L'Art de perdre de Alice Zeniter

L'Art de perdre de Alice Zeniter

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par DE GOUGE, le 17 novembre 2017 (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (925ème position).
Visites : 5 995 

L'art de réussir !

C'est un bijou que ce livre qu'on m'a offert :
L'histoire d'une jeune femme, autonome,intellectuelle, moderne, traversée par la recherche de son propre équilibre comme tout un chacun(e), mais qui, même si ça lui est indifférent, est confrontée à sa propre histoire familiale : elle est petite-fille de Harki !
Quelle empreinte en a-t-elle gardée ? A priori, aucune. Elle a peu connu son grand-père, les échanges avec sa grand-mère sont limités : à part chaleur et tendresse, pâtisseries... la barrière de la langue est un obstacle majeur. Son père, plus français que nature, refuse de partager avec quiconque son parcours de vie.
Alors, le passé est secondaire.
Et pourtant, il y a quelque chose d'enfoui.
Le travail de Naïma- elle exerce dans une galerie d'art- va paradoxalement être le vecteur (contraint) de la recherche qu'elle va effectuer à propos de ce que vécurent les siens, sur ses origines si étonnamment opaques.
Et c'est la traversée de l'histoire familiale qui se déroule, par paliers successifs, sans pathos, sans bons ni méchants, avec une justesse de ton et un recul extraordinaires.
Naïma va rencontrer l'Algérie- plus précisément la Kabylie, élément non anodin - et les lieux où vécurent ceux qui la firent naître, reconstituer les étapes qui ont construit les réalités des siens.
Elle saura : ce ne sera pas révolutionnaire et elle n'y trouvera pas un apaisement de ses démons ! Sa vie restera compliquée comme celle de nous tous, mais au moins elle saura (elle ne nous emporte pas dans un monde Freudo-existentialiste où tout s'éclaire au nom de la découverte d'hier)
Y retournera-t-elle ? Ça n'a pas d'importance. Mais elle connait désormais ses assises et pose un regard ému et portant distancié sur un pan d'Histoire et de son histoire propre.
L'écriture est superbe : parfois hachée, parfois coulante, toujours juste !
La construction a la dose de recul et d'émotion, surtout le recul, de celle qui ne veut pas se "faire avoir" par l'émotion... Et moi, j'ai adhéré !
Un grand livre qui aurait vraiment mérité le Goncourt.
Si vous m'en croyez, lisez-le !

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Les éditions

  • L'art de perdre [Texte imprimé], roman Alice Zeniter
    de Zeniter, Alice
    Flammarion
    ISBN : 9782081395534 ; EUR 22,00 ; 16/08/2017 ; 512 p. ; Broché
  • L'art de perdre [Texte imprimé], roman Alice Zeniter
    de Zeniter, Alice
    J'ai lu / J'ai lu
    ISBN : 9782290155158 ; 8,90 € ; 30/01/2019 ; 608 p. ; Poche
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Les livres liés

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A lire !!!!!!!!!!!!

10 étoiles

Critique de Faby de Caparica (, Inscrite le 30 décembre 2017, 62 ans) - 21 février 2021

"L'art de perdre " d'Alice Zeniter (512p)
Ed. Flammarion

Bonjour les fous de lectures....
Livre lu dans le cadre de mon défi " Je lis tous les Goncourt".
Je ne découvre pas cette autrice, j'ai déjà lu plusieurs de ses écrits mais je trouve que celui-ci est de loin le plus abouti.
Naïma, l'Algérie, elle ne la connait pas.
Elle voudrait pourtant comprendre l'histoire de sa famille mais se heurte à des murs de silence.
Petit à petit, comme on détricote un pull, elle va réussir à retracer le parcours de cette famille de Harkis qui a tout abandonné d'un côté de la Méditerranée pour ne rien retrouver de l'autre.
A travers trois générations, l'autrice nous brosse un portrait de la guerre d'Algérie et du devenir de ces familles qui ont tout quitté et sont arrivées en France en espérant vivre des jours meilleurs.
Destinée tragique des ces migrants, souvent peu ou mal pris en charge, dont la vie s'enlise et se flétrit loin de leur sol natal.
Le récit se découpe en trois parties:
L'histoire de ce grand-père Harki qui s'est battu pour la France et se voit obligé de quitter son pays lors de l'indépendance.
En fuyant son pays, Ali va tout perdre, ses repères, sa magnificence et sa crédibilité auprès de ses enfants qui, eux, s’assimilent et oublient leurs origines.
L'arrivée de la famille sur le sol français, les années de galères, de déceptions. Les difficultés d'intégration. L'ainé des enfants, Hamid, qui est le trait d'union entre le monde de ses parents et la France que ceux-ci ne comprennent pas.
Et enfin la prise de conscience de Naïma, petite-fille d'Ali et fille de Hamid, sa quête pour mettre des mots sur son histoire familiale toujours tue. Son retour sur la terre de ses ancêtres.
Alice Zeniter est une excellente conteuse.
L'histoire est captivante, addictive et nous permet de mieux comprendre tout un pan de l'histoire qui relie l'Algérie à la France.
Mais au delà de la guerre d'Algérie, ce roman est avant tout un roman sur l'exil (et ses conséquences sur les générations futures), la transmission (pas toujours facile à faire), les silences , les non-dits.
Inspirée de sa propre histoire familiale, l'autrice a réussi une très belle performance.
C'est beau comme du velours ... à lire !!!!

Le destin tourmenté d'une famille harki

10 étoiles

Critique de Odile93 (Epinay sur Seine, Inscrite le 20 décembre 2004, 70 ans) - 26 octobre 2019

Ce livre relate l'itinéraire d'un harki. Au début, c'est du père dont il s'agit, Ali, qui fuit en 1962 l'Algérie avec toute sa famille. Mais comment devient-on harki? Et pourquoi préférer la France, l'occupant à son pays? Ali fait ce choix, que l'on peut comprendre quand on lit ce qu'il vit à cette époque en Kabylie, mais c'est un choix lourd de conséquences qui va entraîner sa famille en France.

Comment ces gens-là ont-ils vécu en France? Comment les enfants de ces parents harkis vont-ils ressentir la différence avec les petits Français? Comment va se créer un gouffre abyssal entre les deux générations, celle d'Ali et celle de son fils Hamid ? Une distance, d'autant plus que les enfants ont accès au français, à la lecture, au savoir. C"est la deuxième partie de ce livre où il est davantage question du fils.

Et déjà la question lancinante posée au père "mais pourquoi est-on parti en France en 1962?" Un silence de plomb, aucun mot pour se justifier, un sentiment intense de honte, l'incapacité de s'exprimer. La honte du père rejaillit sur la descendance.

Enfin, la troisième partie, c'est le retour en Algérie par la petite fille d'Ali ...

Ce récit m'a émue et passionnée, m'a fait voir que rien n'est noir, ni blanc, ce livre m'a ouvert l'esprit.

La parole est à la défense...

10 étoiles

Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 8 janvier 2019

Eblouie. Par la plume, le talent de conteuse, la sensibilité peu commune d’Alice Zeniter pour traduire l’extraordinaire complexité de la situation familiale dont hérite Naïma, petite fille de Harki, troisième génération française d’origine algérienne… Une remontée aux sources d'une histoire familiale et du récit historique français, qui nous éclaire et qui, c’est peu de le dire, apporte au lecteur une dose d’intelligence supplémentaire.
J’ai lu ce roman, moi dont le père a "fait" la guerre d'Algérie, avec une immense envie de comprendre et j’ai compris. Mission accomplie, Madame Zeniter.
Je recommande vivement la lecture de « l’art de perdre » à tous ceux qui comme moi ont envie de dépasser les clichés, qui préfèrent les camaïeux de gris au monde binaire du noir et blanc.

Déchéance et rebondissement

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 13 juin 2018

Naïma enquête sur le passé de sa famille. Son grand-père Ali, harki algérien, a dû fuir avec sa famille en 1962 vers la France pour avoir renseigné à contrecœur l'armée française pendant la guerre d'indépendance. Comme des milliers d'autres, ils se sont retrouvés parqués dans un camp, puis un taudis et enfin un HLM. Chez lui, il était l'homme riche et respecté, qui faisait travailler les autres. En France, il est l'ouvrier illettré qui n'a rien pu emporter à part ses médailles de la deuxième guerre qui ne lui servent à rien. Son fils aîné Hamid s'est muré dans un silence érigé en barrière et refuse d'évoquer son passé et l'Algérie.
Ce roman fait réfléchir sur beaucoup de thèmes : celui de l'exil est d'une totale actualité et renvoie aux milliers d'émigrés qui franchissent les frontières européennes; la peur des musulmans-terroristes; l'identité nationale; l'extrémisme religieux; la famille et ses blessures; le lien entre la langue maternelle et l'identité; le droit à la nationalité et la reconnaissance; la difficulté de se construire; les remords et les rancœurs… Bref, c'est un livre extrêmement intéressant, qui repousse les clichés et fait changer les regards loin des jugements simplistes !

Se perdre, se construire, se trouver

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 22 avril 2018

L’Algérie et la France ont partagé une histoire complexe et douloureuse, dont les termes précis n’ont pas encore été complètement assumés de chaque côté de la Méditerranée. Et dans cet imbroglio aux blessures profondes et cachées, le thème des harkis, ces algériens qui ont suppléé les forces d’occupation françaises et qui furent contraints à l’indépendance de s’exiler dans une France qui ne savait qu’en faire, ce thème donc cristallise la complexité d’un conflit aux racines et aux protagonistes multiples.

L’auteure donne corps à cet exil à travers 3 générations.
Le père d’abord, désigné malgré lui comme harki, fuit les représailles des indépendantistes vers un pays fantasmé. L’accueil dans les camps de réfugiés souligne à quel point la France n’était ni préparée ni encline à recevoir et intégrer ceux qui l’ont servie jusqu’à tout perdre. Ce patriarche respecté et fier n’est plus rien dans un monde qu’il ne comprend pas.
Puis vient le fils dont l’obsession est de réussir et de se détacher de ses racines et de son histoire qu’il ressent comme une honte, comme des chaînes.
Enfin la petite-fille dont l’héritage n’est pas clair, davantage révélé dans le regard des autres que par les silences et le déni de son père. Jusqu’au jour où elle décide d’explorer cette part d’elle-même, s’il en reste quelque chose...
La fuite, le rejet puis le déni, l’indifférence puis le besoin de comprendre. Comme un écho de la façon dont le conflit a été traité ces 50 dernières années.

La première partie montre bien que la tragédie de ces destins n’est pas forcément le fruit de choix délibérés, d’allégeance à un camp, mais plutôt de circonstances (rivalités entre familles, menaces des uns et promesses des autres, protection des siens) qui orientent malgré soi dans une direction plutôt qu’une autre. Quant aux deux autres parties elles révèlent deux façons de vivre avec le poids de son histoire.

Alice Zeniter livre avec talent une histoire personnelle mais aussi universelle, celle des déracinés. Ce sont les deux extrémités de la trajectoire familiale qui m’ont le plus intéressé. La révolte et la reconstruction du fils m’a moins touché et moins mené à réfléchir. Un roman qui mérite son prix.

Mitigé

7 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 15 avril 2018

Ce livre aborde une période noire de l'histoire de la France historiquement documentée alors qu'il est encore très tôt pour que tous les événements en soient recensés. C'est une époque qui a fait l'objet de peu de littérature et, à ce titre, le livre est bien venu, nous remettant en mémoire des moments délicats. Normalienne, Alice Zeniter retrace le parcours d'une famille d'algériens arrivés en France dans les années 1960, une part du récit étant probablement autobiographique dans lequel se mêlent des sources documentaires. Le discours est construit sur trois personnages et trois périodes: Ali le patriarche, Hamid son fils et Naîma sa petite-fille.
La partie d'Ali décrit les affres d'un algérien, soldat de l'armée française pendant la guerre de 1939-45, inscrit comme un notable dans son pays, qui ne voit pas venir la montée du nationalisme algérien et du F.L.N. Témoin d'exactions commises par celui-ci contre les algériens restés francophiles, il prend peur et fuit en France en dépit des difficultés présentée par l'administration française. A mon sens, d'ailleurs, il n'est pas un harki, comme le présentent plusieurs critiques et commentateurs. (Un harki étant un engagé dans une milice supplétive agissant en Algérie). A mon sens les différents détours de son arrivée en France sont bien décrits et ne font pas honneur à notre capacité d'accueil.
La vie de son fils Hamid est racontée avec un certain détachement, relate bien entendu des faits rencontrés par un grand nombre d'immigrés mais m'a provoqué une sorte d'ennui. Il y en avait à mon sens beaucoup à dire pour bâtir les prémices de la situation actuelle et pratiquement rien n'est présenté.
Mon intérêt est revenu avec le personnage de Naïma, jeune fille beur, intégrée dans la société française qui va aller faire un voyage de découverte dans une famille et une société algériennes qu'elle ne connaît pas et dont elle ne parle pas la langue. J'y ai retrouvé la description d'un monde peu connu qui m'a vraiment intéressé.
Au total un roman attirant malgré ses inégalités qui en rendent parfois la lecture fastidieuse.

Ali, Hamid et Naïma, trois générations qui essayent de comprendre

7 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 27 décembre 2017

Cette chronique familiale qui gravite autours d'une famille de harkis possédait tous les ingrédients pour faire un livre candidat à une récompense ou à un prix littéraire.

Celui du Goncourt des lycéens est sans doute le prix qui s’adapte le mieux à ce roman historique mais qui ne se détache pas encore assez de ce large épisode de l’histoire de France encore trop récent pour qu’on puisse en faire une analyse rationnelle expurgée des émotions et des culpabilités.

La situation est encore trop peu stable dans le monde arabe et en particulier vu contexte algérien. Aussi, beaucoup de forces politiques hexagonales sont encore trop présentes pour aider à fermer la page et à classer ce dossier qui fait encore des victimes identitaires.

Alice Zeniter rend par son style la vie des personnages plaisante à lire même si la fin du bouquin m’est apparue plus décousue.

Je recommande donc ce bon livre mais qui soufre tout de même de la comparaison avec d’autres ouvrages et auteurs qui ont écrit sur l’Algérie ; je ne cite que Jenni, Camus, Khadra ou encore Sansal qui m’ont davantage séduit que cette œuvre qui hésite entre la pédagogie et la créativité.

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