L'incendie de Antoine Choplin, Hubert Mingarelli

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 13 juin 2019 (Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans)
La note : 10 étoiles
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Séquelles de guerre, décrites à quatre mains

Ces deux-là, Antoine Choplin et Hubert Mingarelli, étaient fait pour se rencontrer. Géographiquement d’abord ; tous deux vivent en Isère, et stylistiquement ensuite. J’ai beaucoup moins lu Antoine Choplin qu’Hubert Mingarelli mais « L’impasse », que j’ai lu de lui rappelle infiniment la démarche d’écriture d’Hubert Mingarelli : grande sincérité psychologique, souci extrême des détails, progression toujours lente mais inexorable. Antoine Choplin va peut-être plus loin dans la noirceur de l’âme humaine quand Hubert Mingarelli, lui, se cantonne le plus souvent à un nombre très limité de personnages, quasiment toujours masculins, et dans un laps de temps toujours très court.
Comment l’ont-ils écrit à deux ce roman épistolaire ? Chacun a-t-il pris un personnage ? Ou ont-ils échangé sur chaque lettre de Pavle et Jovan ? Ce n’est pas dit dans la chanson. Tiens, en tant que voisin isérois j’essaierais bien d’aller le leur demander !
Pavle et Jovan, deux ex-soldats de l’armée ex-yougoslave, ont fait partie de ceux qui avaient envahi la Croatie en 1991. Ils sont maintenant séparés :

« Puerto Madryn, le 10 Août
Jovan,
Je suis rentré hier. Comme ce voyage est long. J’étais fatigué et un peu désorienté, mais très content de t’avoir revu, et j’ai l’impression que tu l’étais aussi. Ca m’a fait du bien de parler avec toi, et de me souvenir avec toi de Branimir, même si nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour le faire.
…/…
Belgrade, le 19 Août
Salut Pavle,
Je suis content que tu sois bien rentré. J’ai regardé où est situé Puerto Madryn et c’est vrai que ça fait un sacré voyage. J’ai vu sur la carte le vaste golfe dont tu m’as parlé et qui se referme presque ; à ta place, je crois que ça me donnerait l’impression d’être tenu à l’abri de tout cet océan. »

Anodin, non ? (au passage vous remarquerez le style typique d’Hubert Mingarelli - hélas je connais moins Antoine Choplin - tout en concision avec une grande épure de mots.)
Ces deux là viennent de se rencontrer très longtemps après l’époque où ils étaient frères d’arme, à l’occasion d’un voyage de Pavle - qui vit maintenant à Puerto Madryn, Argentine - en Serbie.
Ils vont échanger par lettres successives, par lettres comme si la distance de l’écrit était indispensable pour pouvoir en venir à ce qu’ils vont réellement se dire. Il s’agit bien sûr de drame, d’atrocités (et là je miserais davantage sur Antoine Choplin) commises lors de cette guerre. Et un autre frère d’arme, Branimir, sera le pivot de leurs échanges.
C’est très pudique, très puissant et ça vous emporte comme la houle le fait pour vous laisser essoufflé allongé sur le sable. On s’attendait bien à ça mais c’est encore plus fort finalement.
Deux beaux écrivains qui ont réussi une belle symbiose.

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