Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse

Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 6 mai 2019 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 006ème position).
Visites : 3 153 

Une femme libre

Comme à chaque fois, lire un livre de Gaëlle Josse c'est se laisser emporter dans une écriture magnifique, elle a le don de sublimer son sujet, merci d'avoir mis en lumière le destin de Vivian Maier.

C'est une biographie-roman que l'auteure nous propose. Cela commence l'hiver 2008 à Chicago où une femme glisse et tombe sur une plaque de verglas. Elle vit dans le dénuement, dans la solitude. Elle décédera le 26/04/2009 à l'âge de 83 ans, sans famille. Mais qui était cette femme ? C'est ce qu'aimerait savoir John Maloof, un jeune agent immobilier qui a acquis d'elle en 2007 des cartons de photos et pellicules, le tout pour 400 dollars dans une vente aux enchères. Il espérait trouver des photos du quartier pour illustrer un livre mais ce sont des milliers de photos de visages qu'il a découverts.

Il sent qu'il détient quelque chose de rare et veut "révéler" "inventer" Vivian Maier, le nom inscrit au crayon sur une enveloppe.

Il va remuer ciel et terre, enquêter et retrouver et faire éclore l'oeuvre de l'artiste.

C'est sur cette énigme que Gaëlle Josse avec sa plume tout en pudeur, tout en délicatesse nous fait découvrir une femme bien particulière et remplie de mystère.

Vivian Maier , une femme franco-américaine avec une enfance et une filiation difficiles qui a choisi d'être nounou, qui sa vie durant n'a jamais quitté son appareil photo, c'était sa vie.

Une femme Libre, qui en pleine ségrégation raciale dans les années 50 photographiait des visages noirs, hispanos, des exclus, des marginaux, des abîmés, des fracassés de la vie. Elle ne pouvait s'empêcher de prendre des clichés, de collecter la vie autour d'elle, d'accumuler, développer et puis d'entasser chez un garde-meubles jusqu'à voir disparaître le sens de sa vie, faute de moyens pour les conserver.

Une femme libre avec une personnalité ambivalente, qui voyage, traverse l'atlantique à plusieurs reprises vers ses racines françaises. Une famille complexe où planent le mensonge et le mystère. Une femme qui dès qu'elle possède un peu d'argent plaque son travail de nurse pour voyager à travers le monde, pour le capturer avec sa petite boîte noire.

Une femme qui semble avoir peur des hommes ? Un choix ? Un besoin d'indépendance ?

Une femme dont on a des auto-portraits, dont l'oeuvre sera mise au monde et reconnue bien après son décès. Pourquoi ne pas avoir voulu montrer son travail de son vivant ? Par peur ? Par amour propre ? Par paranoïa ? Pourquoi tant de mensonges dans son entourage ? Par refus de l'échec ? Vivian Maier était pourtant consciente de son talent, elle en était fière. Encore un mystère !

De nombreuses questions dont Gaëlle Josse essaie de décoder et de découvrir la véritable personnalité de Vivian Mayer. Un livre qui m'a tenue en haleine . Comme souvent Gaëlle Josse s'inspire du monde artistique. Il faut dire que l'écriture est un art en soi et que de nombreux parallèles existent entre l'écriture et la photo.

Une autre question est soulevée également, celle du rêve américain et ce qui m'a particulièrement marquée est le rapport existant entre la solitude , le déchirement, les angoisses et l'équilibre mental de Vivian Maier, et la création. L'ignorance des oeuvres, des similitudes avec Camille Claudel ou Séraphine de Senlis.

J'ai adoré ce récit d'une femme à l'esprit libre et solidaire. Je remercie Net Galley , Notabilia pour leur confiance.

Ma note : coup de ♥


Les jolies phrases


Par cet oeil posé sur la vie, sur toutes ces histoires qui se dévoilent en un cliché, histoires urbaines, dans le mouvement, dans la matière compacte de la ville. Le terrible, le tendre, le drôle, l'insolite. Le vrai. Le presque rien qui révèle un destin.

Elle ne se séparait jamais de son appareil, elle photographiait comme elle respirait, comme si sa vie en dépendait. Une sorte de troisième oeil, ou de bouclier. Ou les deux à la fois.

Entrer dans une vie, c'est brasser des ténèbres, déranger des ombres, convoquer des fantômes. C'est interroger le vide et tendre l'oreille vers des échos perdus.

Le secret demeurera, car il touche au secret de l'être, à la façon unique pour chacun, de conduire ses jours, à ses contradictions, à ses blessures. Et le mystère forge une légende, car il nous faut donner un sens à ce qui nous échappe.

Le mystère demeurera, car il touche au secret de l'être, à la façon unique pour chacun, de conduire ses jours, à ses contradictions, ses blessures. Et le mystère forge une légende,car il nous faut donner un sens à ce qui nous échappe.

Elle n'est pas une nourrice qui prend des photos pour se distraire, mais une artiste qui se contente d'un travail alimentaire.

Photographier, c'est incorporer le sujet, symboliquement. Pour cette raison-là, et pour nulle autre, il n'y a pas de voyeurisme dans son travail, en dépit des scènes de disgrâce, de désespoir, d'abandon.

Le travail de Vivian Maier me renvoie, de façon frontale, impérieuse, à ce que je poursuis en écrivant. Faire passer un peu de lumière dans l'opacité des êtres, dans leur mystère, leur fragilité, dans leurs errances, et dire ce qu'on entrevoit, ce qu'on devine, ce qui se dérobe. Assemblage unique, pour chacun, de chair et de rêves. Au détour d'une phrase, parfois, surgit notre nudité. Qui va nous faire face dans le miroir ? Quels anges déchus et quelles enfances oubliées ?

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Qui était Vivian Maier ?

3 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 24 février 2020

Gaëlle Josse, dans le chapitre intitulé "avant de refermer le livre..." explique la fascination qu’elle a éprouvée à la découverte des photos de Vivian Maier. Elle y parle aussi de ses doutes avant d’entamer le récit.
"Combien je me sens proche de Vivian Maier, je suis comme Vivian Maier, fascinée, obsédée par les visages... »
J’aurais vraiment aimé avoir lu ce chapitre qui m’aurait permis de mieux comprendre ce livre avant de le terminer.

En se servant des documents existants, et des photos ; "ses photos attestent", en reliant les portraits qu’elle a fait aux différentes phases de sa vie, l’auteure essaie d’écrire la vie de cette femme originale, loin des critères sociaux de son époque. Suite d’hypothèses, de "peut-être", de suppositions… que j’ai trouvées parfois assez aléatoires (le verrou de sa chambre, un abus de son frère?)
Difficile cependant de savoir qui était vraiment Vivian Maier, tant les témoignages diffèrent.
La disparition de la photographe laissera sans réponse de nombreuses questions.
Pourquoi ne développait-elle pas ses clichés ? Pourquoi ne montrait-elle pas son travail ?

Même si ce livre m’a permis de découvrir des portraits photographiques effectivement marquants, je n’en ai pas vraiment compris (ni éprouvé) l’utilité .
Dès le début, j’éprouvais une impression de déjà-lu que j’ai rapidement identifiée à la lecture d’un roman de William Boyd que j'avais beaucoup aimé : "Les vies multiples d’Amory Clay".
Peut-être est-ce ce qui explique mon manque d'intérêt pour celui-ci...

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