Est-ce ainsi que les hommes jugent ? de Mathieu Menegaux

Est-ce ainsi que les hommes jugent ? de Mathieu Menegaux

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nathavh, le 30 mai 2018 (Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 273ème position).
Visites : 3 000 

Une claque ! ♥♥♥♥♥

J'ai découvert le premier roman de Mathieu Menegaux le 1er avril de cette année sur les conseils de ma libraire que je remercie encore vivement. Sous le charme de cette plume, il me semblait donc évident de découvrir ce tout dernier roman..

Une claque ! Comme à chaque fois Mathieu Menegaux a le don de retourner les situations, de faire en sorte que tout bascule dans une vie pourtant bien rangée.

Bertrand et sa fille Claire vont comme chaque semaine faire les courses avant d'aller fleurir la tombe de Nathalie, l'épouse, la mère partie trop tôt.

Pressé par le temps, Bertrand laisse sa fille sans surveillance, une seconde seulement, le temps de finir de payer. Sur le parking du centre commercial Claire a disparu, un homme essaye de l'enlever. Bertrand entendant le cri de sa fille, accourt, Claire s'échappe mais Bertrand continue à poursuivre la voiture de l'inconnu, une Mégane blanche qui braque et lui fonce dessus. Bertrand meurt devant les yeux de sa fille.

Trois ans plus tard, le 22 mars 2016, Gustavo Santini, argentin d'origine est réveillé en sursaut. C'est une journée très importante pour lui - il est directeur financier dans une société pharmaceutique - c'est aujourd'hui qu'il présentera le projet sur lequel il travaille ardemment depuis des mois, un projet d'acquisition important qui devrait même être le plus beau jour de sa carrière.

Oui mais, on frappe à sa porte. Des flics par dizaine débarquent chez lui avec un mandat de perquisition. Tout bascule, ils vont mettre la maison sens dessus dessous sans grande communication, un vrai champ de bataille. Sa femme et les enfants sont questionnés. Ils sont heureux de trouver une Mégane blanche, une vieille veste en jean.. Gustavo est emmené en garde à vue au DRPJ pour tentative d'enlèvement de mineur et homicide volontaire.

Gustavo est perdu, ok il a une Mégane blanche et une veste en jean ... et alors, comment se souvenir ce qu'il faisait trois ans plus tôt !

Un roman qui nous parle une fois encore de la "justice", point commun avec les précédents romans.
Il nous parle plus exactement de la manière dont la justice fonctionne ou dysfonctionne...

Pas de gants, pas d'écoute et d'empathie, juste du traumatisme et de l'humiliation au rendez-vous. Un manque complet d'humanité.

Sans vouloir en dire trop, l'auteur s'interroge également sur le rôle des médias et réseaux sociaux qui peuvent manipuler l'opinion publique, l'orienter, créer des croyances.

Ce que j'aime chez Mathieu Menegaux c'est que le coeur de ses romans pose toujours questionnement sur des faits de société; le fonctionnement de la justice, la nature humaine. La psychologie des personnages est superbement bien rendue. Nous sommes à la lecture dans la tête des protagonistes, ressentant tout à tout inquiétude, espoir, doute et empathie.

La tension monte progressivement, l'écriture est directe, claire, limpide et addictive. Lecture faite en apnée, impossible de poser le livre sans l'avoir terminé. Une belle analyse de notre société.

Gros coup de coeur pour moi.

Si vous ne connaissez pas cette plume, n'attendez plus, vous ne serez pas déçu.


Les jolies phrases

Ce n'est plus une intrusion. C'est un viol. Toute sa vie est là, étalée devant lui, par terre, dans un capharnaüm indescriptible...

Si tout pointe vers lui, à la fin, c'est que c'est lui.

La télévision et les réseaux sociaux vont réussir là où ils ont échoué ; faire condamner un innocent.

Son avenir n'est plus qu'une suite d'orages jusqu'à ce que le ciel finisse par lui tomber violemment sur la tête.

Il s'y était engagé, contre toutes les consignes, contre les usages, contre les années de son expérience accumulée, contre toute forme de bon sens. Comme si un chirurgien promettait avant l'opération d'une tumeur au cerveau qu'il allait sauver la vie de son patient ! Jamais. On promet qu'on va faire de son mieux, donner le meilleur de soi-même, mobiliser l'équipe idéale, attribuer des moyens, remuer ciel et terre, mais s'engager ainsi sur un résultat devant une victime traumatisée ?

D'expérience, il préférera toujours être trop suspicieux que bienveillant ou coulant. Relâcher un coupable est bien pire pour lui que garder un peu trop longtemps un innocent, qui s'en remettra avec le temps et des excuses.

"Tout le monde ment", c'est son quotidien de flic. Tout le monde ment, sur tout, tout le temps. Coupables, innocents, tous ont quelque chose à dissimuler, une vérité à travestir pour les convenances, pour la famille, pour la société. C'est aussi ce qui rend son métier fascinant. L'imagination humaine est sans limites et ces moments sont ceux qu'il affectionne le plus. Démêler le faux du vrai, mettre en lumière les contradictions, faire surgir la vérité touche par touche, par la force du raisonnement, la puissance des faits et quelques ficelles de praticien chevronné.

Ça doit ressembler à ça la guerre. Un escadron qui débarque chez vous, qui occupe les lieux et installe dans votre maison un poste de commandement, qui vous dépossède et vous asservit en moins de temps qu'il faut pour le dire.

A-t-il dû avouer, lui aussi, des crimes qu'il n'aurait pas commis pour protéger sa famille et son existence ?

...les héros ne sont plus ceux qui agissent, mais bien ceux qui peuvent revendiquer le statut de victime, victime de l'injustice, victime du système, victime des circonstances.

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Non coupable ?

8 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 6 avril 2019

Gustavo est un homme normal qui vit une vie normale. Mari, père, travailleur il se contente de ce qu'il a. Et puis un jour tout bascule, le voilà accusé pour des faits de meurtre et tentative d'enlèvement s'étant déroulés quelques années auparavant. Pour les enquêteurs il est coupable, tout concorde, il suffit de trouver la faille. Alors on gratte, on cherche et on trouve toujours quelque chose. Gustavo ne comprend plus rien, assommé par tout ce qu'on lui reproche, il se pose la question de savoir s'il ne serait pas préférable d'avouer pour sauver sa famille, pour qu'on l'oublie.

Matthieu Menegaux bataille ferme avec le sujet de l'innocence. Un script subtil, un balayage habile de curieuses méthodes policières, puis du rôle des médias classiques, d'internet et la toile d'araignée des ragots qui se tisse. Comment s'en dépêtrer ?
Le thème du présumé coupable est bien décrit, le livre est prenant et prend le lecteur physiquement dans les tripes.
Même s'il ne s'agit pas d'une littérature aux formes travaillées mais d'un texte brut, le scénario tient la route et il est probable de trouver bientôt un téléfilm reprenant les faits.

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