La partition intérieure de Réginald Gaillard

La partition intérieure de Réginald Gaillard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dixie39, le 2 février 2018 (Inscrite le 12 mars 2017, 53 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 345ème position).
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Une force vive qui brûle jusqu'à l'anéantissement...

J'ai choisi ce livre pour une seule raison : c'est que l'histoire se déroule à Courlaoux, petit village du Jura à moins de 10 kilomètres de chez moi.
Alors, quand la découverte fait place à un réel plaisir de lecture, c'est d'autant plus jouissif, que cela tient du pur hasard. Un peu comme certaines rencontres, dans la vie...
Revenons en à "la partition intérieure". L'histoire en elle-même n'a rien d'extraordinaire : un jeune prêtre parisien se voit muter dans le Jura, au milieu de paroissiens revêches dont la foi s'étiole, comme un peu partout en France dans les années 70. Il y fait la connaissance de deux personnes hors normes :
- Charlotte, la folle du village qui passe son temps à nettoyer les tombes du cimetière ;
- Jan, compositeur néerlandais, athée et bourru, venu s'enterrer à Courlaoux pour créer l'oeuvre de sa vie et peut-être fuir le monde, une femme...
Ces trois êtres vont apprendre à se découvrir, s'aimer, se respecter et respecter la croyance, la vie, la quête ultime de chacun. Sans jugement, sans violence mais dans l'acceptation de leurs différences et de leurs silences...
Réginald Gaillard nous donne à lire des personnages forts, bruts et animés d'une force vive qui les brûle jusqu'à l'anéantissement.
Le prêtre qui nous raconte leurs histoires en sera le témoin et le légataire. Contrairement à ce que laisse transparaître leur quotidien, ces deux êtres ont en eux une fougue, une exigence sur la finalité de leurs vies, d'une intensité et d'une violence rares.
Ces destins singuliers vont aspirer la vie de cet homme d'église, empli de l'importance et de la puissance de "la Parole", pendant plus de quarante ans. L'auteur nous offre un beau personnage de prêtre, comme on en voit peu, dans la littérature actuelle. Mais pour autant, je n'ai pas eu l'impression de lire un livre dont le sujet serait le catholicisme, la religion. Ces deux laissés-pour-compte sont d'une intensité subversive, et pourtant - ou justement, ce qui est mis en lumière, c'est cette ferveur, cette foi, celle qui n'a rien à faire des dogmes, qui n'a pas forcément pour objet d'adoration un fils de Dieu ou une Vierge Marie. Non. Plutôt celle qui guide une vie, qui créé, qui élève et aide à vivre... Celle qui réunit l'athée et le curé, l'idiot et l'homme de lettres, la terre et le ciel... Appelez-là comme vous voudrez, peu importe !
L'auteur est poète, et cela s'entend. Pas seulement par le style, riche et irréprochable, mais aussi et surtout par cette attention aux choses et aux gens, par cette façon de nous ouvrir à cette nature âpre et revêche qui fait la beauté du Jura.
La partition intérieure est fait de toutes "ses promesses les plus folles, des promesses d'amour et de création, que la vie tient rarement". Réginald Gaillard, tel Charlotte, "les rend au silence de la terre et du vent, pour qu'ils chantent sa douleur".

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Les éditions

  • La partition intérieure [Texte imprimé], roman Réginald Gaillard
    de Gaillard, Réginald
    Éd. du Rocher
    ISBN : 9782268092072 ; 18,50 EUR ; 01/01/2017 ; 1 vol. (255 p.) p.
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Foi et failles humaines

6 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 16 juillet 2018

Un prêtre raconte son arrivée dans le village de Courlaoux en 1969. Le Parisien qui n'a rien demandé vit un choc culturel dans ce village reculé où on ne l'attend pas. Très vite, il se noue un lien d'âme entre lui et deux de ses voisins : Charlotte, la folle et Jan, le Néerlandais musicien. La première, taiseuse et solitaire, arpente tous les jours le cimetière qu'elle entretient et où elle prie pour les défunts. (« ce que les habitants du village n’acceptaient pas, ce qu’ils ne pouvaient accepter, et donc pardonner, c’est que son esprit était autrement lié au monde : qu’elle en ait une autre connaissance qui leur échappait et suscitait en eux envie et jalousie. Ou bien l’on est dans le rang ; ou bien l’on est à la marge. Ce qu’ils ne pouvaient comprendre, c’est qu’on ne choisit pas d’être hors du rang, cela s’impose à soi, et il faut vivre avec – ce qui ne se fait pas sans douleur. ») Il décèle chez elle une foi mystique, au-delà des mots et des actes. ("Or, Charlotte, je vous le dis, je l'affirme, était de la plus haute utilité et de la plus grande efficacité qui soient, d'une utilité et d'une efficacité de même nature que celle des religieux qui consacrent leur vie à la prière et à la louange, loin du tumulte du monde, mais proches de chacun de nous. Charlotte répondait selon moi à une nécessité impérieuse qui se place en contrepoint de l'industrie productiviste de notre temps. En cela, mieux que beaucoup qui se prétendent rebelles, elle était réellement contestataire. Mais jamais le silence de la prière n'est perçu ainsi; on lui préfère de nos jours la vacuité d'un verbiage sclérosé et les gesticulations qui déplacent les problèmes sans y apporter de solutions.")
Le second tente vainement d'écrire une musique qui lui échappe. Il s'est retiré de la vie publique et a pris une retraite très anticipée de son métier de chef d'orchestre. Son exigence extrême envers lui-même et l'inatteignable perfection qu'il pressent lui fait jeter toutes ses créations. Et le désespoir l'envahit, au point qu'il se noie dans l'alcool. Il ne se console pas de la perte d'un amour et du décès de sa mère.
Pendant ce temps, notre curé vit sa petite vie tranquille (étonnant pour un curé !).
L'écriture de ce roman est très belle, et se fait poème à la fin dans une prière légèrement désespérée. Cependant, l'histoire manque d'un fil conducteur. Le lecteur peine à voir où l'auteur veut en venir. Il dépeint trois caractères qui vivent principalement chacun de leur côté. On croit qu'il va les relier davantage, mais non. Ou qu'il va se passer un événement ou l'autre, mais il ne se passe pas grand-chose. Je reste sur un goût d'inachevé. Par contre, ce roman est profondément empreint de foi de la première à la dernière ligne. J'ai été touchée par le souci et le soin des morts véhiculé par ce roman.

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