La vie quotidienne de Freud et de ses patients de Lydia Flem

La vie quotidienne de Freud et de ses patients de Lydia Flem

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Henri Cachia, le 10 mai 2018 (LILLE, Inscrit le 22 octobre 2008, 62 ans)
La note : 10 étoiles
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Une très bonne "introduction à la Psychanalyse"...

Dans ce livre écrit par Lydia Flem, alors qu'elle n'avait que 33 ans, nul doute qu'elle a aussi cherché à faire sa place dans le monde de la Psychanalyse d'alors en 1986, en tentant de s'intéresser à la vie quotidienne de celui qui va révolutionner la Psychiatrie. Alors que seuls d'autres livres plus théoriques n'avaient été écrits jusque-là. Pour tout dire « plus sérieux ».
C'est bien dans la vie quotidienne que Freud puise tout ce qui va devenir la Psychanalyse, alors qu'il a eu tant de mal à l'imposer, rejetée si violemment à ses débuts par tout le monde.
L'autrice nous montre également un autre Freud, vivant avec sa famille, lui consacrant toujours le temps nécessaire, notamment auprès de ses enfants qu'il adorait. Loin de l'icône photographique représentant le savant austère et presque triste dans la plupart des livres et revues psychanalytiques.
En 1986, Jean Oury avait déjà mis en pratique la vie quotidienne depuis 33 ans, en faisant évoluer considérablement lui aussi la Psychiatrie, avec la Psychothérapie institutionnelle, à la clinique du Château de La Borde, depuis 1953.
Au fil de « La vie quotidienne de Freud et ses patients », Lydia Flem nous entraîne dans une balade de ce qui a fait que Freud qui rêvait de devenir écrivain, a su par sa créativité allier l'art et la science.

p.107
Sans qu'il en fît une règle, Freud avait l'habitude de recevoir pendant cinquante-cinq minutes, se réservant cinq minutes entre chaque séance. Il voyait ses patients cinq à six fois par semaine...Freud ne suivait ses patients que quelques semaines, puis quelques mois. Une analyse durait souvent le temps d'une année académique ou de deux saisons pour une première « tranche » ; certains élèves revenaient ensuite pour quelques séances supplémentaires par-ci, par-là, au hasard des possibilités qu'ils avaient de séjourner à Vienne.
p.132
Jacob Freud (le père) est descendu du trottoir, comme le lui a imposé un chrétien, ramasser le chapeau, qu'il portait pour célébrer le shabbat. L'enfant Schlomo-Sigismund ne peut pardonner cette résignation blessante pour la toute-puissance qu'l prête à son père et pour son propre narcissisme. A cette obéissance résignée, c'est une visible revanche qu'il veut opposer. L'humiliation paternelle et le désir de vengeance qu'elle fait naître vont organiser sa vie intérieure et sa réalité biographique. Comme les plus doués de ses contemporains, Schnitzler, Mahler, Karl Kraus, Herzl ou Victor Adler, il tentera d'appartenir à la culture de l'Occident et à son histoire en inscrivant son nom en tête d'un chapitre nouveau, révolutionnaire, dans le panthéon des idées. Mais, entre le fils d'un Juif humilié et le père d'une œuvre occidentale, nulle paix véritable n'est possible. Son appartenance à la modernité non juive et son attachement à l'héritage juif se noueront toujours en lui sans qu'il puisse, ni ne cherche, à les dénouer.
p.133
Dans deux lettres à son jeune disciple, Karl Abraham, Freud exprimera cette pensée : « Votre condition de Juif, en augmentant vos difficultés, aura, comme pour nous tous, l'effet de manifester à plein vos capacités », et : « Je veux simplement dire que nous devons, en tant que Juifs, si nous voulons, où que ce soit, participer à quelque chose, faire preuve d'un peu de masochisme, être disposés à nous laisser faire un peu de tort. » C'est le salaire de la fidélité, et de la vérité à soi-même. Ce sera le fondement de la psychanalyse.
p.160
Peu après son retour de Rome en 1901, à l'âge de 41 ans, Freud reçoit enfin sa nomination de professeur. Il croit rêver. Il se voit fêter par l'empereur en personne et les politiciens qui l'ont tant fait attendre et souffrir ; ainsi qu'il l'écrit à Fliess le 11 mars 1902 : « L'approbation du public m'était acquise, vœux et envois de fleurs pleuvaient, comme si le rôle de la sexualité avait été soudain découvert officiellement par Sa Majesté, la signification des rêves, confirmée par le Conseil des ministres, et la nécessité d'une thérapeutique psychanalytique de l'hystérie, reconnue par le Parlement à la majorité des deux tiers. »
p.189
« Toute cure psychanalytique est une tentative de libérer l'amour refoulé. » Le détour par le transfert amoureux est inévitable : « La passion réveillée, qu'elle soit l'amour ou la haine, prend aussi chaque fois pour objet la personne du médecin. »
p.204
Il dit au poète italien Giovanni Papini venu lui rendre visite en mai 1934 : « Vous n'êtes ni un patient, ni un collègue, ni un disciple, ni un parent. Il lui aurait alors parlé « librement » et avoué qu'il n'était en vérité qu'un scientifique « par nécessité et non par vocation », que sa nature le conduisait à être un artiste et que s'il n'avait pas choisi la littérature, c'est parce qu'il avait été pauvre.... La confession c'est la libération, et telle est la cure psychanalytique... J'ai été capable de vaincre mon destin d'une manière indirecte et j'ai réalisé mon rêve : rester un homme de lettres sous les apparences d'un médecin. »
p.208
Le faire-part de la naissance de la psychanalyse, c'est dans la langue de Charcot que Freud l'a rédigé, mais pendant presque un demi-siècle, ses patients l'ont entendu prononcer ses interprétations analytiques dans un allemand aux accents viennois. Freud hait Vienne mais il l'habite. Et Vienne, l'ingrate, reste le décor mais aussi le terreau, involontaire il est vrai, où la psychanalyse est née et s'épanouit. Comme la plupart de ses concitoyens, son inventeur fréquente volontiers les cafés de la ville. Freud aime s'y arrêter, le temps d'une bière ou l'un des délicieux cafés que l'on y sert avec un petit verre d'eau.... Il y feuillette les journaux et des revues, occasions toujours renouvelées de commettre des « erreurs de lecture » qu'il consigne ensuite dans sa « Psychopathologie de la vie quotidienne ».
p.215
Après les séances de la matinée, et après le repas du soir, Freud se promène dans les rues de Vienne. Sa promenade toujours d'un pas vif l'amène à la rue des Messieurs, au coin de laquelle se trouve, dans le palais Herberstein, le fameux café Griensteidl, lieu de rencontre des écrivains du Jung-Wien. Prolongeant sa marche, Freud rejoint son marchand de cigares, à côté de l'église Saint-Michel. Il lui en faut une vingtaine par jour, aussi, cette course est-elle fréquente.
p.257
On sait que, à chaque acquisition nouvelle, Freud invitait à sa table la dernière statuette de sa collection. Il écrivit en 1895 à Fliess que « quand une vieille fille possède un chien ou qu'un vieux célibataire collectionne des tabatières, la première compense son besoin de vie conjugale, le second son envie de multiples conquêtes. Tous les collectionneurs sont des répliques de Don Juan. »

Une réédition de cet ouvrage vient d'être publié aux éditions du seuil, avec une préface de Fethi Benslama, en avril 2018. Sans doute y a-t-il des suppressions et/ou des rajouts.

Je préfère toujours les versions originales.

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Les éditions

  • La Vie quotidienne de Freud et de ses patients
    de Flem, Lydia
    Hachette
    ISBN : 9782010108471 ; EUR 15,20 ; 01/12/1986 ; 310 p. ; Broché
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