Marguerite Yourcenar: L'invention d'une vie de Josyane Savigneau
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

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Une vie au service de la pensée classique
Marguerite Yourcenar, auteur d'une oeuvre littéraire significative restera dans l'histoire avant tout pour deux livres, Les Mémoires d'Hadrien et L'Oeuvre au noir et pour le fait d'être devenue la première femme académicienne. Le mérite du livre de Josyane Savigneau est d'éclairer les aspects non pas cachés mais passés sous silence de la vie de l'écrivain. Le lecteur peut comprendre à cette lumière la genèse d'une oeuvre somme toute dissonante dans le paysage littéraire français du XXe s. D'une érudition proprement vertigineuse, dotée d'une langue classique irréprochable à l'écrit comme à l'oral (la biographie souligne à travers les témoignages des contemporains ce trait particulier), Marguerite Yourcenar était un auteur précieux et qui a marqué ses contemporains.
Sa mère étant morte en couches, la petite Marguerite va être élevée par son père, Michel, un bourgeois remarié qui a la passion du voyage, passion dont héritera Marguerite, elle qui effectuera de nombreux périples à travers le monde. C'est justement au cours d'un de ses voyages qu'elle rencontre Grace Frick, une jeune américaine qui deviendra sa compagne jusqu'à la mort de cette dernière au début des années 80. L'ouvrage de Savigneau s'attarde très (trop?) longuement sur la nature de la relation de ces deux femmes, inhabituelle à l'époque. Leur retraite dans leur modeste maison de Petite Plaisance dans l'ile des Monts-Déserts dans le Maine américain est également détaillée à outrance... c'est ici que le livre de Josyane Savigneau pèche à mon avis; les habitudes d'écriture, les faits relatifs à la création littéraire, les considérations liées à ses livres, les débats de pure essence littéraire occupent une place secondaire dans le livre tandis que que les autres faits tels que ses relations mondaines, ses batailles avec les éditeurs par exemple, quoique importants pour cerner le personnage, prennent beaucoup de place dans l'ouvrage.
Il convenait bien entendu de parler de sa relation particulière avec Grace Frick, de l'importance de cette personne pour son oeuvre, tout comme il importait de parler de Jerry Wilson, la personne qui partagera sa vie à la fin et qui lui permettra de continuer à voyager, par exemple dans cet Orient qui l'intéressera au plus haut point. Il fallait également détacher la personnalité publique de Marguerite Yourcenar, auteur classique, femme érudite, du véritable personnage, sensuelle, curieuse de tout, attirée vers les mondes cosmopolites. Joysianne Savigneau parvient à faire tout cela très bien en soulignant également les défauts d'un auteur qu'on devine qu'elle admirait: ingrate, cassante, parfois obtuse... Yourcenar était aussi cela et c'est tout à l'honneur de Josyane Savigneau de le relever. Dommage donc que sa bonne biographie ne s'attarde pas davantage sur l'aspect purement littéraire de la vie de l'Immortelle de Petite Plaisance.
Les éditions
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Marguerite Yourcenar: L'invention d'une vie
de Savigneau, Josyane
Gallimard
ISBN : 9782070720781 ; EUR 22,50 ; 12/09/1990 ; 552 p. ; Broché
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Et quelle vie !

Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 26 avril 2025
Orpheline de mère alors qu’elle avait dix jours, elle n’a jamais vraiment évoqué cette perte puisqu’elle ne pouvait pas parler d’une personne qu’elle n’avait pas connue, disait-elle. Difficile toutefois de penser que cette tragédie soit restée sans influencer son affect.
Bisexuelle, Marguerite voulait séduire aussi bien les femmes que les hommes. Le plus grand amour de sa vie a sans doute été l’un de ses éditeurs, lui-même homosexuel. C’est cependant avec une Américaine que l’autrice partagera 40 ans de sa vie : Grace Frick, dont le dévouement tiendra de la dévotion. Un don de soi à toute épreuve qui permettra à l’autrice de se concentrer pleinement sur son activité d’écriture. Grace a abandonné sa propre carrière pour gérer le quotidien, mais aussi l’agenda de sa compagne ; elle relit ses écrits en chantier, traduit même quelques-unes de ses œuvres. Elle sera là pour remonter le moral souvent défaillant de MY, soigner ses petits bobos d’hypocondriaque alors qu’elle-même est atteinte d’un cancer.
Marguerite Yourcenar est un concentré d’érudition, il n’y a qu’à lire Les Mémoires d’Hadrien pour s’en convaincre. Férue d’Hellénisme, elle est très à l’écoute des bouillonnements du monde, prend parti sur une série de sujets et s’inquiète, bien avant que la question ne devienne prégnante, du traitement peu respectueux de la nature par les Humains.
D’un caractère peu commode, on ne peut pas dire qu’elle ait fait l’unanimité en tant que personne, certains critiques prétendant même que sa réputation d’autrice est surfaite, ce qui est plutôt de mauvaise foi et souvent fondé sur des rancœurs personnelles. La relation avec ses éditeurs n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, simplement parce qu’elle voulait se faire respecter et, encore plus, faire respecter son œuvre.
En 1980, elle devient la première femme élue à l’Académie Française, jusque-là une corporation plutôt conservatrice voire machiste. Le contexte de l’époque était certes favorable à une telle révolution, le président Valéry-Giscard-d’Estaing et l’écrivain Jean d’Ormesson y étaient favorables. Mais surtout – surtout – Yourcenar méritait d’en faire partie pour la grandeur de son œuvre.
Voici pour moi l’une des meilleures biographies que j’ai lues, rehaussée encore par les nombreux témoignages issus des carnets que tenaient systématiquement Grace et Marguerite, mais surtout par l’impressionnante correspondance dont de larges extraits sont reproduits dans le livre de Josyane Savigneau.
Passionnant de bout en bout !
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