Du sexe pour notre chalut !

L’histoire de deux jumelles de dix-huit ans, orphelines et « pêcheuses » de leur état, qui, comme deux Bécassines du XXIème siècle, quittent leur natif pays Bigouden, lassées de la pêche (avec la raréfaction du poisson, l’activité est promise à un avenir incertain) et des divertissements sexuels (fi du gamahuchage incestueux et autres plaisirs halieutiques à base de queues de poissons !). Elles vendent l’esquif familial – baptisé « Kouign-aman » – et prennent le train pour Paris. Elles ne seront pas trop dépaysées à leur arrivée, gare Montparnasse, en plein quartier breton – et non loin de la rue de la Gaîté, artère à la réputation établie –, où vit Yann leur cousin, patron du sex-shop « Show-de-Breizh ». Les voilà tous trois embringués dans de folles nuits d’expériences sexuelles à Paris.
Cette épopée burlesque commence bien, et possède des qualités indéniables : une prose comique, aux phrases allantes et fleuries, où le lexique des pratiques sexuelles fraie avec des termes d’ichtyologie et des évocations de la Bretagne. L’auteur s’accroche aux clichés les plus divers qui courent sur les bretons, leur région, les pêcheurs, leur métier, ironise sur le milieu libertin de Paris, celui du sexe et de la pornographie, des travers de notre époque plus généralement. Pas une situation, pas un personnage n’échappe aux lois de la fable : tout est saturé jusqu’à l’outrance. Voici un petit extrait représentatif du style, et de la façon dont l’auteur mêle constamment les thèmes incongrus qui lui sont chers : la pêche, la Bretagne et le sexe : « Leur motivation principale à l'acte solitaire, répété jour après jour en période de pêche, consistait à penser, au cœur de l'action, au père Assoulec. Le bonhomme, obsédé, n'avait rien de trivial ; mais il consacrait annuellement un sermon à l'onanisme des marins esseulés - ou, pire, à la débauche socratique - qui les guettait pendant les interminables campagnes de chasse au thon. Sa harangue mettait chaque printemps tout le village en rut et provoquait, neuf mois plus tard, des portées de nouveaux bouseux promis à puer la crevette de la naissance au cimetière. Fortes de ce souvenir et de leur célibat, les jumelles avaient connu de longues marées masturbatoires. » Et tout fuse ainsi, au fil d’une narration vive et parfois même spirituelle.
Mais si le style ne manque pas de relief, l’intrigue de ce roman de formation en fait singulièrement défaut (après tout, j’ai bien parlé plus haut d’une fable). L’intérêt de ce livre réside dans les trouvailles humoristiques et lexicales, les anecdotes, le choix même du sujet. Jusqu’à ce qu’on comprenne que l’histoire ne va pas « décoller » – c’est-à-dire vers le milieu du livre – on dévore les pages, amusé. Puis on se lasse, et compte celles qui restent à lire. Heureusement, ce roman est court, et constitue, en fin de compte, un bon divertissement.
PS : Rien à voir avec les romans racoleurs à la mode, dont le seul sujet est une garantie de ventes.

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  L'industrie du sexe et du poisson pané [Texte imprimé] Emmanuel Pierrat

  de Pierrat, Emmanuel
  le Dilettante
  ISBN : 9782842630836 ; 14,50 € ; 16/01/2004 ; 192 p. ; Broché

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