L'Avenue, la Kasbah de Daniel Soil

L'Avenue, la Kasbah de Daniel Soil

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 28 août 2019 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 7 étoiles
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Le Printemps arabe

Daniel Soil est un diplomate belge, il était en poste en Tunisie au moment où les émeutes du Printemps arabe ont éclaté, il y représentait les intérêts de la région Wallonie-Bruxelles. Très fortement marqué par cette insurrection populaire, il a voulu transcrire dans ce roman ce qu’il a vu et entendu mais surtout éprouvé au contact de ce peuple en ébullition, prêt à tout pour construire un monde nouveau, plus juste, plus libre, un monde où les jeunes auraient un avenir à rêver. Il met en scène un caméraman belge et une jeune tunisienne qui sont tombés amoureux lors d’un périple dans le sud tunisien et découvrent le soulèvement populaire en rentrant vers Tunis.

A l’Automne 2010, Elie, le caméraman, retourne à Guernassa dans le sud tunisien avec un cinéaste qu’il a accompagné en 1975 quand il y tournait un film, il voudrait capter les retrouvailles du cinéaste avec la population locale fortement impliquée dans ce tournage. Pour ce pèlerinage dans la rocaille, il est accompagné d’une jeune fille, Alyssa, qu’il essaie de séduire depuis qu’il l’a rencontrée à Tunis. Dès lors le roman se déroule sur deux plan : l’amour qui se noue entre les deux amis et se développe avant de se confronter à la révolution et à ses effets secondaires, et la haine qui porte le peuple contre le « Sinistre » au pouvoir qu’il faut abattre pour construire autre chose. Un roman d’amour et de haine ou les deux sentiments ne peuvent pas toujours s’exprimer simultanément.
« - Le pays est à feu, et moi je découvre le bonheur, je me réduis dans tes bras, je suis aux anges.
- Désormais, j’ai deux vies, l’une amoureuse, l’autre rivée à une caméra qui grésille au fil de la révolte… »

Le pèlerinage dans le sud se déroule comme dans un rêve, les amoureux succombent peu à peu à leurs sentiments et il découvre un pays très arriéré où les populations manquent de tout alors que les classes dirigeantes affichent une richesse insolente. Le retour vers le monde de la consommation est plein d’enthousiasme, les foules se soulèvent, les provinciaux forment des cortèges et convergent vers la capitale. Elie s’implique de plus en plus dans ce mouvement qu’il veut filmer comme un témoin venu de l’extérieur, il ne peut pas vivre ces événements comme Alyssa, ils bouleversent sa vie, son avenir, son cadre de vie, tout ce qui l’entoure et dicte son avenir.

Clairement, Daniel Soil prend parti pour ces jeunes qui ont renversé le tyran, leur mouvement, puissant comme une tornade, était inarrêtable et le tyran a fini par le comprendre mais, en filigrane, il leur laisse un conseil de sagesse en les invitant à penser à ce qui pourrait arriver après, à veiller à ce que certains ne s’approprient pas le fruit de leur lutte sous un quelconque masque.

L’auteur évoque alternativement dans son récit l’amour d’Alyssa et d’Elie et la haine de la foule envers le pouvoir. Progressivement, l’évolution de la situation politique influence leur comportement et leurs sentiments, ils subissent de plus en plus la différence de leur engagement dans la lutte. L’amour et la haine se retrouvent finalement, ensemble, au centre de leur vie et se fondent en un dilemme comme celui qui enserra Didon prise dans l’étau de la raison d’Etat et de son amour pour Enée dans cette même région bien des siècles auparavant. Elie a usé de la parabole pour justifier l’action violente : « Tu vois la poussière, eh bien si on ne frotte pas, elle ne s’en va pas d’elle-même ». Mais si la poussière se disperse, il faut veiller à ce qu’elle n’emporte pas tout avec elle car la révolution peut même anéantir le plus belles histoires d’amour. Alyssia comme Didon sera confronté à un choix cornélien entre son avenir dans son pays et son amour qui pourrait s’envoler au-delà des mers. Et cette histoire, c’est la parabole du peuple tunisien confronté à un choix bien compliqué entre des forces corrompues et tyranniques et d’autres forces émergentes qui pourraient s’approprier ce qui a été conquis.

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