Billydéki de Sonia Perron

Billydéki de Sonia Perron

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 26 novembre 2019 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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La Fable du loup et de l’agneau, version 2.0

Pendant un siècle, le Gouvernement canadien arrachait les enfants autochtones à leurs parents pour les confier à des communautés religieuses qui avaient comme mission de les évangéliser, c’est-à-dire de leur interdire de parler leur langue, de leur attribuer un nom à consonance canadienne, de les obliger à adopter la culture des blancs. Les ravisseurs faisaient donc subir à ces enfants une cure de déculturation pour les assimiler au troupeau des petits blancs. Œuvre de civilisation, croyait-on à l’époque, une époque qui remonte jusqu’en 1996.

Personne ne voyait l’ignominie de cette pratique. Annihiler une culture pour atteindre l’uniformité allait de soi. La diversité était bannie du discours des autorités autant civiles que religieuses. L’objectif, déjà répréhensible, passait par le creuset d’une discipline de fer obligeant les enfants à se soumettre aux exigences libidinales de leurs éducateurs religieux qui avaient pourtant fait vœu de chasteté. Le respect semblait une vertu irréconciliable avec leur soi-disant devoir de civilisation. On les malmenait, on les abusait sexuellement, on les affamait. Rien ne résistait à leurs manœuvres sans nom. Des milliers sont morts de ces mauvais traitements. Affaiblis physiquement et moralement, ils succombaient à la tuberculose.

Le premier volet du roman raconte le vécu de plus de 100,000 jeunes autochtones confinés en 1945 dans une centaine de pensionnats du diable à travers le Canada. L’auteure illustre d’exemples terrifiants la situation telle que résumée précédemment. Dans un second volet, l’œuvre prend un virage policier. La conduite de certains membres de ces ordres religieux est finalement parvenue aux oreilles de toute la population. Plusieurs ont été condamnés et d’autres attendent leur mise en accusation.

Pour parvenir à ces êtres ignobles, il faut que les langues se délient. Deux enquêteurs relèvent le défi à partir de la déclaration d’un prêtre défroqué qui a œuvré dans un pensionnat du nord de l’Ontario. Ces institutions étaient construites loin des grands centres afin de rendre la fuite des enfants autochtones impossible. Un policier noir et sa collègue empruntent donc la célèbre route 66 qui aboutit en Californie où se terre une victime, le Billydéki du titre. Le périple rappelle On the Road aux deux agents de la SPVM (Police de Montréal). Ils se voient dans la peau du célèbre écrivain américain d’origine québécoise parcourant le même trajet dans les années 1950. La littérature flirte agréablement avec ce roman, qui illustre d’ailleurs la thématique par la fable du loup et de l’agneau de La Fontaine.

La trame insiste sur les amours inappropriés des religieux pour les enfants. Mais l’auteure s’attarde aussi à des liens plus constructifs. Elle décrit les amours naissantes bien naïves entre ses personnages adultes. Ça se limite, comme on qualifie chez nous, de pognage de doigts. Mais on devine où conduit la main baladeuse.

La trame narrative fait œuvre utile. La population québécoise est aujourd’hui révoltée envers ceux qui ont été investis de la mission divine de la conduire au ciel. Ces derniers lui ont fait plutôt subir les cercles de l’enfer de Dante. La démonstration est éloquente et réussie. Mais il reste la manière. Ça ressemble à une télésérie. Un épisode à la fois qui ne découle pas du précédent, sans compter la presque absence de mise en abîme des personnages. Généralement, on se plaint des longueurs des romans. Celui-ci aurait dû être plus long. L’auteure détenait un matériel riche qu’elle a chichement exploité.

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