Bluebird de Geneviève Damas

Bluebird de Geneviève Damas

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 16 juin 2019 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 783ème position).
Visites : 3 186 

sublime !

Bluebird est le cinquième roman de ma compatriote Geneviève Damas. C'est l'histoire de Juliette, une adolescente de seize ans et demi, aux yeux bleus d'où son surnom donné par Tom son amoureux de passage.

Juliette, bonne élève, première de classe vit avec sa mère, son frère Ludo 15 ans et Lou sa petite soeur de 8 ans dont elle s'occupe un peu comme une maman car la sienne, polonaise d'origine, travaille beaucoup. Elle veut donner le meilleur à ses enfants et c'est difficile car il faut compter beaucoup, elle est loin d'être riche. Depuis son divorce elle est coiffeuse à domicile, souvent absente pour gagner le moindre sou.

Chez le père de Juliette, c'est le contraire, on vit dans l'opulence, on ne se prive de rien, on va au resto, part en vacances, oui c'est cool sauf qu'il y a Martha, la nouvelle jeune compagne de son père ... et Juliette lui en veut de les avoir plantés pour elle.

Un jour, Juliette est pliée de douleur et souffre d'un horrible mal au ventre. Sa mère l'emmène aux urgences craignant une crise d'appendicite mais il n'en est rien ! On découvrira qu'un bébé pousse dans le ventre de Juliette, il s'est niché sur la colonne comme s'il se cachait, on ne voit absolument rien ! Le problème c'est que le bébé a déjà six mois et demi. La maman de Juliette est furieuse, elle ne comprend pas car Juliette a pourtant toujours ses règles, elle en est certaine. Cela arrive rarement mais il s'agit d'un déni de grossesse.

Pour Juliette c'est difficile de comprendre et d'accepter ce qui lui arrive. Dans un premier temps, elle ne comprend pas que c'est d'elle que l'on parle ! ce n'est pas d'elle, non c'est impossible.

Les relations sont difficiles alors elle part s'installer chez sa mamy, une occasion pour celle-ci de se rapprocher de Juliette. Mamy l'écoute, lui fait confiance, la conseille, elle ne la juge pas et lui transmet son expérience.

Juliette écrit alors ce roman, enfin cette lettre à son futur bébé qu'elle doit apprendre à accepter, à connaître, à aimer en si peu de temps car il leur reste à peine deux mois et demi.

Elle lui raconte tout : ses peurs, la difficulté de ses choix, les questions qu'elle se pose, son regard sur l'avenir, sur la vie qui l'attend.

Jamais nous ne connaîtrons sa décision finale, elle sera laissée au lecteur en somme.

Et puis il y a une belle rencontre en la personne d'Yvette, la voisine de mamy. Elle est infirmière africaine et bienveillante avec Juliette. Son histoire interpellera Bluebird, elle m'a profondément émue. Je ne vous en dis pas plus, à vous de la découvrir.

Ce récit est une petite merveille, une pépite. La plume de Geneviève Damas est juste superbe, elle utilise un langage vivant, d'adolescent chargé d'émotions qui se questionne sur sa vie. C'est très fort, puissant. Les mots sont bien choisis, avec délicatesse sortis de leur écrin, les personnages nous livrent le plus profond de leur âme, leurs sentiments. C'est puissant. Elle crée une empathie profonde envers les personnages, la connaissance de l'humain et de ses sentiments.

Un livre sur des choix? l'adoption ou pas, sur le déni, un sujet encore tabou. Comment accepter l'idée d'avoir un enfant alors qu'elle en est un encore elle-même ? l'acceptation. Un récit sur les conditions de vie d'une famille séparée, sur l'écologie, l'amour, les relations humaines, le génocide, la transmission intergénérationnelle, la rencontre et l'écoute de l'autre.

Un bijou à découvrir d'urgence.


Immense coup de ♥


Les jolies phrases

Ce n'est pas facile, la vérité . Ça fait peur, parfois. Ce n'est pas toujours ce qu'on a envie d'entendre. Je vais y aller, petit à petit, un peu de travers, comme les chemins de montagne qui ne font que tourner pour qu'on ne se prenne pas la pente en pleine face.

Faut croire qu'une mamy et une maman, ce n'est pas pareil. Les mamans, on ne leur passe rien, on veut qu'elles soient parfaites.

Comme quoi dans le malheur, il y a toujours une part de bonheur.

Le temps passe et l'amour aussi. Ça fait de la peine aux enfants mais les adultes n'en peuvent rien. Toutes les choses, même les montagnes disparaissent. Les sentiments, c'est pareil. Avant, on vivait moins vieux et l'amour durait toute la vie. A présent, l'existence est trop longue. Alors c'est obligé qu'on ait plusieurs amours. Ce n'est pas mieux ou moins bien. C'est comme ça.

D'après Madame Leroy, il faut se concentrer sur sa vie. Chacun la sienne. Si on s'encombre des histoires des autres, on n'a jamais terminé. Je ne suis pas d'accord. On ne peut pas s'occuper que de ses affaires. Ta vie, elle rencontre d'autres vies, c'est ça qui crée les problèmes. Les joies aussi.

Il y a toujours quelqu'un dans le vie qui doit t'apprendre l'amour, sinon, tu ne peux aimer personne.

C'est si facile de dire pour les autres, si simple les "il faut", "tu dois", quand on a le nez dessus, tout devient flou, on ne sent plus rien.

On a tous besoin de quelqu'un qui caresse notre visage, qui attache sur nous ses yeux doux, qui nous murmure des mots qui n'appartiennent à personne. Parfois, la vie est trop rapide, on ne cesse de courir après le travail, les sous, l'école, les vacances, le sport, et il ne reste plus de temps pour une main douce sur une autre main.

C'est fou ce que les gens changent quand tu les connais. Tu te fais une idée et lorsque tu les approches, tu les perçois autrement.

Un jour, on fait un choix et ça fiche la vie en l'air.

...c'est ça que j'aime avec la musique, tu l'écoutes et, en même temps, tu pars ailleurs, loin, si loin, c'est comme un voyage.

Pourquoi ce qui dure serait-il plus beau que ce qui passe ? Pourquoi devrait-on préférer les montagnes aux fleurs ? Les éléphants aux papillons ? L'eau du robinet à la goutte de pluie ? Mais s'il n'y avait pas d'amour entre Tom et moi, peut-être que ça n'a pas de sens de te garder . Mamy affirme que si moi, j'ai aimé ton père, ça suffit. L'amour n'a rien à voir avec ma décision. Tant de femmes gardent des bébés quand il n'y en a pas, tant d'autres les donnent quand il y en avait. C'est tellement étrange, l'amour, qui peut dire ce que c'est? Ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas eu entre un homme et une femme qu'il n'y en aura pas entre elle et le bébé. Ce n'est pas parce que quelqu'un répète qu'il t'aime que c'est de l'amour. Ce n'est pas parce que quelqu'un crie qu'il ne t'aime pas qu'il n'y en a pas. Mamy explique que plus on avance dans la vie, moins on sait ce que c'est. et le reste p 124 ♥

la p 138 et tant d'autres , difficile de faire des choix tant l'écriture est belle

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Ah ! la libération des moeurs !

8 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 8 février 2021

La vie de cette pauvre fillette de seize ans a basculé du jour au lendemain parce que « elle l’a fait », sans prendre de précaution, avec un vrai salopard qui l’a immédiatement plaquée pour une autre ; et la pauvre fille s’imagine qu’elle a vécu un grand amour... (mais ce n’est pas le sujet du livre).
Alors elle est placée devant des choix qui la dépassent ; elle entame un monologue avec son futur bébé où elle exprime très bien ses angoisses et, petit à petit, elle acquiert une certaine lucidité. Cette fillette est vraiment attachante et son cas, s’il est banal, n’en est pas moins très émouvant.

C’est un petit livre qui est écrit comme on parle, comme on parle à seize ans : « la vie est dure grave ; la nouvelle de mon père est une conne ; mamy est trop ». Ça donne au récit un accent de vérité, les personnages sont bien typés, ça se lit en quelques heures et le lecteur compatit parce qu’il est plongé devant une réalité qui est bien trop fréquente aujourd’hui.

Les belles critiques précédentes en disent plus que je ne pourrais en dire. Mais je trouve que ce livre illustre bien les dégâts de la nouvelle éducation ; sous prétexte de libération des moeurs, des éducateurs modernes, souvent obsédés et complexés, transmettent leurs problèmes de sexe à la jeune génération. On leur vole leur adolescence qui devrait être heureuse et insouciante, pour leur mettre dans la tête des besoins et des envies qui ne sont pas de leur âge et qui les mènent trop souvent à d’amères déceptions ou à des catastrophes.

Quand la vie vous impose ses dilemmes

8 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 2 novembre 2019

Juliette, seize ans, découvre tardivement qu’elle est enceinte. C’est la crise ! Elle fait le point sur sa vie pas facile (des parents divorcés, une mère débordée, une petite sœur dont elle doit s’occuper, des études où elle se sent obligée d’être la meilleure pour compenser tous les sacrifices de sa mère), son mal-être, puis elle réfléchit sur le sort à réserver à son bébé. Il est trop tard pour avorter, le père est reparti dans son Australie natale sans être au courant de la grossesse. Juliette part chez sa grand-mère après une dispute avec sa mère. Elle arrête l’école sous prétexte de mononucléose. Elle se réconcilie tout doucement avec ce qui lui arrive, accompagnée par différents professionnels et finit par prendre une décision (contrairement à ce que pense Nathavh).
Ce roman est très beau, très humain, les sentiments et réflexions sont très bien décrits, avec beaucoup de psychologie, même si j’ai trouvé que la maturité de Juliette, sa lucidité sur ce qu’elle vit et sa manière de l’exprimer n’étaient pas vraiment de son âge.

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