Chien-loup de Serge Joncour
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Petite déception
Présentation de l'éditeur
L'idée de passer tout l'été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecoeur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L'annonce parlait d'un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n'habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s'est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu'on avait apprivoisée aussi bien qu'un animal de compagnie, n'avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s'entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c'était en arrivant.
Mon avis: Depuis ses deux derniers romans, je suis un fervent admirateur de Serge Joncour. Avec ses histoires contemporaines et rurales, il sait jouer d’espièglerie afin de nous passionner pour ses aventures et je guettais, avec le sourire, le nouvel arrivage.
La narration est divisée en deux parties distinctes. Chacune se situe dans une époque différente et leur seul point commun est le lieu dans lequel se situent les récits. Le cadre est donc le même, mais les destins séparées d’un siècle. Et dans ce coin reculé du Lot, on constate froidement l’évolution du quotidien des contemporains. Les usages matériels ne sont plus du tout les mêmes, le progrès technologique étant passé par là. Mais on s’aperçoit aussi que certaines choses ne varient pas avec le temps. L’amour, la jalousie, les rumeurs, les instincts primaires restent des pratiques universelles. Toutes ses émotions, ancrées en l’Homme et incontrôlables, entraînent les réactions et créent les histoires.
Serge Joncour n’a pas son pareil pour décrire les atmosphères et décortiquer les sentiments. Avec lui, le lecteur ressent l’espace et l’ambiance. Pour ce roman, il reprend ses bonnes habitudes dans le monde pastoral. Au bout de quelques chapitres, j’étais en parfaite harmonie avec la nature et en osmose avec les émotions des acteurs. Seulement cette fois ci, le destin des personnages m’a lassé. En effet, lorsqu’après plus de 300 pages, il ne se passait toujours rien, j‘ai relâché mon attention. Les aventures stagnaient, je ne voyais pas d’échappatoire à la routine installée et malgré l’air pur, j’ai commencé à étouffer quelque peu. La plume de l’auteur était toujours impeccable mais il manquait la vivacité narrative qui m’avait emporté dans ses textes précédents. Heureusement, sur la fin, le récit devient plus romanesque. Cela rattrape mon désarroi et me laisse un goût moins amer.
Si je parais sévère dans mon ressenti, c’est qu’avant de débuter ce roman, j’étais fan de Serge Joncour et j’en attendais donc beaucoup. Même si j’ai moins adhéré à ce « Chien Loup », moins facétieux, je suis toujours convaincu qu’il est un grand écrivain qu’il faut absolument lire (peut-être ne pas commencer son œuvre par celui-là !). C’est pour cette raison que je ne lui en tiendrai pas rigueur et que je serai le premier à me jeter sur sa prochaine production. Sans rancune !
Les éditions
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Chien-loup
de Joncour, Serge
Flammarion
ISBN : 9782081421110 ; EUR 21,00 ; 22/08/2018 ; 480 p. ; Broché -
Les livres liés
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Les critiques éclairs (8)
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un roman qui revient sur la sauvagerie des hommes
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 76 ans) - 11 mai 2021
roman de Serge Joncour
Editions Flammarion
538 pages
17 novembre 2020
Franck, producteur de cinéma accepte un peu à contrecoeur la proposition de Lise : partir loin de la civilisation dans un coin reculé du Lot.
C'est dur quand on a l'habitude de vivre scotché à la connection internet,de se retrouver dans un coin quasi désert où le téléphone ne capte rien.
Elise est ravie... Lui bougonne mais finit par accepter ce petit intermède bucolique....
C'est vrai qu'il part tous les jours au bourg pour se ravitailler et prendre ses messages.
Ce coin perdu a une histoire : un dompteur y logeait le siècle d'avant au moment du déclenchement de la grande guerre.
Il y a vécu avec des tigres et des lions enfermés dans des cages....
L'auteur alterne les chapitres , ceux qui évoquent l'installation de ce dompteur, la peur des villageois qui entendaient les rugissements pourtant lointains et ceux qui se situent en 2017 avec ce couple de touristes.
La guerre de 14 est là présente avec ces villages dépouillés de leurs hommes partis à la guerre.
Les femmes hier vouées à l'enfermement au foyer cultivent les champs et s'occupent des bêtes;
Ah les bêtes ? Il faut les cacher, du moins quelques-unes car beaucoup sont parties au front pour aider à l'effort de guerre : les chevaux, les boeufs.... Même les animaux des cirques comme les éléphants ont été réquisitionnés.
On comprend que le dompteur qui s'était installé soit parti cacher ses fauves.
Que s'est-il passé dans ce village aujourd'hui disparu?
Que sont devenus les fauves?
Le suspense est total.
Les hommes sont les premiers acteurs de la sauvagerie.... Ils ne revendiquent pas cette place....pourtant !
Jean-François Chalot
Cent ans d'écart
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 26 août 2020
Franck et Lise, un couple de quinquagénaires, passe ses trois semaines de vacances dans un gîte extrêmement isolé au Mont d’Orcières. Dès leur arrivée, Lise, ancienne actrice devenue peintre, est séduite par cette maison seule sur des km², dominant des étendues de forêts denses. Ce qui n’est pas le cas de Franck, producteur de cinéma, toujours sur la brèche, qui se doit d’être toujours joignable surtout en cette période difficile professionnellement, alors qu’il vient de s’associer avec deux jeunes "loups". Panique totale, dans cet univers sans connexion, peuplé de bruits inconnus, épié par deux yeux étranges.
Août 1914
Le village d’Orcières subit la guerre, même très éloignée. Tous les hommes sont envoyés au front, ainsi que les chevaux. Ne restent que les femmes, enfants et vieillards, ainsi que le maire et l’instituteur. Le maire accepte que le dompteur du cirque ambulant et ses huit fauves s’installent sur le Mont.
Cent d’écart entre les deux récits mais des parallèles qui interpellent. Et qui permettent de mesurer aussi bien l’évolution des mœurs que l’immuabilité de la nature humaine.
Le dompteur de 1914, le boucher sur le marché de Limogne en 2017. L’interrogation, la méfiance envers les végétariens, ce comportement contre-nature. La force des femmes, en temps de guerre en temps de changement, pilier et équilibre de la vie dans toutes les tourmentes.
Un très beau roman sur la force des liens mais surtout des lieux et où j’ai aussi apprécié l’habileté de l’auteur qui manipule le lecteur en apportant un dénouement inattendu ; rappelant qu’il ne faut jamais croire tout ce que l’on raconte !
"Il retournait doucement vers les collines, sans musique, regardant ces paysages, déjà familier de l‘endroit, un peu chez lui, comme s’il avait pratiqué une espèce de rituel d’acceptation. À présent il savait que ce territoire n’était pas neutre, il habitait le périmètre de cette femme, de cet homme, de ces lions. Tous ces acteurs engloutis, ces présences d’un autre siècle, il s’y sentait bizarrement lié. D’une façon ou d’une autre leur histoire était toujours là à rôder, elle était sous forme de molécules de mémoire qu’on tentait de taire ou d’oublier. … Finalement, là-bas tout l’attendait, les vivants et les autres."
Tout du livre raté
Critique de Yeaker (Blace (69), Inscrit le 10 mars 2010, 51 ans) - 5 décembre 2019
Le livre évoque un petit mont surplombant un petit village du Quercy en l'évoquant à deux époques en alternant les chapitres. Il y a aujourd'hui où le site est loué pour l'été par deux parisiens et il y a le début de la première guerre mondiale. En réalité les chapitres alternent entre des parisiens dont le personnage masculin n'est absolument pas réaliste, du moins je l'espère, avec sa succession de clichés sur les urbains et de comportements de plus en plus ridicules, et des chapitres sur un drame ayant secoué le village dont nous connaissons les éléments dès le début du livre mais dont il faudra être très très patient pour le voir se concrétiser.
Bref il s'agit d'un mélo bien ennuyant.
Splendide
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 25 novembre 2019
Franck et Lise ont choisi de passer leur mois de vacances annuel dans cette maison là-haut, où personne ne vient. Franck était plutôt rétif à cette idée, trop attaché à son smartphone qu'il tient maintenant tendu devant lui comme une télécommande pour rallumer le monde, mais Lise voulait vraiment se retrouver un peu loin du bruit, des ondes et des gens.
Nous vivrons avec ce couple ces quelques jours. Entre chaque chapitre s'intercale l'histoire du village et de cette maisonnette là-haut perchée de juillet 1914 à août 1915.
Là l'auteur s'en donne a cœur joie : tout y est. Une plume franche qui ne tremble pas et un récit haletant. L’écrivain est dans son élément, il maîtrise ses effets avec brio et on peut le dire... c'est du tout grand art.
Cette maison juchée sur ce mont. Ce mont qui n'était plus vraiment la terre, qui n'était pas encore la lune non plus, mais une sorte d'entre-deux. C'est là que des vignerons sont morts, ruinés par le phylloxéra et qui préférèrent se pendre au gros arbre qui ombrage encore la maison. Cette maison qu'occupe aujourd'hui ce couple de vacanciers.
En 1914, quand les hommes furent mobilisés pour cette boucherie innommable, le village se retrouva géré par les femmes. Exténuées, elles cumulaient les travaux des champs et la tenue de leur foyer. Malgré la réduction de la population la médisance restait intacte. Cette médisance, ce renard toujours là à roder autour des maisons, toujours à traîner du côté des humains, sûr de trouver quelque chose à se mettre sous la main.
Il est à constater que si seul on chante faux, dès lors qu'on s'y met à plusieurs, une forme d'harmonie survient. C'est ainsi que les rumeurs grandissent... les rumeurs deviennent certitudes.
Car là haut il y a cet allemand, un dresseur de cirque qui a réussi à sauver huit fauves qu'il a confinés dans des cages. Il est valide mais vu sa nationalité confiné sur le territoire. C'est là-haut qu'on l'a parqué avec ses monstres rugissants. Les cages profitent de l'ombre du grand arbre, ce même arbre qui donne un peu de fraîcheur à ces deux parisiens qui ont eu la drôle d’idée de choisir cet endroit abandonné de tous, de tout sauf de la mémoire,
Qu'en penser : Après avoir lu le sublime Goncourt 2019 de Jean-Paul Dubois, me voici charmé par l’exceptionnel CHIEN-LOUP. C'est comme après deux nuits d'amour consécutives, à l'aube on se réveille exténué, groggy. On se dit que c'est trop, mais c'est tellement bon !
5 étoiles aussi, sans hésiter, à ce formidable roman. Merci Serge Joncour, pondez-en encore de jolis œufs comme celui-ci.
Bonne idée...moins bien servie...
Critique de MAPAL (, Inscrit le 19 janvier 2011, 78 ans) - 11 novembre 2019
Pourtant tout était là pour me convaincre: l'idée de départ, qui suscite l'intérêt, le sujet (critique du monde contemporain), des personnages, une atmosphère et de belles réflexions ponctuelles.
On a indéniablement à faire avec un auteur qui "a du fond".
Mais:
- une fin sans surprise,
- si bien que l'on a parfois une impression de dilution, curieusement, car à certains aspects, la narration peut être plus nerveuse.
- une évocation des lieux qui engage trop souvent plus au tourisme qu'à l'effort d'imagination.
Il reste que je ferai une autre tentative avec cet auteur, car je le sens capable de mieux faire.
Un retour aux sources captivant
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 29 mai 2019
Un couple désireux de se couper du monde loue une maison perdue au fin fond du Lot pour y passer l'été 2017, dans un village aujourd'hui disparu de la carte. Un chien mi-loup rode aux alentours. Un siècle plus tôt, pendant la première guerre mondiale, il nous raconte le quotidien des femmes mais aussi le passé sanglant des lieux autour d'un dompteur allemand qui a séjourné avec ses fauves dans cette même maison.
Il y a une réelle volonté des personnages contemporains de se reconnecter à la nature, sauvage, tout en se déconnectant de ce qui constitue une grande partie de notre quotidien : Internet, les réseaux sociaux ... Ce n'est pas si simple et ce retour aux sources les renvoie à leurs instincts primaires et révèle la complexité de la nature humaine. Un roman envoûtant, tranquille et sauvage à la fois !
chien-loup
Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 5 février 2019
Direction le Mont d'Orcières, une maison perchée sur une colline dont l'accès est quasi inaccessible tant la pente est abrupte. Nous sommes dans les Causses dans le Lot, un gîte perdu au milieu des collines et des forêts, loin de tout village et de toute communication, il n'y a ni téléphone, ni connexion internet, ni gsm...; juste des forêts dans lesquelles évoluent gibiers et bêtes sauvages.
Le roman se passe alternativement sur deux périodes, 1914 d'une part, le tout début de la première guerre et l'été 2017. Par une construction habile l'auteur nous permettra de comprendre ce qui relie les deux.
1914, c'est la mobilisation, les hommes quittent le village mais aussi les animaux réquisitionnés pour faire la guerre; chevaux, chiens, pigeons, ânes, vaches, moutons... Les femmes resteront seules au village avec les enfants et les vieillards. Elles devront mettre les bouchées doubles pour remplacer les hommes et les bêtes aux champs, c'est qu'il faut bien nourrir les soldats.
Un troupeau de 200 moutons sera caché sur les Causses, et Wolfgang Hallzenmaier, un allemand dompteur de fauves sera caché sur le mont d'Orcières avec ses cinq lions et trois tigres attisant les peurs des villageois.
Dévouement des femmes, travail acharné seront mis en avant, on y suivra également le destin de Joséphine.
Un siècle plus tard, c'est Lise et Franck qui viendront s'installer le temps d'un été au Mont d'Orcières. Lise veut se ressourcer, se recentrer sur elle, actrice de son état, elle souffre des ondes dans nos villes, elle les sent la traverser. Elle sort d'un cancer et veut quitter tout cela, se reconnecter dans la nature. Elle a repéré une annonce parlant de calme, de paix et de sérénité.
Ici, dominant les forêts avoisinantes, elle se sent vivre, elle veut juste peindre, méditer, marcher, respirer, changer de mode de vie loin des radiations, des pesticides et de la pollution de toute espèce.
Franck l'accompagne depuis 25 ans, à tout moment ils étaient ensemble, joignables, connectés l'un à l'autre. Il est producteur de films, depuis peu avec deux associés aux dents longues : Travis et Liam. Il doit rester joignable pour le boulot et devient fou cherchant désespérément un signal pour son portable - scène amusante qui démontre notre addiction aux écrans.
Le premier soir, des yeux les observent, c'est un grand chien-loup? Difficile à dire, il semble les avoir choisis. Il semble chien, ami de l'homme mais est aussi sauvage et agressif.
Franck résistera-t-il à l'appel de notre monde moderne ? Appréciera-t-il ce calme apparent ? Car la nuit toutes sortes de bruits et de cris étranges retentissent. Cette maison, que leur cache-t-elle ?
Un magnifique récit, superbement construit, d'un siècle à l'autre, chapitre après chapitre, il nous parle de la nature humaine, de cette dualité qu'il y a en nous, de notre côté animal, prédateur à l'image de ce grand chien (ami de l'homme) - loup (sauvage).
Il nous parle habilement de notre société, ses dérives, son évolution, notre addiction au smartphone, à ce besoin de connexion virtuelle, de notre mode de vie carnivore, végétarien, de l'évolution du cinéma, des technologies, de l'arrivée d'Amazon et Netflix ...
L'écriture est juste sublime. On s'attache aux personnages et on voit et ressent profondément cette belle nature. Immense coup de coeur.
♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Parfois un boulot occupe tellement la vie qu'il envahit l'être, avec son lot de satisfactions, mais surtout ce stress constant.
C'est peut-être ça un couple, avoir irrémédiablement besoin de l'autre, être fondé en partie sur lui, sachant que vu les circonstances, ce sera à l'un ou à l'autre d'assurer, en fonction des échecs et des réussites, sans quoi il n'y aurait plus d'équilibre.
Chaque femme était une âme en veille dans un monde travaillé par la mort.
Un acteur qui ne tourne plus, c'est une bête lâchée par la meute, un chien ensauvagé.
Les enfants servent à cela, à combler le silence, le vide, les humains ne font pas des enfants pour peupler le monde mais pour se prouver qu'ils existent...
Lise était aux anges, elle avait ce qu'elle voulait, ne voir que des collines et des arbres, une disposition qui faisait de cette maison, une île, une île perdue dans un océan vert et insondable.
La nature de l'homme est de vite oublier les catastrophes passées, autant que de ne pas voir celles qui s'amorcent.
Être maître d'un animal c'est devenir Dieu pour lui. Mais avant tout c'est lui assurer sa subsistance, sans quoi il ne redeviendrait rien d'autre que sauvage, ou mourrait. La nourriture, tout part de là, 'est la concession faite à la liberté.
L'image que Franck se faisait d'Amazon et Netflix, c'était celle de deux prédateurs mille fois plus gros que tout le monde, avec un appétit sans limite, deux super-prédateurs qui comme les loups régulent l'écosystème en éliminant d'abord les proies les plus faibles, les plus petites, les plus vulnérables, avant de s'imposer comme les maîtres absolus du jeu ...
On s'aime mais on ne se le dit plus, on s'aime de telle manière qu'il n'y a même plus lieu de se le dire, de le penser... C'est peut-être le stade ultime de l'harmonie, le seuil de la béatitude entre deux êtres, l'amour devenu à ce point naturel qu'il ne s'énonce même plus.
Les fauves ne renoncent jamais, dès lors qu'ils savent des proies dans les parages, d'une façon ou d'une autre ils cassent les chaînes, les lions plus encore que les hommes ne cèdent jamais sur leur désir.
Aimer c'est ne pas se rendre compte, aimer c'est ne même pas réaliser qu'on est tendu vers l'autre, sans cesse propulsé vers un déséquilibre tentant.
L'homme c'est cette créature de Dieu qui corrompt et dilapide, qui se fait un devoir de tout salir et d'abîmer. Sans qu'il soit question de malveillance ou de jalousie, de frustration ou de colère, par sa seule présence un homme peut tout détruire.
"Chien-Loup" de Serge Joncour : morsure d'Histoire
Critique de Lettres it be (, Inscrit le 7 mai 2017, 30 ans) - 17 août 2018
# La bande-annonce
L’idée de passer tout l’été coupés du monde angoissait Franck mais enchantait Lise, alors Franck avait accepté, un peu à contrecœur et beaucoup par amour, de louer dans le Lot cette maison absente de toutes les cartes et privée de tout réseau. L’annonce parlait d’un gîte perdu au milieu des collines, de calme et de paix. Mais pas du passé sanglant de cet endroit que personne n’habitait plus et qui avait abrité un dompteur allemand et ses fauves pendant la Première Guerre mondiale. Et pas non plus de ce chien sans collier, chien ou loup, qui s’est imposé au couple dès le premier soir et qui semblait chercher un maître. En arrivant cet été-là, Franck croyait encore que la nature, qu’on avait apprivoisée aussi bien qu’un animal de compagnie, n’avait plus rien de sauvage ; il pensait que les guerres du passé, où les hommes s’entretuaient, avaient cédé la place à des guerres plus insidieuses, moins meurtrières. Ça, c’était en arrivant.
Serge Joncour raconte l’histoire, à un siècle de distance, d’un village du Lot, et c’est tout un passé peuplé de bêtes et anéanti par la guerre qu’il déterre, comme pour mieux éclairer notre monde contemporain. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature et confronté à la violence, il nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au cœur de nos existences civilisées, comme un chien-loup.
# L’avis de Lettres it be
Quelques morceaux d’Histoire qui s’entrechoquent avec l’existence des contemporains, un territoire aussi majestueux que sauvage, bien caché au cœur de notre Hexagone… Chien-Loup choisit pour éléments constitutifs autant de composants que l’on n’aurait jamais pensé pouvoir être croisés de la sorte. Avec son allant désormais habituel, Serge Joncour marque un retour aussi attendu que déroutant : qu’ont à faire en commun un couple uni mais sur la pente raide et en quête de renouveau, un coin de Lot et un « Boche » tout droit sorti de la vieille guerre et que l’on verrait réapparaître dans une légende locale ? Assurément, impossible n’est pas Joncour pour mener à bien un bon roman en plein cœur de cette féroce rentrée littéraire de septembre 2018.
Serge Joncour refait surface avec ce récit d’une banalité trop contemporaine qui croiserait la nostalgie des légendes passées. Chien-Loup reprend les éléments du drame romantique moderne avec toute la douceur conjugale et routinière qui va avec mais en ajoutant une pointe d’histoire locale, juste ce qu’il faut pour faire basculer deux existences bien loin des sentiers battus qui leur étaient pourtant promis. Et, de fait, le lecteur embarque dans cette aventure qui n’en est finalement pas une. Une fois encore, Serge Joncour parvient à garder le cap dans un roman haletant quoique jamais extraordinaire au sens du terme. Ce récit du banal fait mouche lorsque pointe quand nous nous y attendons peut-être le moins des éléments surprenants et dosés avec maestria.
Parce qu’il offre une littérature de tous les jours et des romans qui parlent au commun des mortels sans tomber dans les écueils de la facilité, parce qu’il ne fouille pas les tiroirs de l’Histoire à la recherche de faits bien dans l’ère du temps et au potentiel « sensibilité » (et commercial) avéré, Serge Joncour ne devrait pas habiter les listes des grands prix littéraires français autoproclamés. Surfant sur la vague de son succès populaire (au sens du terme), celui qui est aussi à l’origine, entre autres, du scénario du film à succès Elle s’appelait Sarah sorti en 2010 sur les écrans parvient à garder le cap de ses derniers succès littéraires passés. Chien-Loup voit ses pages tourner à toute vitesse, nombreux seront les lecteurs conquis et qui partiront volontiers bien loin sur ces territoires enchantés de France au côté de Lise et Franck. Une belle et agréable lecture. Monsieur Joncour, on en redemande.
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