Les Loyautés de Delphine de Vigan
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
Moyenne des notes : (basée sur 10 avis)
Cote pondérée : (3 736ème position).
Visites : 7 300
Les loyautés
C'est un magnifique roman choral que nous propose Delphine de Vigan. Un roman à quatre voix; deux adultes et deux enfants.
Il y a Hélène (prof) meurtrie dans son enfance qui sent que quelque chose ne tourne pas rond chez Théo. Elle s'inquiète jusqu'à l'obsession.
Il y a Cécile, la mère de Matthis qui elle aussi s'interroge sur son couple, la relation avec son mari, les souffrances de sa jeunesse; un père alcoolique.
Les enfants :
- Théo qui partage son temps en garde alternée, tantôt chez son père - qui n'est plus que l'ombre de lui-même , qui ne s'assume pas, et a atteint un niveau de déchéance et de pauvreté extrême - et sa mère aveuglée par la haine contre son père.
- Matthis son ami qui lui sera loyal.
Les loyautés, que le titre est bien choisi! Difficile pour un enfant de s'exprimer, de décrire ce qui se passe. Théo veut rester loyal envers son père et sa mère. Matthis envers son ami. Cécile envers elle-même et Hélène vis-à-vis de ses élèves.
Ce livre m'a glacé les os à certains moments de la lecture, ému aux larmes, bouleversé. On le lit la gorge nouée, la tension est croissante. Les personnages sont touchants, remplis d'humanité.
Delphine de Vigan a une plume magnifique, l'angoisse monte, elle nous communique l'empathie et développe avec beaucoup de sincérité et de vérité la psychologie des personnages. Énormément de sensibilité ressentie, d'émotions.
Ce livre secoue, remue. Il parle de la maltraitance psychologique, permet de comprendre ce qu'un enfant peut ressentir suite aux attitudes des adultes, des dégâts provoqués suite à un divorce.
C'est un gros coup de coeur.
Les jolies phrases
Je les observe par la fenêtre quand ils sont dans la cour, ils forment un seul corps, farouche, une sorte de méduse qui se rétracte d'un coup lorsqu'on l'approche, puis s'étire de nouveau une fois le danger passé.
Un jour, il aimerait perdre conscience, totalement. S'enfoncer dans le tissu épais de l'ivresse, se laisser recouvrir, ensevelir, pour quelques heures ou pour toujours, il sait que cela arrive.
Théo encaisse, corps malingre criblé de mots, mais elle ne le voit pas. Les mots l'abîment, c'est un ultrason insupportable, un effet Larsen que lui seul semble entendre, une fréquence inaudible qui déchire son cerveau.
C'est étrange, d'ailleurs, cette sensation d'apaisement lorsque enfin émerge ce que l'on refusait de voir mais que l'on savait là, enseveli pas très loin, cette sensation de soulagement quand se confirme le pire.
Il voudrait attendre ce stade où le cerveau se met en veille. Cet état d'inconscience. Que cesse enfin ce bruit aigu que lui seul entend, qui surgit la nuit et parfois au milieu du jour. Pour cela, il faut quatre grammes d'alcool dans le sang.
Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu'à la mort.
Aujourd'hui je sais quelque chose que d'autres ignorent. Et je ne dois pas fermer les yeux.
Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d'autre qu'à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l'enfant que nous avons été.
Les éditions
-
Les Loyautés
de de Vigan, Delphine
J.-C. Lattès
ISBN : 9782709661584 ; EUR 17,00 ; 03/01/2018 ; 208 p. ; Broché
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Les critiques éclairs (9)
» Enregistrez-vous pour publier une critique éclair!
Secrets de famille
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 7 décembre 2021
Quant à son père, seul, au chômage, il s’enfonce dans une dépression suicidaire que même la présence de son fils n’arrive pas à enrayer.
Mais Théo se tait. Il ne dira rien, à personne ; ni à sa mère bien sûr, ni aux membres de sa famille qui s’éloignent. Il ne trahira pas son père.
Théo passe ses journées de collège avec Mathis, son meilleur ami. Mathis sent que son ami est sur une mauvaise pente "Théo boit de l’alcool comme s’il voulait en mourir."
Mais Mathis ne dit rien. Ni à ses professeurs, ni à sa mère. Il ne trahira pas son ami.
Hélène Destrée est la professeure de SVT, prof principale de la classe des deux garçons. Elle reconnaît d’emblée la souffrance de Théo. Elle pense à un enfant maltraité ; ce comportement , cette attitude, ce regard fuyant, elle les a eus aussi. Elle n’avait jamais rien dit.
Elle refuse d’abandonner Théo, en faisant une affaire personnelle, mais sans traces physiques, sans le moindre aveu ou confidence, elle est impuissante.
"Je sais que les enfants protègent leurs parents et quel pacte de silence les conduit parfois jusqu’à la mort. aujourd’hui je sais quelque chose que d’autres ignorent . Et je ne dois pas fermer les yeux."
Un court roman auquel j’ai eu du mal à adhérer dans cette succession de drames. Aucune lumière, quelques brefs petits souvenirs de bonheur lointains. Puis se posent les questions des loyautés, des trahisons. Jusqu’où peut-on aller pour protéger quelqu’un ?
Au final, un thème intéressant mais un récit un peu lourd·
Les loyautés comme un fardeau
Critique de Pierraf (Paimpol, Inscrit le 14 août 2012, 67 ans) - 10 février 2021
Je ne vois pas vraiment le rapport entre "loyautés" et cette histoire sordide.C'est étrange de représenter la loyauté comme un carcan.
Pas de question de remettre en cause la qualité de l'écriture, fluide et précise. Le roman construit sur des chapitres courts se lit vite et facilement.
Mais à quoi sert ce livre, quel en est le message ?
La sincérité disparaît-elle avec l'âge ?
Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 8 avril 2020
Les loyautés dont il est question sont bien plus bâties sur l'amitié que sur l'amour, sur le respect de l'autre. Elles prennent leurs racines dans des âmes entières, ce qui peut expliquer qu'elles se développent dans de jeunes ados pas encore imprégnés des exigences et contingences de la vie adulte. Le seul adulte qui développera ce sentiment sera celui, celle plutôt, qui est au contact de ces jeunes et qui puise dans sa propre enfance, une loyauté à l'égard de son vécu et de celui qu'elle devine chez l'un des ados.
Pour les autres adultes, les situations interpellent le lecteur.
Un roman sensible, écrit sobrement, sans effet grandiloquents, analysant finement les évolutions de ceux concernés, parfois désespéré tant les comportements des adultes sont loin de ces sentiments entiers, tant les adultes ne voient pas les souffrances morales des plus jeunes.
C'est aussi une approche de l'entrée dans les addictions.
Qu’il est difficile de s’occuper des affaires des autres !
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 5 août 2019
Évidemment, comme bien souvent dans les romans modernes écrits par une écrivaine, les femmes sont vaillantes, lucides, admirables et, comme si ça allait de soi, elles sont victimes des hommes, qui eux, sont veules, vantards, tricheurs et faux culs. Un homme, un seul, apparaît dans ce petit roman comme un type bien. Mais il a deux graves défauts : il est marié et, pas de chance, il est fidèle !
Delphine de Vigan s’est probablement incarnée dans les trois femmes du récit et avait sans doute des comptes à régler… Ça ne l’a pas empêchée d’écrire un très beau petit roman avec des personnages bien campés, une psychologie fine et une sensibilité à fleur de peau. Un petit roman qui vaut la peine d’être lu.
Meurtrissures de l'enfance
Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 1 février 2019
Comme si elle était équipée d’un sixième sens, Hélène perçoit l’invisible, l’imperceptible. Elle se doit d’alerter sa hiérarchie, ses collègues, car la menace est là.
Dans ce roman polyphonique le lecteur est ballotté au gré de la pensée de chacun, happé par des émotions aussi diverses qu’opposées. Ainsi l’histoire se construit par éclairages successifs de chapitre en chapitre, par la bouche d’Hélène, de Théo, de Mathis, de Cécile, les différents protagonistes de cette tragédie sociale.
C’est fort, émouvant, extrêmement juste, comme si l’auteure avait vécu cette pression si particulière qui est celle des enseignants confrontés à la souffrance d’enfants, à leur impuissance, à la difficulté à assister sans outrepasser, à intervenir sans trop s’immiscer, à composer avec sa conscience, à gérer les émotions et les traumatismes qui surgissent de leur propre histoire…
Maltraitance, divorce, alcoolisme, autodestruction, protection de l’enfance sont quelques-uns des thèmes qu’explore dans ce beau roman Delphine De Vigan, avec un réel talent pour exprimer la subtilité des liens qui unissent et/ou détruisent les humains.
société du XXIème siècle
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 18 juillet 2018
Hélène Destrée est professeur de collège ; elle aime ses élèves et un de ceux-ci lui cause particulièrement du souci : Théo. Il n'est pas sans problème non plus, une semaine chez un père sans emploi, l'autre chez une mère inflexible. Mais tout est gardé sous silence. Une éclaircie pour Théo ? Son copain de classe Mathis n'est pas gâté non plus ; sa mère Cécile est intriguée par l'attitude de son mari William.
De courts chapitres émaillent ce roman. La progression de l'intrigue est linéaire mais en tête de chaque chapitre apparaît le nom de l'un des personnages qui apporte son point de vue.
Les loyautés : nos ailes et nos carcans
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 28 mars 2018
Un roman en trente-trois séquences de longueur variable, chacune titrée du prénom de l'un des 4 protagonistes de la fiction. S'y entrelacent les monologues à la 1e personne d'Hélène et de Cécile, mère de Mathis, copain de Théo et des récits à la 3e personne, plus distanciés mais traduisant un regard intérieur, pour les deux garçons. Il se présente donc comme un roman choral , il est cependant écrit d'une même plume.
Chacun est porteur d'une fêlure cachée.
Pour Hélène, d'avoir été enfant battue, victime d'un père bourreau.
Pour Cécile, d'avoir été fille d'alcoolique et d'avoir découvert récemment une facette honteuse de son mari.
Pour Théo, de tenter d'échapper par l'alcool au traumatisme du divorce, à l'épuisement d'avoir à supporter une situation trop lourde .
Pour Mathis , c'est l'impossibilité de se libérer de l'emprise de Théo .
Un roman très sombre, très noir, qui ne prend tout son sens qu'à la lumière du prologue.
Les situations oppressantes où se pose le choix de la fidélité à des valeurs ou à la parole donnée sont choisies pour illustrer les définitions de la notion de loyauté présentées en préambule.
Ce ouvrage, profondément ancré dans la société de notre époque reflète des inquiétudes aussi diverses que le chômage, les dérives des roseaux sociaux et interroge le lecteur sur une variété de problèmes familiaux liés au divorce, aux conduites déviantes, aux traumatismes d'enfance .
Une chronique compatissante, un concentré de hontes et de secrets servi par une écriture vigoureuse et sans graisse, et dont l'auteur a su confier au lecteur le soin d'imaginer le dénouement.
A chacun d'y voir une issue tragique ou rassurante ...
L'attention donnée à l'autre
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 27 février 2018
Il est aussi question de ce que cache à sa femme le mari de l'enseignante.
Pour conclure, le sujet reste intéressant, mais son traitement continue de me déconcerter.
"Les Loyautés" de Delphine de Vigan : jeune à jamais
Critique de Lettres it be (, Inscrit le 7 mai 2017, 30 ans) - 26 février 2018
# La bande-annonce
Les destins croisés de quatre personnages : Théo, enfant de parents divorcés ; Mathis, son ami, qu'il entraîne sur des terrains dangereux ; Hélène, professeure de collège à l'enfance violentée, qui s'inquiète pour Théo ; Cécile, la mère de Mathis, qui voit son équilibre familial vaciller. Une exploration des loyautés qui les unissent ou les enchaînent les uns aux autres.
# L’avis de Lettres it be
Quels liens peut-on espérer trouver entre des destins qui, inexorablement, courent à leur fin ? A quel moment peut-on être unis dans la déchéance ? Ce sont, entre autres, les grandes questions posées par Delphine de Vigan dans son tout dernier livre paru chez JC Lattès. Des destinées pourtant diamétralement opposées mais que l’on va voir s’animer sous nos yeux au côté des différents personnages du récit. Des jeunes Théo et Mathis amis pour le meilleur et pour le pire, en passant par Cécile ou Hélène, Delphine de Vigan s’empare de 4 personnages bien marqués pour dérouler le fil de son histoire. Comme souvent avec la plume de l’auteure, le ton est vif, rarement alangui (une force en ce moment), il court à l’essentiel. Un essentiel peut-être trop attendu, trop prévisible malgré tout.
En arrière-plan, on pense inévitablement au Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver. Difficile en effet de ne pas se rapprocher de ce roman, et de bien d’autres encore, qui traite des difficultés de l’adolescence quand l’âge adulte sonne à la porte. Des difficultés inhérentes à chacun, causées par bien des choses et des tourments de la vie, mais qui méritent toute une attention particulière. Delphine de Vigan souligne une fois encore et cela et délivre un message universel dans sa simplicité et son intérêt.
Une fois encore, Delphine de Vigan dessine les contours de l’existence d’un jeune qui a vieilli trop vite. L’auteure choisit pour personnage central un jeune homme déjà trop âgé, déjà trop expérimenté dans les tourments que peut nous réserver la vie tout au long d’une existence. Après No et moi, on pense recroiser un personnage qui a tout l’air d’une Zazie dans le métro ou d’un Holden Caulfield de L’Attrape-cœurs. L’histoire va en ce sens en tout cas et, malgré quelques facilités dans la construction du récit, ce roman ne quitte que trop difficilement vos mains. Ca se lit vite, ça captive malgré une légèreté de fond et de forme qui ne trompe pas.
Retrouvez toute la chronique sur Lettres it be
Forums: Les Loyautés
Il n'y a pas encore de discussion autour de "Les Loyautés".