Donne-moi des fils ou je meurs de Maud Jan-Ailleret

Donne-moi des fils ou je meurs de Maud Jan-Ailleret

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 16 juillet 2019 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 273ème position).
Visites : 2 601 

Emouvant.

C'est un premier roman inspiré de sa propre histoire que nous propose Maud Jan-Ailleret. Un roman émouvant, puissant et lumineux qui aborde un sujet tabou : le désir de devenir parents, et surtout la difficulté à pouvoir procréer.

Laure et Antoine sont amoureux, cela ne date pas d'aujourd'hui, cela fait dix-sept ans d'amour. Orphelins tous les deux, Laure sait depuis toujours qu'elle veut devenir mère à son tour.

La vie est belle, tout se passe pour le mieux au niveau professionnel, ils viennent d'emménager dans un nouvel appartement, il ne manque qu'une chose pour que leur bonheur soit complet, l'enfant tant attendu pour fonder une famille.

Le parcours du combattant commence, il sera semé de multiples embûches..

Fausse-couche, donner la mort au lieu de donner la vie, examens médicaux pour comprendre; le sort s'acharne, maladies génétiques, handicap, faire son deuil, penser à l'adoption, ce sont les sujets abordés dans ce roman.

Ce roman nous parle des difficultés mais surtout nous fait comprendre la douleur, la solitude, les émotions ressenties par chacun dans le couple.

Déception, colère, questionnement, mais pourquoi le sort s'acharne-t-il autant? Le sentiment d'injustice, la solitude, l'incompréhension et les maladresses involontaires des proches qui en essayant de les réconforter blessent souvent sans s'en rendre compte.

Maud Jan-Ailleret nous fait vraiment entrer dans la tête de Laure et nous transmet beaucoup d'empathie, à la lecture j'ai vraiment fort ressenti les émotions.

Autre thématique difficile; comment faire le deuil d'un mort que l'on ne peut pas enterrer lors d'une primo fausse-couche ?

L'espoir est présent et est un fil conducteur.

"Ce projet d'enfant, c'est mon espoir. Sans espoir je vois bien que je m'éteins, je m'éteins."

"Le plus important c'est de ne pas renoncer à être heureux" , c'est ce que nous dit l'auteure. J'ai aimé ce passage qui reste l'essentiel, se plonger dans ses passions pour avancer, pour se réaliser.

Passé le stade de la révolte, l'acceptation, faire le deuil et envisager l'adoption, un autre parcours difficile.

Une lecture difficile, j'avoue avoir laissé couler les larmes à plusieurs reprises mais jamais l'auteure ne tombe dans le pathos. Au contraire, c'est lumineux, porteur d'espoir.

L'écriture est magnifique, la plume est fluide, légère, maîtrisée avec beaucoup de justesse et de pudeur.

Magnifique !

Un coup de ♥


Les jolies phrases

C'est toujours la même chose, on se réveille à 35 ans pour faire un enfant et on s'imagine que ça va marcher dans la minute. Mais on n'est pas sur Amazon avec livraison garantie dans neuf mois, Madame.

Ménager nos parents qui nous ont autrefois ménagé.

A cet instant précis, nos regards parlent mieux que nos bouches qui préfèrent rester closes plutôt que de risquer d'être maladroites.

La vie est douce lorsqu'un nouveau monde est à portée de mains.

Ce que nous avons traversé l'un sans l'autre nous a bouleversés et pourra nous réunir comme nous éloigner.

Comment fait-on le deuil d'un mort qu'on ne peut pas enterrer ?

Ce projet d'enfant, c'est mon espoir. Sans espoir, je vois bien que je m'éteins, que je ne suis plus la même. Je n'aime pas cette fille sans espoir.

J'ai l'impression qu'avec mes grossesses écourtées, on m'a arraché des mains un cadeau qu'on venait de me faire, qu'on a bafoué mes droits.

Soit on coule, soit on se bat, mais on ne peut pas se laisser glisser comme ça. Pas nous, c'est complètement absurde, on s'aime tant.

Ensemble on va mettre des couleurs dans tout ce gris. Vivons, créons, faisons-nous du bien.

Dire qu'on n'arrive pas à faire des enfants relève pour elles d'un aveu de faiblesse qui se doit d'être tu. L'exposer au public est impensable. Terriblement tabou.

La gaieté, crois-moi, c'est le secret des courageux.

Quelqu'un de solide, qui contrôle et qui réussit tout, ça n'existe pas. Le vrai courage, c'est d'accepter. Faut accepter maintenant, Laure ! Ça fait mal, je sais. Souvent c'est au prix d'une fêlure ou d'une blessure qu'on avance.

Dans l'abandon de nos peines, nos corps se libèrent.

La tristesse devrait rester tue pour contrer le mauvais sort.

Bah quoi, Daddy, Maman dit que Laure veut un bébé mais que les bébés ne tiennent pas dans son ventre. Elle dit que c'est comme les fleurs qu'on fait pousser, il y en a qui deviennent très belles et d'autres qui ne poussent jamais.

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Le drame d'une mère sans enfant

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 13 mars 2021

« Donne-moi des enfants, des fils, des filles, des mômes, des kids, des gosses. Donne-moi des enfants ou je vais finir par crever ». Laure implore son mari, et le ciel, elle veut un enfant à n’importe quel prix quitte à en crever. Laure est une femme encore jeune, elle n’a que trente-sept ans, mais elle n’arrive pas à procréer. Fille d’une famille aisée, belle et intelligente, elle a un métier valorisant, elle est mariée avec Antoine beau et riche garçon descendant lui aussi d’une famille aisée. Ils se sont connus à la faculté, ils sont nés tous les deux dans les beaux quartiers de la rive gauche parisienne. Ils se sont mariés très jeunes, ont construit chacun une belle carrière, se sont beaucoup amusé, ont beaucoup fait la fête et quand ils ont pensé à assurer leur descendance ils étaient déjà moins féconds.

Après trois fausses-couches inexpliquées, ils entreprennent le long cheminement des familles souhaitant ardemment peupler leur arbre généalogique et leurs vieux jours : analyses diverses, examens de plus en plus complexes, recours éventuels à l’adoption, … Mais les délais de réponse sont toujours très longs, il faut attendre, attendre et encore attendre… et les résultats sont toujours décevants. Laure n’en peu plus, elle est au bord du gouffre, Antoine s’enfonce dans son boulot et le couple vacille. Alors, elle change de vie en s’inscrivant dans un cours de théâtre, elle essaie de se reconstruire, de trouver une nouvelle raison de vivre, d’oublier son problème … Mais la vie, elle, ne se fie pas toujours au désir et au désespoir de ceux qu’elle habite…

Maud Jan-Ailleret a connu des problèmes similaires à ceux qu’elle décrit dans son récit, elle peut ainsi donner beaucoup de véracité à son texte, elle emporte le lecteur au plus profond de son désespoir et aux plus fort de ses folles espérances. Elle projette son texte comme un cri, un hurlement de mère privée de son enfant, alors qu’elle voudrait le délivrer comme une mère qui donne naissance à son enfant. Ce texte m’a ému et même parfois fait vibrer tant il semble écrit dans l’urgence, la précipitation, car il faut toujours courir devant le temps pour ne pas dépasser les limites notamment celle de l’âge de la procréation.

Et, surtout, dans ce texte j’ai trouvé beaucoup, beaucoup, d’humanité, cette chose qui manque si souvent dans notre société actuelle. Tout ce que Maud raconte ne parait pas seulement vrai, mais est vrai : les grandes tablées à la campagne, la marmaille qui piaille sans cesse, l’envie de procréer, le désir d’enfant, les douleurs, les espoirs, les faux espoirs, le regard des autres, les remarques maladroites, la solitude et le parcours inhumain dans les laboratoires, cliniques et hôpitaux… Le lecteur reste en permanence aux côtés de Maud, il voudrait lui tenir la main, lui dire qu’un jour elle aura un enfant au moins…

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