Indian killer de Sherman Alexie

Indian killer de Sherman Alexie
( Indian killer)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Folfaerie, le 27 mai 2004 (Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 717ème position).
Visites : 4 995  (depuis Novembre 2007)

"les Indiens dansent maintenant, et je ne crois pas qu'ils soient près d'arrêter"

Le chef d'oeuvre de la littérature amérindienne contemporaine, on le doit à ce jeune auteur Spokane qui, contrairement à ses aînés, a choisi de tremper sa plume dans le vitriol et de nous montrer le visage hideux de cette Amérique blanche qui continue de vomir la race des Peaux-rouges. (James Welch, dans "l'avocat indien" tentait déjà d'aborder le problème de la discrimination raciale sans atteindre la terrible lucidité d'Alexie).

Un serial killer rôde dans la ville de Seattle. Il scalpe et mutile ses victimes, puis dépose auprès des corps deux plumes de hibou. La police et la presse sont persuadés qu'il s'agit d'un Indien.
Serait-ce John Smith (l'ironie d'un tel nom !), cet ouvrier de 27 ans, fils adoptif d'un couple de blancs, bourgeois aisés pleins de bonnes intentions mais qui ne peuvent aider leur fils à sortir du gouffre où il s'enfonce. John enfin, qui ne sait pas qui il est et dont les voix qui chuchotent dans sa tête ne lui laissent aucun répit,
ou bien la belle activiste Spokane du campus, Marie Polatkin, qui ne supporte pas l'arrogance des blancs et de son prof de littérature amérindienne en particulier, Clarence Mather, homme condescendant qui aimerait devenir Indien,
ou encore son cousin, Reggie, un type intelligent et agressif, marqué par son enfance sordide, qui voudrait en découdre avec tout le monde, blancs et indiens mêlés.

Alexie nous offre une plongée glauque dans cette cité rongée par la haine et la discrimination raciale, où les clochards indiens sont passés à tabac à coups de battes de base-ball, où un animateur de radio mégalo, symbole de la toute puissance des médias, attise les foyers de haine en appuyant sur la dimension "primitive" des Indiens et en refusant le poids de cette faute collective, à savoir la mort et l'acculturation des Indiens, où certains hommes blancs rêvent d'avoir la peau rouge (pour mieux exorciser leurs remords ?) tandis que les peaux-rouges ne pensent qu'à se fondre dans le monde des blancs...

Le problème de l'identité raciale et religieuse est posé à travers le personnage de John Smith, ce pauvre diable élevé par des catholiques blancs mais qui comprend enfin qu'il ne sera jamais accepté comme tel, également incapable de trouver sa place au sein de la communauté indienne, et dont la douloureuse quête de vérité le conduit aux portes de la folie.

Un roman noir plus qu'un thriller. Car c'est bien plus que ça, c'est un portrait effrayant de l'Amérique blanche, c'est un cri du coeur poussé pour tous les Peaux-rouges des USA, qui ne peuvent pas, et ne pourront jamais, réussir leur intégration au sein de cette civilisation abreuvée de mensonges et de préjugés. Une oeuvre lyrique et passionnée, très forte, qui prend aux tripes, et qui donne à réfléchir, d'autant plus que pas une fois Alexie ne tombe dans le cliché facile du "gentil" Indien et du "méchant" blanc.

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Les éditions

  • Indian killer [Texte imprimé] par Sherman Alexie trad. de l'américain par Michel Lederer
    de Alexie, Sherman Lederer, Michel (Traducteur)
    10-18 / 10-18
    ISBN : 9782264027870 ; 9,92 € ; 07/04/2000 ; 415 p. ; Poche
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Black is black !

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 21 mars 2008

Sherman lave plus noir que noir dans ce thriller urbain qui fait sortir les indiens de la réserve pour les balader en ville à la merci de la vindicte des populations non autochtones dans une histoire très sombre que rapporte excellemment Folfaenie dans sa critique.
Mais le roman s’efface vite devant la haine et la rage que Sherman a accumulées et qu’il est prêt à déverser à longueur de pages sur tous ceux qui portent une responsabilité dans la déchéance du peuple indien. Et cette rage et cette haine s’exacerbent quand il évoque la fatalité qui entraîne son peuple dans l’inéluctable dérive créée par les jeux, l’alcool et la drogue qui règnent en maître dans la réserve.
Et puis, la haine et la rage atteignent leur sommet et confinent au désespoir quand l’« honnête indien » ne peut accéder à l’insertion sociale à laquelle il postule avec courage et persévérance. « Le signe indien » prend alors toute sa signification et toute sa fatalité.
Jamais rage ne fut plus exacerbée, jamais indien ne fut plus vindicatif, jamais roman ne fut plus désespéré. Dieu que cette rage est belle et que ce bouquin nous emballe !

très bon, très noir, très critique

10 étoiles

Critique de Queenie (, Inscrite le 14 mars 2006, 44 ans) - 15 mars 2006

J'ai adoré ce livre de Sherman Alexie. Il n'hésite pas à s'attaquer à toutes les communautés. Tous les personnages sont sombres, ambigus.
L'auteur parvient à décrire un monde noir, violent sans vraiment prendre parti - ils assassinent tout le monde de sa plume.

En plus, son système de narration, suivant des personnages dans leur déambulation, permet au roman de ressembler à une quête, une errance vers un inconnu.

un très bon bon livre

VITRIOL

9 étoiles

Critique de Spirit (Ploudaniel/BRETAGNE, Inscrit le 1 février 2005, 63 ans) - 2 août 2005

Encore un livre plein d’émotions, d’amour et de haines. La haine d’un peuple dominant contre un peuple dominé qui en retour plonge lui même dans la haine de l’autre.
Je ne crois pas que de chez nous, nous puissions prétendre que la situation que décrit un écrivain Indien habitant Seattle et parlant de le vie des Indiens à Seattle est exagérée, elle l’est en tout cas sûrement moins que notre vision de leur monde. Il suffit d’imaginer un peuple qui continue à être bafoué et nié et dont personne ne fête le génocide passé (actif) et présent (passif ou semi-actif).
Encore une fois Sherman Alexie nous montre la réalité, un peu comme dans « orange mécanique » le héros dont on bloque les paupières afin qu’il voie tout, des images qui défilent sur l’écran. Et bien regardons, personne ne pourra dire ainsi : « je ne savais pas ».
Encore une fois Sherman Alexie nous livre un livre magnifique.

De l'histoire et du roman

10 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 18 juillet 2005

De l'histoire
La grande majorité des Amérindiens n'ont jamais considéré leur intégration comme un but à atteindre, bien au contraire, l'objectif de leur lutte était de préserver leurs identités culturelles, non seulement d'être reconnus comme nation à part entière, mais aussi d'accéder à l'autonomie (ce qu'ils ont plus ou moins réussi grâce aux réformes introduite par John Collier dans les années 1930).

Malgré tout il y a bien eu pour certains Indiens des réserves un espoir d'intégration durant les années 1950 avec la loi de termination (loi destinée à vider les réserves de leur population en les envoyant se perdre en ville - manière à peine déguisée d'éradiquer le problème indien tout en s'accaparant leurs terres), en effet ils pensèrent qu'une chance leur était offerte non seulement de fuir la misère de le rez, mais également de réussir enfin à mener une existence digne au sein de leur pays, même si pour cela il leur fallait abandonner totalement leur identité culturelle, certains allant jusqu'à nier leur indianité (souvent ils se faisaient passer pour des mexicains).

Mais une fois de plus le gouvernement renia ses promesses d'aide à l'insertion et mis un terme soudain au programme de migration des indiens vers les villes, abandonnant ceux-ci à leur misérable sort confinés au sein des ghettos urbains. Figés à tout jamais par le regard méprisant et raciste des blancs dans une situation absurde autant que douloureuse (lire également "Comme un frère" de David Treuer), ils ne parvinrent pas à devenir des citoyens américains à part entière et ils n'étaient plus des indiens.

C'est de la prise de conscience des indiens des villes que vont surgir les mouvements contestataires au milieu des années 1960.

Du roman
C'est dans ce contexte que se situe le roman. Une lecture un peu lointaine, mais je crois l'avoir encore bien en mémoire. Un très bon roman qui traite bien du problème identitaire de ces indiens qui errent dans les villes sans espoir, en offrant, à travers les différents personnages, plusieurs angles de vue. Que ce soit le radicalisme du cousin, l'angélisme stupide du professeur en mal de racines, l'idéalisme de la jeune fille et bien sûr du héros conscient qu'il est incapable de s'adapter au mode de vie de sa famille adoptive, qu'il ne se reconnaît pas et ne comprend pas vraiment les aspirations des autres indiens, et que rien ne pourra empêcher qu'il ne sombre dans une espèce de no indian's land qui sépare les deux cultures et le condamne à n'être plus rien. Je ne crois pas que l'auteur ait vraiment adopté un parti pris radical en rangeant les blancs du côté du mal et les Indiens du côté du bien (surtout qu'en ce moment c'est plutôt Bush qui possède le monopole de ce type de classification), il ne fait que proposer une lecture différente de l'histoire américaine qui, jusqu'à l'heure, tend à nier l'existence des indiens tant dans son passé que dans son présent.

Et il ne faut ne pas oublier que les Indiens ne sont pas des anges, mais juste des êtres humains qui ont subi un génocide et subissent encore la loi du plus fort. Parfois la plume trempée dans le vitriol s'avère nécessaire lorsqu'il s'agit de rayer les mensonges de l'histoire d'une nation.

A lire également du même auteur l'excellent Indian Blues.

Incompréhension totale...

4 étoiles

Critique de Bouing_bouing (Rennes, Inscrit le 6 septembre 2004, 48 ans) - 30 novembre 2004

J'ai beaucoup de mal à comprendre le monde décrit par S. Alexie, ce communautarisme extrémiste, ce racisme anti-blanc, même chez les indiens dit "ouverts", ces blancs, soit racistes, soit condescendants à l'extrême et de ce point de vue, le personnage de Wilson est plus que caricatural, ridicule. Ces caricatures de psychologies ont le don d'énerver et de gâcher l'intrigue qui ne préoccupe pas l'auteur plus que ça de toute façon...

un indien dans la ville

8 étoiles

Critique de Eireann 32 (Lorient, Inscrit le 7 novembre 2004, 76 ans) - 24 novembre 2004

Un livre policier dans la culture urbaine amérindienne ne doit pas courir les rues. John, indien enlevé à sa naissance, est élevé par une famille blanche et catholique. Il pose le problème de la double culture. Le personnage du professeur (blanc) de culture indienne qui se veut le guide culturel est caricatural et d'une certaine condescendance. Le personnage de l'écrivain, qui lui aussi se dit indien, semble bien loin de la vie ordinaire des minorités.
Seule Marie, jeune indienne militante et sincère, est en harmonie avec sa condition.
L'intrigue est bien soutenue et la description de la ville de Seattle ne donne pas réellement envie d'y vivre, avec en plus le racisme ordinaire, le passage à tabac des indiens S.D.F, la drogue et l'alcool qui ravagent les Indiens.

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