La chaleur des mammifères de Biz
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Le Printemps érable
Biz (Sébastien Fréchette) présente un quinquagénaire esquinté. C’est l’âge de l’auteur, un rappeur qui a l’air d’un baveux (provocateur) de 30 ans sur scène. À l’écouter, on est tous des abrutis ou des lézards, si l’on imite le jeu de l’auteur, qui se laissent rôtir au soleil. Ce laisser être, selon la terminologie de Heidegger, lézarde les bonnes intentions qui, forcément, manqueront d’énergie pour s’incarner. Quand nous sommes conscientisés, l’attitude apathique de nos congénères nous déprime.
C’est le cas du héros du roman, René McKay, un professeur de littérature de l’université de Montréal. Marié depuis 21 ans, il divorce de Vicky. Le temps fendille les amours les plus prometteuses. Les cœurs abandonnés en viennent à manquer de cœur à l’ouvrage. Rapidement le cynisme s’offre pour combler les vides. Quand on est un professeur, on ne voit que les carences de ses étudiants. Mais à professeur absent de cœur, étudiants manqués pour paraphraser l’équation du psychanalyste Guy Corneau.
Un rebondissement inattendu conduit en Suède le distingué professeur, célèbre jadis pour son essai sur l’importance du point virgule, qui ouvre la voie à tous les possibles. C’est mieux qu’un point final qui sonne le glas de l’énoncé. Marcel Proust en fut certes convaincu. Sa conférence à l’université de Stockholm n’a pas plus de succès que ses cours à celle de Montréal que les élèves évaluent comme ennuyeux. Mais son épiphanie s’amorce en Estonie qu’il visite pendant son périple. Il y fréquente de nombreux étudiants suédois venus s’acheter de l’alcool hors de portée de prix dans leur pays. Ce rapprochement prépare son retour à Montréal alors que la ville est plongée en pleines contestations étudiantes contre la hausse des frais de scolarité. La gratuité n’est pas répandue au Québec à tous les paliers de l’instruction.
Ce mouvement contestataire, qui eut lieu en 2012, a pris le nom de printemps érable. Devenu moins rébarbatif à l’égard des étudiants, le héros a retrouvé les mots pour dialoguer, voire se solidariser à la cause. Il perçoit chez les étudiants non seulement une opposition à l’augmentation des coûts pour suivre leurs études, mais aussi la ferme volonté d’exiger un enseignement libérateur pour tous, un enseignement qui transcende la spécificité pour déboucher sur des horizons plus vastes comme l’a souhaité Platon.
Ce roman décrit le cheminement d’un professeur menacé par les rets du cynisme. À travers lui, on découvre toute la dynamique sclérosante des universités. C’est bien, mais René Mckay renaît comme le veut son prénom à une vision très éclatée de l’instruction. Heureusement, l’auteur a su éviter le piège de l’essai romancé. Il y est parvenu grâce à son sens de la dérision. La situation conflictuelle fait sourire quand les personnages apparaissent moins avec leur grandeur d’âmes qu’avec leur petitesse, d’où les surnoms des professeurs. Il faut s’attendre à des flammèches amusantes quand la Pute rencontre Ti-Coq.
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