Kuessipan : La réserve innue de Uashat de Naomi Fontaine

Kuessipan : La réserve innue de Uashat de Naomi Fontaine

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 14 février 2018 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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L'Avenir des Innus

Naomi Fontaine est une Innue née en 1987 dans la réserve d’Uashat. On ne parle pas d’apartheid au Canada, mais il existe bel et bien. On confine les autochtones dans des villages amérindiens qui forment la « réserve » de ceux qui ont vécu avant l’arrivée des blancs. Pour leur dorer la pilule, les bons samaritains gouvernementaux les exemptent de payer les taxes en vigueur au pays. C’est le prix de consolation pour un peuple que l’on a tenté en vain de décimer.

L’auteure se penche sur les habitants de son village. Elle ne s’apitoie pas sur leur sort. Elle se contente de décrire, entre autres, leurs maisons par le menu détail : «Tout tient en une pièce [...] Le coin droit sert de cuisine. La lumière du jour entre par la fenêtre devant la table. Les quelques armoires du haut, grossièrement fabriquées avec des retailles de planches, contiennent du sucre, du café, du lait, de la confiture, de la mélasse, du lait Carnation, des tasses dépareillées...» Ceux qui y vivent mènent l’existence de l’immédiateté dans un désert de neige entouré de conifères pendant de longs mois. Entre une caisse de 24 (bière) et la queue frémissante du saumon, la population se laisse vivre, partagée entre l’esprit des ancêtres et les temps modernes. La transition n’est pas aisée. On comble les vides avec de la dope et du sexe. Les jeunes femmes peuvent enfanter à quinze ans alors que les hommes fuient pour chasser le caribou (renne) ou pêcher le saumon.

Ce roman, qui n’en est pas un, ne se cantonne pas chez les âmes anciennes. C’est composé de tableaux, dont celui de l’héroïne qui vacille entre les possibles. Mais elle est capable de démêler l’écheveau culturel avec lequel elle a été tricotée. Sa voix n’empruntera pas celle des lieux communs qui l’isoleraient dans des communautés asservies par les lois paternalistes de nos gouvernements (fédéral et provincial). Face au monde qui l’entoure, elle veut se donner une parole de vie pour cesser de mourir à petits feux, voire même de courir après la mort pour mettre fin au dilemme de la place des nations de souche au sein d’un pays constitué de migrants qui ont usurpé leur terre et qui ont imposé leur culture.

L’auteure restitue le malaise identitaire des autochtones qui regardent vers demain. De quoi sera-t-il fait ? Elle leur souhaite un monde nouveau où les siens pourront s’affirmer. Elle ne condamne personne. En somme, Naomi Fontaine invite tous et chacun à s’aligner sur l’avenir. C’est nouveau en littérature québécoise.

C’est une œuvre lyrique chantée par une chorale amérindienne. La voie s’élève avec force et justesse. Chacun exécute sa partition, mais on ne sait pas toujours qui chante. Si la musique est mélodieuse, il n’en reste pas moins que certains accords sont plutôt mal liés à l’ensemble de l’œuvre.

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