarde étant mise sous silence par ses détracteurs progressistes pour mieux condamner une oeuvre hautement bourgeoise. Mais il obtient sûrement ses "lettres" de noblesse.
Ce livre montre les stratégies des jurys de ce genre de prix, le jeu de la lassitude en leur sein et les menus calculs de pouvoir qui y sont tenus, avec tous les commentaires hallucinés et hagards, tout finissant par être su dans ces cénacles. Il est intéressant tant historiquement que sociologiquement.

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Le triomphe de Proust et la gloire de Daudet

9 étoiles

Critique de Alceste (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans) - 8 juillet 2020

C’est bien l’attribution du prix Goncourt au deuxième roman de Proust, "A l’ombre de jeunes filles en fleurs" qui a provoqué cette « tempête, ce chœur de protestations », selon l’expression de Thierry Laget.

Marcel Proust tenait à ce prix et a fait campagne pour l’obtenir. L’ouvrage décrit bien les manœuvres, les tractations, les stratégies déployées par chacun, dignes d’une partie d’échec ou de billard.

L’enjeu de cette attribution était important : c’était la première après la fin de la guerre 14-18. D’emblée, un favori apparaît : Roland Dorgelès, qui, dans « Les Croix de bois », a magnifié son épopée de Poilu dans les tranchées. Une première objection apparaît à la candidature de Proust : il a passé la guerre à l’arrière… L’autre reproche est qu’il n’est pas un « jeune écrivain ». À cela Proust réplique que la guerre l’a empêché de publier pendant quatre ans. Léon Daudet de son côté fait remarquer que les Goncourt voulaient plus précisément récompenser un « jeune talent ».

Léon Daudet a d’ailleurs été le principal soutien de Proust au sein de l’Académie Goncourt, ce qui vaudra à ce dernier de nouveaux reproches de favoritisme, étant donné son amitié avec Lucien Daudet.

En fin de compte, Léon Daudet est, selon moi, l’autre héros de cette bataille, lui qui a fait taire ses opinions politiques pour célébrer la vraie littérature, et qui a eu le flair de reconnaître le génie de celui qui n’était encore qu’un écrivain obscur, lequel, sans le Goncourt, n’aurait peut-être jamais accédé au rang qui est le sien pour l’éternité. Il se montre par ailleurs excellent exégète de l’œuvre de Proust comme le prouve cet extrait :

« Sa tapisserie a d’abord l’air vue à l’envers, avec ses fils qui pendent et sa grisaille. Il la retourne brusquement, et l’on voit alors toutes ses lignes, ses perspectives, son rouge ardent, son jaune cru, son violet profond. Cela est d’un maître. Aussi, ce serait une erreur de croire que le romancier des "Jeunes filles en fleurs" est simplement un promeneur des méandres de la pensée, de la sensualité et des sentiments. C’est encore, c’est surtout un visionnaire de l’au-delà de ces méandres, de la source mystérieuse d’où coulent ces couleurs… »

Plus loin, cet éloge comique « Quand on pense que vous observez tout cela de votre lit – car vous ne vous levez presque jamais, n’est-ce pas - on se demande à quoi sert la station debout. »

Et en effet, le récit, bien documenté quoique toujours fluide, explique que Proust dormait au moment de la proclamation du prix. Il est vrai que 14h, ce n’est pas une heure pour le plus célèbre confiné de l’histoire de la littérature ! Parmi d’autres faits curieux révélés par Laget, on apprend que l’éditeur du candidat évincé a fait paraitre des encarts publicitaires où figure en grandes lettres la mention : « Les Croix de bois, Prix Goncourt 1919 », et en plus petit : « par 4 voix sur 10 » …

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