Vingt-quatre préludes de Daniel Charneux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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En écoutant Debussy
Ils souffrent presque tous du syndrome de Rimbaud : ils rêvent de « partir vers l’indigo » ou au large de la Terre de Feu, bref, « n’importe où hors du monde », convaincus que « la vraie vie est ailleurs ». Leur vie est encombrée d’idées noires, il y pleut de la grisaille comme dans les Simenon. Avec quelques éclaircies, instants fragiles et frémissants, où se faufile la poésie. Avec quelques surprises, où l’humour s’insinue. Elle coule comme un long fleuve somnolent. Comme une partition pour la main gauche.
Alors surgit la note aiguë. L’éclair. Le drame. Ou la fêlure. Ou le coup de foudre. Crac !
S’il est une clé de sol pour ces préludes, ce serait l’absence – ou son côté pile, la présence. Ou la rencontre des deux, souvent détonante.
N’est-il pas sujet à de mystérieuses absences, ce prof aux ID noires ? Et dans cette auberge, n’est-ce pas à la faveur d’une absence, autrement dit, d’un moment d’égarement, qu’une présence se fait sentir, qui ne disparaîtra pas tout à fait ? Et ce poète parano qui met la clé sous le paillasson puis surmonte sa peur et revient au bercail ? On verra aussi que les absents ont toujours tort : quand le chat est parti, les souris dansent (mais qui revient chasse les chiens). Absent encore celui-là qui écrit en attendant de vivre. Il n’en subsistera que des pas sur la neige.
Mais présence que cet enfant à naître, tel que sa mère le sent en elle se mouvoir. Présence d’un corps de Gitane, qui se donne dans le plus grand dénuement. Emoi d’une rencontre, quand les mains de la pianiste parlent avec le cœur. Besoin d’amour. Parce que les hommes, « quand l’amour n’est plus là pour les faire exister, ils redeviennent ce qu’ils sont vraiment ».
Même si ces 24 préludes sont des variations sur un même thème, ils n’en laissent rien paraître tant ils sont maîtrisés et d’apparence primesautière. D’ailleurs, sont-ce des préludes ou des fugues ?
Les éditions
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Vingt-quatre préludes de Daniel Charneux
de Charneux, Daniel
Luce Wilquin / Euphémie
ISBN : 9782882532589 ; 13,16 € ; 02/06/2004 ; 150 p. ; Reliure inconnue
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Les critiques éclairs (7)
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Vingt-quatre nouvelles.
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 26 novembre 2009
Seconde contrainte - et elle se découvre si l’on connait un minimum l’auteur - chaque nouvelle est dédiée à un nom, ou plusieurs noms, et … ces noms sont de vrais noms de vrais gens, des connaissances – plus sûrement des amis – de Daniel Charneux, et ces nouvelles dédiées sont manifestement en lien avec la personnalité ou l’histoire de la personne concernée. J’en ai reconnu quatre et c’est assez étonnant. Un bel exercice de style donc, mais pas que … loin de là !
Des nouvelles très variées, de quelques pages à, quelquefois, deux courtes pages. Des sentimentales, des tristounettes, des oniriques, des un peu fantastiques… et donc tout cela en illustrant le titre imposé par Debussy et la personnalité de l’ami à qui la nouvelle est dédiée. De la tendresse, toujours, même si désespérée parfois …
Impossible de les citer toutes. Certaines resteront davantage que d’autres gravées dans la mémoire. C’est le propre des recueils de nouvelles que d’alimenter des imaginaires différents, mais d’en alimenter toujours. Quand elles sont bonnes.
« Sur la côte , là-bas, il y a un grand jardin tout plein de roses, une petite maison blanche avec des volets verts. Quand j’aurai refait ma vie, elles viendront me rejoindre.
Elles ne comprendront pas. Elles vont prévenir la police, c’est sûr. La Sûreté sera mise au courant, tout de suite. Ils lanceront un avis de recherche, un mandat d’amener international. Ma photo sera sur tous les murs.
Elles vont s’inquiéter. Les petites feront des rêves d’angoisse.
Je vais descendre à la prochaine gare. Je vais faire demi-tour, prendre le chemin à l’envers. Je serai à l’heure pour la sortie des écoles. Ca ira. Ou peut-être un peu en retard. J’expliquerai que j’ai eu un contretemps. Oui, c’est ça, un contretemps. Que le temps s’est mis tout à coup à jouer contre moi. Je vais descendre à la prochaine. Je vais faire demi-tour. Ca ira.
Ca ira. »
24 préludes ? 24 ludes (jeux) de mots, de vie, de poésie
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 18 août 2009
Après deux romans chez Luc Pire, Une semaine de vacance et Recyclages, Daniel Charneux passe de Luc à Luce, pour le bonheur du lecteur qui trouve chez Wilquin un format et une police de caractères bien plus agréables. Ce qu’il a gardé, c’est un humour et une plume gaillarde qui joue avec les mots.
Au travers de ces 24 nouvelles de longueur inégales, l’auteur nous rend attachants ces personnages qu’il a dû rencontrer ou qui l’ont fait rêver. Que de perspicacité à saisir ces instantanés, que d’imagination aussi pour créer tout un monde, tout un climat tantôt fantastique, tantôt réaliste. On y côtoie Gina Lollobrigida, Gregory Peck, Georges Bush, mais aussi une Deuche, une 4 CV, on entend la voix de La Callas, et on chante Aline, et on revoit le film Tanguy et l’on revit l’ambiance des sixties. Quel bonheur !
Daniel Charneux ? un jongleur de mots. Il les apprivoise, les triture et les rend en répétitions mais de graphie différente ou avec des suffixes qui en bouleversent le sens. Ces tours de passe-passe sont du meilleur effet :
« Et joie, joie, pleurs de joie, Ariane tomba enceinte. Et, joie, joie, pleurs de joie, Ariane enceinte ne tomba pas. Car une chute en telle circonstance ne peut qu’avoir de déplaisantes conséquences pour le petit être… »
Comprendre l'autre
Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 87 ans) - 6 avril 2005
Inventeur de destin
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 4 février 2005
Que j'ai moi aussi succombé au charme de ses préludes. Que la poésie est toujours au rendez vous, tragi-comique, légère et profonde.
Qu'en quelques mots, D.Charneux pose une ambiance, particulière et personnelle, un univers un peu décalé où ces mots qu'il aime tant s'assemblent, s'amusent, s'animent et s'entrecroisent comme le plus bel orchestre jouant Debussy.
Je pourrais vous dire tout cela mais si vous avez lu les critiques précédentes, vous l'avez déjà compris.
Alors, je vous dirais juste mon penchant pour le prélude VI - "Des pas sur la neige", cette histoire d'écrivain qui, une fois au paradis, devient inventeur de destin, comme Monsieur Charneux ...
PS : Debussy a vraiment eu du goût en mettant ces jolis textes en musique ;-)
Des vies, des musiques, des couleurs...
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 18 août 2004
Vingt-quatre préludes, c'est aussi des climats, des ambiances, des couleurs qui se déclinent des tons pastels jusqu'au rouge sang le plus tragique ( "La sérénade interrompue").
A travers ce recueil, l'auteur se veut compositeur en nous invitant à partager ses petites mélodies faites de notes et de mots.
Instantanés
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 15 août 2004
Moments hors du temps, instantanés d'existence, coups de soleil, coups d'amour, coups d'humour. Révelations, intensités, découvertes.
Eléments transformateurs dont il faut parfois deviner les conséquences, ces 24 textes sont à la fois charmants, fantaisistes, audacieux, tendres. Tant de perceptions propres à chaque lecteur, notant et dénotant chaque mot...
Rien d'autre à ajouter, les précédentes interventions ayant été assez éloquentes.
Des histoires de musique ou Charneux l'enchanteur
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 3 août 2004
Le bonheur, s’il n’est pas toujours pour demain, est souvent illusoire ou voué à une durée brève.
Quelques personnages arrêtent leur vie au moment où le bonheur leur fausse compagnie (Voiles, Les collines d’Anacapri). Comme si pour eux la chance ne pouvait revenir. D’autres ne craignent pas de bouleverser leur mode de vie, leur ancrage dans le quotidien pour le chercher ("La fille aux cheveux de lin"), le construire ou simplement s’en approcher. Je ne sais plus qui a écrit que c’est le plus grand acte de courage que celui de vivre heureux.
On sent que les personnages ne sont pas des nihilistes, ils présentent une aptitude certaine au bonheur. S’ils se tuent, c’est par désespoir de l’avoir perdu, non parce qu’ils traînent un dégoût de vivre depuis la naissance.
On le voit, Daniel Charneux poursuit sa réflexion sur le bonheur engagée dans Recyclages voire dans Une semaine de vacance...
Et tel un illusionniste qui veut rendre heureux son parterre, il y met les formes, et la panoplie du parfait prestidigitateur. Il fait surgir de son chapeau des textures et des couleurs, des identités riches, des destinées, et s’il nous dévoile les fils avec lesquels il tire ses marionnettes, c’est à travers des jeux de mots et de chiffres, des détails ironiques comme dans "La terrasse des audiences au clair de lune", où cette jeune femme, Sabine, est enlevée par un garçon prénommé Romain, ou bien dans "Général Lavine - eccentric", avec cet homme dont la vie se place sous le signe du sept et qui aura un enfant doté d’un chromosome en trop sur la paire 21 - un multiple de 7... A la fin du tour, il nous accorde le truc comme dans "Bruyères" (c’était un fantasme) ou "Les fées sont d’exquises danseuses" (c’était une pub d’un nouveau genre). Bon sang, c’était bien sûr, a-t-on envie de s’exclamer à l'instar du commissaire des Cinq dernières minutes.
Tout compte fait, ces personnages n’auraient-ils pas réellement existé, ou auraient-ils confié à l’auteur un minimum d’indices afin qu’il leur recompose une vie plus seyante, donnant une meilleure prise au vent de l’imaginaire ? Mais si on a lui a fourni le bois précieux, il revient à l’ingénieux Gepetto d'avoir insufflé vie à Pinocchio.
L’humour est omniprésent, comme dans le premier prélude (« Danseuses de Delphes ») où un professeur qui change un peu de tête se fait passer pour son clone. Il peut être violent, comme dans "Des pas sur la neige" où nous est racontée la vie du supposé papa de Michel Berger... Si certaines nouvelles sont des instantanés, d’autres embrassent la matière dense d’un roman, comme dans "La sérénade interrompue". Celle-ci nous conte un drame social qui se déroule en 1950 dans lequel un ouvrier carreleur est condamné pour le meurtre d’une bourgeoise qui, par dépit de n’être pas une grande pianiste... Je ne dévoile pas la fin, mais on imagine aisément un téléfilm tiré du sujet. Ou dans "Ondine", qui nous dresse le portrait d'un ténor du barreau et qui est marié à une femme ne pouvant avoir d’enfant ; il s’en vient frapper un soir chez Ondine, une tenancière de bar... Simenon n’est jamais loin mais un Simenon qui n’aurait pas écouté les conseils de Colette ou de Gide, je ne sais plus, d’écrire simple, et qui emploierait les mots qui jouent à plein, tels des petits gâteaux de lecture gonflés de saveurs.
Chez Charneux, le monde est rempli de signes qui relient les faits entre eux ; ce n’est pas un monde vide, mais c’est le seul monde sensible et donc intelligible possible, au-delà duquel il n’y a rien, et c’est peut-être pour cela qu’il constitue, ce monde, la seule opportunité de paradis pour l’homme.
Dans une de ses expériences de philosophie quotidienne intitulée « Devenir la musique », Roger-Pol Droit écrit :
« Les histoires de chamans et de sorciers dans lesquelles il est question d’abandonner un temps l’enveloppe corporelle, d’en sortir et de la voir d’au-dessus, ce sont des histoires de musique. Comment ne l’aviez-vous pas su plus tôt ?[...] La musique forme la texture même de la présence, l’accès direct à toute existence. »
La musique comme moyen d’accès à la fiction ? Il fallait y penser et, en chaman des Lettres, Charneux l’a deviné en composant ce premier recueil de nouvelles.
Dans ce même livre de philosophie appliquée, on peut lire que la caresse est morale et, par définition, infime ; sinon elle se muerait en un acte de massage ou de stimulation. Et Daniel Charneux clôture son livre par ce constat qui est un appel à penser le moyen d’infléchir dans le sens d’un mieux être le cours de nos existences : « Bien peu de gens savent caresser leur vie. »
Enfin, ceci : ils ne sont pas si nombreux, reconnaissons-le, ces livres qui invitent à prêter l’oreille à la mélodie du bonheur mais aussi à faire entendre autrement une oeuvre prestigieuse du répertoire pianistique.
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24 préludes | 29 | Charles | 11 avril 2005 @ 09:39 |