Soif de Amélie Nothomb
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un livre qui fera date
Dans le journal « La Libre Belgique » du mercredi 21 août 2019, Amélie Nothomb confie : depuis que j’ai 2 ans et demi, j’ai voulu raconter l’histoire de Jésus mais je n’étais jamais prête à le faire. Je reportais sans cesse, jusqu’au printemps 2018 quand je me suis dit : « Ma vieille, tu as maintenant plus de 50 ans, tu ne vas pas t’améliorer. Si tu n’écris pas ce livre maintenant tu ne le feras jamais. »
C’est pour cette raison qu’elle déclare, à la sortie de son vingt-huitième roman publié, que c’est le livre de sa vie. Le thème : la passion, la crucifixion et la mort du Christ comme si elle se mettait à sa place. C’est du direct (en léger différé), du cru, du terrible, du féroce, de l’insupportable ; donc : âmes sensibles, accrochez-vous.
Outre la description de ses dernières heures, le Christ/Amélie évoque des souvenirs qui lui sont chers : ses miracles, dont la noce de Cana, ses liens avec les apôtres, dont Judas, ses moments intimes avec sa mère et Marie-Madeleine, …
Perso, ce n’est certainement le roman que je préfère d’elle ; mais quoi qu’il advienne, quoi qu’on en dise, ce livre fera date.
J’ai toujours dit qu’elle était très maligne, cette Amélie !
Extraits :
- C’est à cela qu’on sait si l’on est amoureux ; à ce que l’on ne choisit pas. Les êtres qui ont un égo trop gros ne tombent pas amoureux parce qu’ils ne supportent pas de ne pas choisir. Ils s’éprennent d’une personne qu’ils ont sélectionnée : ce n’est pas de l’amour.
- Tentez cette expérience : après avoir durablement crevé de soif, ne buvez pas le gobelet d’eau d’un trait. Prenez une seule gorgée, gardez-la en bouche quelques secondes avant de l’avaler. Mesurez cet émerveillement. Cet éblouissement, c’est Dieu.
- Profite, mon ami. Ce verbe est abject.
- Comment sait-on qu’on a la foi ? C’est comme l’amour, on le sait. On n’a pas besoin de réflexion pour le déterminer. Dans le gospel, il y a « And then I saw her face, yes I’m a believer » C’est exactement cela, qui montre combien la foi et l’amour se ressemblent.
Les éditions
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Soif
de Nothomb, Amélie
Albin Michel
ISBN : 9782226443885 ; EUR 17,90 ; 21/08/2019 ; 162 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (11)
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Incarnation
Critique de Cecezi (Bourg-en-Bresse, Inscrit le 3 mars 2010, 44 ans) - 11 novembre 2021
A lire pour se faire un avis !
Surprenant !
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 3 septembre 2020
Dans ce roman, Jésus raconte sa vie et surtout sa passion. Mais l’auteur(e) n’a envisagé que le côté humain de Jésus. Son Jésus aime la vie, il a des amis, des ennemis et, comme de bien-entendu, il a une amoureuse. Puis, il subit sa passion parce que son Père qui est dans les Cieux le lui a commandé. Mais le choix lui était laissé, il aurait pu désobéir et vivre une vie ordinaire avec la femme qu’il aimait… et il regrette de ne pas l’avoir fait !
Mais, bon ! Passons, ce n’est pas un traité de théologie !
Par ailleurs, étonnamment, Amélie Nothomb n’a trouvé que des Romains pour avoir martyrisé Jésus. Elle a voulu, je suppose, ménager la susceptibilité des Juifs mais, j’espère que les Romains ne lui en voudront pas trop…
Plus sérieusement, le grand mérite du livre est, à mon avis, d’avoir remarquablement bien raconté la passion du Christ sur le plan humain. Ce récit est vraiment bien pensé, bien structuré, bien écrit. Il donne lieu à des réflexions très pertinentes, notamment sur le sens de la souffrance et, surtout, sur son ineptie quand elle est librement acceptée. Pour Amélie, « le sens de la vie, c’est de ne pas souffrir ». Un peu court, peut-être mais, au moins, elle y a réfléchi et elle argumente son point de vue intelligemment. C’est déjà beaucoup.
J’ai trouvé ce roman remarquable par l’intelligence du récit et par ses réflexions sur la souffrance, la vie, la mort, l’amour, l’amitié… Sans volonté de provoquer, l’auteur(e) fait montre d’une philosophie originale, pertinente et à portée de tous. Décidément, notre Amélie réussira toujours à nous surprendre. Un très bon moment de lecture assurément.
la mort, l'amour et la soif
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 24 février 2020
D’abord, les mariés de Cana qui, miraculeusement, ont vu leur eau transformée en vin. Ils se plaignent à présent car ils sont devenus la risée de tout le village. Comment peut-on servir le bon vin après le mauvais ? Quelle faute de goût..
Les parents du fils guéri, pas contents du tout car, le fils est devenu infernal, il gigote, il crie il pleure alors que lorsqu’il était malade, il se tenait tranquille
L’aveugle est mécontent lui aussi, car il se plaint de la laideur du monde
L’ex lépreux ne peut plus gagner sa vie en mendiant. Plus personne ne lui fait l’aumône
Le ressuscité Lazare se plaint qu’il doit à présent vivre avec une odeur de cadavre collé à la peau..
Après cette parodie de justice, Jésus est jeté en prison, avant l’exécution de sa peine. Durant la nuit, il pleut, et il se prend à espérer que la pluie dure, car le spectacle de sa mise à mort serait annulé. Une crucifixion sous la pluie serait voué à l’échec, le public la déserterait car les Romains ont besoin que leurs supplices attirent des foules, sinon ils ont l’impression d’une désapprobation, le peuple veut du divertissement.
Le reste du roman est plus philosophique mais tout aussi déjanté. L’auteur s’interroge sur le vrai désir de changement car, « neuf fois sur dix, leur désir de changement concerne les autres », car « les gens changent seulement si cela vient d’eux, et il est rarissime qu’ils le veuillent réellement ».
Sur le mot « amour » « moi, qui aime je vois bien qu’il est impossible d’aimer tout le monde de la même façon. C’est une question de souffle ». « En grec ancien, souffle se traduit par pneuma. Le français, langue de l’humour, n’en conservera que le mot "pneu".
« L’enfer n’existe pas. S’il y a des damnés c’est qu’il y a des gens qui trouvent toujours le bât qui blesse : l’être perpétuellement contrarié, l’insatisfait chronique, celui qui, invité à un somptueux festin, ne verra que le mets manquant. Pourquoi seraient ils privés de leur passion pour la plainte au moment de mourir ? Ils ont bien le droit de rater leur mort. »
Il y a encore bien d’autres exemples de ces concepts de mort, amour et soif qu’elle développe humoristiquement à sa façon.
Soif
Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 12 janvier 2020
Elle fait parler Jésus et nous fait imaginer les réflexions qu'il aurait pu avoir les dernières heures de sa vie. Fallait vraiment oser !
On retrouve la plume inimitable d'Amélie mais ce récit, mi-roman, mi-essai est bien différent des autres, c'est un récit mystique, philosophique qui demande réflexion et introspection.
On retrouve son humour un peu "caustique" quand d'entrée de jeu, les 37 miraculés plaident coupable et condamnent Jésus à la crucifixion. Humiliation suprême.
Mais pourquoi Jésus a-t-il laissé faire cette fin atroce, pourquoi n'a-t-il rien fait ? C'est le point de départ de la réflexion d'Amélie qui avait ce livre en elle depuis tant d'années.
On va "vivre" avec Jésus ses dernières heures , ses pensées, sa portée de croix, sa crucifixion et le sens donné à Jésus fils du Père venu sur terre pour sauver "nos péchés".
Je suis d'éducation catholique et ce livre ne m'a en rien choquée. Il y a de la matière, certaines réflexions philosophiques qui auraient pu il est vrai être plus développées mais c'est peut-être là qu'Amélie veut en venir, à nous de réfléchir...
Quelques exemples :
Le premier miracle des noces de Cana est la découverte pour Jésus de son pouvoir. On n'attendait rien de lui , il en prend plaisir. Ensuite son pouvoir devient un devoir pour les autres ? Et pourquoi ne l'utilise-t-il pas pour lui ?
Il nous parle de Judas, un problème permanent, de la nuance existant entre le mensonge et le secret.
De corps et d'esprit. Amélie prend le postulat de Jésus l'humain, l'incarné qui aime la vie. Elle nous parle du mal qui trouve toujours son origine dans l'esprit, d'un homme qui a connu l'amour - celui de Marie-Madeleine - de la soif et de la mort.
Soif : "Pour éprouver la soif il faut être vivant." Cette soif qui lorsqu'elle devient extrême pousse à la transe mystique. Pourquoi n'y a-t-il pas de mot lorsque l'on cesse d'avoir soif ? Pour la faim, on parle de satiété, pour la fatigue de repos, pour la souffrance, de réconfort mais rien pour la soif ?
Pour Amélie, la gorgée d'eau devient un émerveillement, un éblouissement , c'est Dieu.
Beaucoup de réflexions qu'on aimerait plus profondes, plus développées mais dans ce cas , ne serions-nous pas basculés du roman à l'essai ?
Un récit qui nous parle de la cruauté de l'homme. Quel est ce besoin d'assister au malheur des autres ? S'aime-t-on vraiment ? alors que vaut "Aimer son prochain comme soi-même ?"
Il est différent ce roman mais on retrouve un texte profond, puissant dans un style inimitable.
A vous de vous faire votre idée, un seul moyen lisez-le , quoi qu'il en soit que vous aimiez ou non, il ne vous laissera pas indifférent.
Il était tout de même finaliste pour le Goncourt.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Les humains se plaignent, à raison, des imperfections du corps. L'explication coule de source : que vaudrait la maison dessinée par un architecte sans domicile ?
On est quelqu'un de meilleur quand on a eu du plaisir.
Il n'y a pas d'art plus grand que celui de vivre.
Le mal trouve toujours son origine dans l'esprit.
Aucune jouissance n'approche celle que procure le gobelet d'eau quand on crève de soif.
Quand on cesse d'avoir faim, cela s'appelle satiété. Quand on cesse d'être fatigué, cela s'appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s'appelle réconfort. Cesser d'avoir soif ne s'appelle pas.
Le sens de la vie, c'est de ne pas souffrir.
L'amour de Dieu, c'est l'eau qui n'étanche jamais. Plus on boit, plus on a soif. Enfin une jouissance qui ne diminue pas le désir.
Si vous voulez aimer comme au premier jour, c'est la présence qu'il faut cultiver.
Ivre, je l'étais ce soir-là, et cette ivresse était sainte. Avant l'incarnation, je n'avais pas de poids. Le paradoxe, c'est qu'il faut peser pour connaître la légèreté. L'ébriété délivre de la pesanteur et donne l'impression que l'on va s'envoler. L'esprit ne vole pas, il se déplace sans obstacle, c'est très différent.
Ne pas divulguer une information vraie, ce n'est pas mentir.
Si on se rendait compte, on ne choisirait pas de vivre.
La langue dans sa sagesse a compris qu'il ne fallait pas créer d'antonyme à la soif. On peut étancher la soif et pourtant le mot étanchement n'existe pas.
Il y a des gens qui pensent ne pas être des mystiques. Ils se trompent. Il suffit d'avoir crevé de soif un moment pour accéder à ce statut. Et l'instant ineffable où l'assoiffé porte à ses lèvres un gobelet d'eau, c'est Dieu.
Quand quelqu'un meurt, c'est fou ce qu'on pense à lui. Pour beaucoup de gens, c'est carrément le seul moment où l'on pense à eux.
Encore un p'tit verre ?
Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 59 ans) - 4 janvier 2020
Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Soif_(roman) - Résumé
Un roman court et agréable.
Un bon cru
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 1 janvier 2020
Le roman est à l'image des autres textes d'Amélie Nothomb. Le postulat de départ est souvent original. Le ton de l'écrivaine est repérable et ces textes sont courts et efficaces. Aux péripéties s'entremêlent toujours des réflexions sur des sujets variés, ce sont ces parties-là qui sont les plus intéressantes à mes yeux. Il est amusant de voir comment elle parvient parfois à donner un nouvel éclairage à certaines histoires célèbres, ici la Bible, ailleurs des contes de fées. Ces réécritures réactualisent ces mythes tout en les revivifiant.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a toujours quelques chose d'agaçant dans ses romans, une pointe d'excès et un goût trop affirmé pour la bonne formule, celle qui fait mouche à la manière parfois d'un Beigbeder.
Malgré l'originalité de ces sujets, je ne ressens plus de surprise quand j'entre dans son oeuvre m'attendant à une certaine audace qui n'est pas garante toujours de qualité, mais j'ai pris plaisir à lire ce roman pour voir comment le mythe est tremplin à des réflexions universelles.
On l'attendait comme le retour du Messie
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 4 décembre 2019
Un ouvrage qui évoque un épisode de la vie du fils de Dieu auquel peu ne peuvent prétendre ne pas avoir lu ou entendu.
A l’instar d’Eric Emmanuel Schmitt et son évangile selon Pilate, ce roman décline le point d’orgue des évangiles en imaginant, chez lui une possible théorie du complot contre les Romains, chez elle, un questionnement étonnamment terre à terre du supplicié qui repasse en vue les faits marquant de sa vie ; évènements ou leurs interprétations qui sont pour beaucoup plus qu’apocryphes, soit totalement sortis de l’imagination de l’écrivain.
Cette passion du Christ revisitée semble aussi faire la synthèse entre les aspirations d’un Jésus extrêmement humain et une possible phobie de l’autrice, grande amatrice de boissons à bulles.
On ne reconnaît pas non plus directement le style de l’écrivain qui nous avait habitué à (encore) plus de fantaisie, mais au fil du temps, elle imprime ses traces de pneu dans le roman dont on se souviendra pour avoir échoué à une voix près pour le Goncourt 2019.
Que cet échec l’encourage à nous sortir encore d’autres perles d’une telle qualité.
Humain
Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 29 novembre 2019
La passion, les miracles, la soif et la mort selon Jésus
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 22 septembre 2019
Sa réflexion reste intéressante, souvent convaincante, la passion ne pouvant pas aller a priori, ce que je pense également, par la connaissance du sentiment d'amour, y compris sur le plan physique, sa propre défense à un procès consistant une liberté fondamentale qu'il est vivement conseillé de pratiquer pour conserver sa propre dignité. Amélie Nothomb avance le débat sur le consentement à sa propre condamnation et à la résistance au mal, dans des passages moins convaincants. Le traitement de la soif m'est apparu à la fois réaliste et poétique, assez curieusement.
Ce livre est intéressant, bien que faire parler un messie à la première personne, alors que sa vie relève inévitablement de la légende et que raconter sa vie tient fatalement de l'interprétation personnelle, au moins partiellement, me paraît casse-gueule et non pertinent.
Le Jésus d'Amélie!
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 27 août 2019
Le livre est audacieux puisque l’écrivaine ne se contente pas de raconter Jésus comme l’ont fait tant d’autres avant elle, non, elle fait parler Jésus, elle écrit à la première personne du singulier, ce sont les ruminations et les états d’âme de celui-ci qu’Amélie Nothomb imagine et transcrit. Quelles peuvent bien être les pensées de Jésus à l’heure de la Passion, à celle de la croix et même dans la mort ?
Dans une interview, Amélie Nothomb explique qu’elle ne s’est nullement souciée, ce faisant, ni de la critique historique ni des commentaires des exégètes. Son propos est différent, il est celui d’une romancière qui se souvient de ce qu’elle ressentait lorsqu’elle était enfant et qu’on lui racontait la Passion et la mort de Jésus. Le livre tel qu’il est proposé aujourd’hui aux lecteurs semble, en effet, pour une part, comme surgi de la voix de l’enfance, mais pour une part seulement. Car un grand nombre des propos qu’Amélie Nothomb prête à Jésus s’appuient, sans aucun doute, sur des réflexions d’adulte.
Nous avons donc affaire au Jésus d’Amélie Nothomb, qui n’est pas celui des « cathos », comme elle l’affirme dans une interview. En vérité, c’est avec les récits évangéliques eux-mêmes que l’écrivaine prend ses distances, plutôt qu’avec les seuls « cathos ». Elle se fait un malin plaisir, semble-t-il, à prendre le contre-pied, presque systématiquement, des textes des quatre évangiles. Et quand elle retient certains des écrits ou certaines des paroles rédigés par les évangélistes, c’est pour leur donner une interprétation toute personnelle.
En fin de compte, il y a de tout dans ce livre : des invraisemblances, des banalités, mais aussi de belles méditations et quelques fulgurances. Au registre des invraisemblances, il faut placer tout le début du livre ou presque. Amélie Nothomb veut nous faire avaler que tous ceux qui ont été les bénéficiaires des miracles de Jésus sont, au bout du compte, si mécontents qu’ils viennent témoigner contre lui à son procès ! Voilà qui ne manque pas d’originalité, mais que l’écrivaine n’explique que laborieusement et sans jamais réussir à convaincre, au moyen de subtilités peu crédibles. Au rayon des banalités, on n’échappe pas, bien évidemment, au grand amour entre Jésus et Marie-Madeleine, que le premier préfère appeler simplement Madeleine (à cause du prénom Marie qui est également celui de sa mère). Là, Amélie Nothomb ne fait que reprendre à son compte (ou à celui de son Jésus) ce que d’autres avaient déjà imaginé, par exemple Nikos Kazantzakis dans La Dernière Tentation du Christ.
Amélie Nothomb prête à Jésus des pensées très humaines, très incarnées, ce qui, en soi, n’a rien de choquant, mais était-il, pour autant, judicieux de prétendre, par exemple, qu’à Cana, Marie et Jésus avaient si bien profité du bon vin qu’ils en étaient, au bout du compte, pompettes ! C’est le genre de petites audaces que se permet l’écrivaine et qui n’indigneront que les béni-oui-oui.
Heureusement, dans sa deuxième moitié, l’ouvrage acquiert une intensité et une profondeur qui impressionnent. Certes, les pensées prêtées à Jésus ne perdent rien de leur originalité, mais de façon bien plus intéressante, plus forte, qu’au début du livre. Il y a même des pages de méditation très belles sur le chemin de croix, sur l’amitié de Simon de Cyrène et sur l’amour de Véronique : « deux courages d’une sublimité sans exemple ». En fin de compte, si l’on y réfléchit, on peut estimer que les questions que se pose l’écrivaine au fil de ses pages sont non seulement légitimes mais bienvenues. Ce sont, pour reprendre ce que je disais plus haut, des questions d’enfant. Or ces questions-là sont les plus judicieuses qui soient, je n’en ai pas le moindre doute.
Ce qui fait difficulté, ce ne sont donc pas les questions, mais ce sont les réponses, d’autant plus qu’en l’occurrence elles sont proposées sous la forme des ruminations et des pensées de Jésus lui-même. Et, comme je l’ai dit, elles se démarquent presque toujours des évangiles et de leurs interprétations courantes. Qu’Amélie Nothomb prenne très au sérieux l’incarnation, son implication, ses conséquences, en essayant de percevoir ce que cela veut dire concrètement, c’est pertinent. Mais qu’elle fasse dire (ou penser) à Jésus que, par exemple, il n’a jamais eu un très bon sommeil, c’est se risquer dans des particularisations qui laissent sceptique. Qu’Amélie Nothomb se heurte à l’énigme de la croix (« scandale pour les Juifs et folie pour les païens », comme écrit Paul dans sa première lettre aux Corinthiens), qu’elle soit effarée par la notion de sacrifice, par la souffrance, par le martyre, au point de les refuser, cela se conçoit et elle est loin d’être la première à passer par là. Mais faire passer Jésus par tous les stades allant de l’incompréhension (le projet du Père voulant voir jusqu’où peut aller Jésus par amour, c’est une « idée nuisible jusqu’à l’épouvante », fait dire Amélie Nothomb à son Jésus) jusqu’à l’orgueil (car aucune autre crucifixion n’aura autant de retentissement que la sienne), en passant par la révolte, la désobéissance (non, le Jésus de Nothomb n’est pas obéissant au Père !) et la haine de soi, il faut l’oser ! Car ce n’est pas aux autres que ce Jésus-là doit pardonner, mais à lui-même, ne serait-ce que parce que, par exemple, il va en entraîner plein d’autres sur la voie du martyre, ce qui paraît injustifiable à l’écrivaine (qui a d’ailleurs raison de buter au sujet d’une quelconque tentative de justification du mal et de la souffrance) !
Il ne s’agit donc pas d’évacuer ni de mépriser les questions posées par le livre d’Amélie Nothomb ! Je le répète, elles sont bienvenues et nombreux sont, probablement, ceux qui s’y heurtent, pour peu qu’ils y réfléchissent tant soit peu. Mais, pour ce qui concerne les affirmations égrenées dans le livre, c’est autre chose et l’on est totalement en droit de ne les point partager. Il y a trop de systématisme chez Amélie Nothomb, une propension à prendre le contre-pied des évangélistes qui ne peut que susciter le scepticisme.
Jésus qui s’oppose au Père au point de lui interdire la capacité d’aimer (car, selon Amélie Nothomb, seul un être doté d’un corps peut aimer), cela laisse rêveur. Mais Jésus qui se corrige lui-même (ou plutôt qui corrige ce que lui fait dire Jean dans son évangile) au point de faire l’éloge de la soif, c’est peut-être ce que le livre propose de plus séduisant. Car la seule parole que veut bien accorder à Jésus sur la croix Amélie Nothomb, c’est « J’ai soif ». Tout le reste, selon elle, n’est qu’invention de mauvais goût ! Mais avoir soif, c’est la seule chose qui compte. Et, surtout, dit-elle, ou dit son Jésus, il faut ne jamais l’étancher totalement, car « l’amour de Dieu, c’est l’eau qui n’étanche jamais » !
C'est la tournée annuelle d'Amélie.
Critique de Maranatha (, Inscrit le 17 janvier 2019, 52 ans) - 24 août 2019
Comme pour le Beaujolais cela fait des années , 20 ans, que je n'ai pas goûté au crû annuel d'Amélie.
Tiens ! il se nomme Soif, cela tombe à brûle pourpoint.
J'avais lu quelques ouvrages de la plus nippone des belges de langue française.
Elle me lassait et m'énervait.
Là, c'est le sujet qui m'a fait replonger dans sa lecture, la Passion du Christ.
Je me suis dit, n'est pas Péguy, Huysmans ou Bernanos qui veut.
Comment la belle va s'en sortir pour évoquer le fondement de notre civilisation ?
La grande prêtresse de la rentrée littéraire peut-elle s'en sortir ?
J'ai consulté sa bio rapidement et j'ai vu qu'elle avait suivi sa scolarité dans des écoles catholiques, elle doit donc connaître le sujet et s'être forcément documentée avec rigueur.
Ni une ni deux, j'ai téléchargé le livre qui en version papier fait 162 pages.
Je me suis plongé dans sa lecture pour en ressortir une heure quinze plus tard.
C'est osé quand même de se mettre dans la peau de Jésus, il faut du culot, Nothomb ne s'est pas gênée pour le faire.
Elle emploie le Je et nous fait vivre un Christ humain.
Il a froid, il a mal, il a peur, il souffre, il ploie sous le poids de sa croix, il a soif.
C'est un livre terre à terre, tellurique, pas spirituel au sens premier du terme, pas de grande image religieuse, pas de théologie, c'est un Christ décalé, commun, minimaliste.
Amélie ose et n'a pas semblé pouvoir éviter une touche de Da Vinci Code en faisant de Marie-Madeleine son amoureuse, je n'ai pas compris l'intérêt de ce parti pris.
Quoiqu'il en soit nous cheminons avec Jésus durant une heure, depuis Cana ou il change l'eau en vin et son ultime parole j'ai soif, la boucle est bouclée.
L'auteur nous livre quelques réflexion sur la nature humaine, le passage du procès est révélateur de ce trait de caractère, également sur Judas, Jean et Marie.
Parmi la multitude des livres qui sortent à la rentrée Nothomb va prendre la plus belle part du gâteau.
Ce Soif va-t-il mettre en branle les ligues de vertu et faire pâlir les dames patronnesses ?
Je ne le crois pas, il y a bien quelques propos blasphématoire mais Jésus en à vu d'autres.
Et Jésus, que penserait-il de ce livre ? Difficile à dire, le dernier mot du livre est solitude.
Dans sa solitude sur la croix et avant sa crucifixion qu'a-t-il pensé ?
Sa soif n'était-elle que physique ? Avait-il soif d'autres choses. D'amour certainement, Amour qu'Amélie, à mots couverts ou dénudés, évoque tout le long du livre.
La question finale est : Est-ce un bon Nothomb ? Je dirais oui, il me semble qu'en 20 ans son style n'a pas changé, ses romans sont toujours aussi courts, sont attendus comme le Messie et finissent chassés par le prochain.
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