Où sont les mains du Che ?

Au sommaire de ce numéro 568 (dont vous trouverez le détail complet sur le site de Gallimard), un article en particulier : Juan Coronel Quiroga "Les mains du Che".
De quoi expliquer que le portrait du Che avec son légendaire béret orne la couverture de la NRF. Un témoignage ahurissant sur le long périple des reliques du Comandante, relaté par Juan Quiroga, militant bolivien communiste, qui entreprit de remettre aux autorités de la révolution cubaine les mains formolisées de Che Guevara. Quiroga a remis ce texte au photographe Jean-Luc Berrou, qui en a, à son tour, fait dépositaire Michel Braudeau. D'où sa publication dans la NRF.

Le récit est incroyable. Le 9 octobre 1967, le corps du défunt Che est exposé au lavoir de La Higuera. Pour des raisons de sécurité (était-ce vraiment le corps du guerillero ?), un masque mortuaire est réalisé en vitesse par des agents de la CIA aidés de militaires boliviens et on sectionne les mains du Che, avant de les formoliser. Après une vérification des empreintes digitales à La Paz (ça ferait un super film aux USA tout ça...), le Ministre de l'Intérieur Mendieta récupère le tout et fait ériger un mausolée souterrain sous sa chambre à coucher. Quelle idée saugrenue me direz-vous... Fidel Castro charge Victor Zannier Valenzuela, un fidèle communiste, de récupérer le masque et les mains et de ramener le tout à Cuba. Valenzuela délègue la mission à des militaires, dont l'un n'est autre que Juan Quiroga.
Là, ça devient franchement hallucinant ! Quiroga récupère les restes de la dépouille, les cache sous le sol de sa propre chambre à coucher, se fait démasquer quand les enfants de son logeur découvrent les objets et hurlent de terreur (les mains seraient très poilues et en partie décomposées). Quittant La Paz avec l'objectif de rejoindre Cuba, Quiroga fait escale à Moscou pour déjouer les soupçons. Le voyage passe par Lima, Bogota, Caracas, Madrid, Paris, Prague (et j'en oublie), avant d'enfin pouvoir s'envoler pour La Havane. Espérant une reconnaissance quasi nationale, Quiroga déchante lorsqu'il apprend qu'il est persona non grata, à cause de ses antécédents de membre actif du Parti communiste bolivien (qui a osé ne pas soutenir le Che dans sa lutte rebelle). On lui reprend les reliques, on le remballe chez lui, il reprend sa place de professeur de littérature et peste pendant des années, ce qui lui donnera l'idée de tout poser par écrit, histoire de rentabiliser un minimum une frustration bien légitime.
A propos des restes, personne ne sait ce qu'ils sont devenus ! Castro autait-il lui aussi érigé un mausolée sous le sol de sa chambre ?

Ce récit, c'est une histoire de fous, un mélange d'humour, d'espionnage, de politique, d'histoire... c'est vivant et surtout très étonnant.

• 

  La Nouvelle Revue Française, numéro 568 - Janvier 2004 de Collectif

  de Collectif,
  Gallimard / Gallimard
  ISBN : 9782070734887 ; 15,50 € ; 08/01/2004 ; 352 p. ; Broché

  Go Amazon