Nos richesses de Kaouther Adimi

Nos richesses de Kaouther Adimi

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Killing79, le 18 octobre 2017 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 004ème position).
Visites : 4 410 

L'édition et l'Algérie

En 1935, Edmond Charlot a vingt ans et il rentre à Alger avec une seule idée en tête, prendre exemple sur Adrienne Monnier et sa librairie parisienne. Charlot le sait, sa vocation est de choisir, d'accoucher, de choisir de jeunes écrivains de la Méditerranée, sans distinction de langue ou de religion. Placée sous l'égide de Giono, sa minuscule librairie est baptisée Les Vraies Richesses.


Mon avis: On suit l’évolution d’Edmond Charlot, un passionné de livres, qui va ouvrir sa propre librairie pour mettre en valeur les talents de la région. A travers ce destin, le lecteur entre le monde très difficile de l’édition de livres à cette époque de l’Histoire. On croise dans les ruelles d’Alger et de Paris des auteurs qui vont marquer la littérature : Albert Camus, Jean Giono…

L’auteur tente surtout de nous raconter le rapport entre l’Algérie et la France. En naviguant entre 1935 et 2017, le récit nous met en présence de tous les évènements qui ont construit cette relation si particulière. De l’Algérie française, en passant par la seconde guerre mondiale, jusqu’à la libération du pays, on mesure toute l’étendue des conséquences. On comprend alors mieux la méfiance dont font preuve les indigènes envers leurs cousins de l’autre côté de la méditerranée.

Kaouther Adimi a le mérite de nous offrir une histoire sur son pays d’origine mais sans faire de nombrilisme. Le texte est une exofiction basée sur des faits et des personnages réels et jamais l’auteur ne parle d’elle. C’est assez rare dans la production française pour être souligné et ça permet au lecteur d’aborder les situations avec une certaine subjectivité.

La plume de Kaouther Adimi est très agréable et de belle qualité. Le propos développé est intéressant, j’ai eu l’impression de découvrir une opinion sur les évènements, un peu différente de ce que j’imaginais. Seulement, je ne saurais pas dire si c’est la brièveté du roman ou les changements de points de vue ou la neutralité du narrateur qui est en cause, mais à aucun moment, je ne suis entré dans le livre. Le récit s’est déroulé sous mes yeux sans déclencher la moindre empathie, la moindre émotion. Je l’ai donc appréhendé comme un ouvrage d’Histoire, enrichissant, essentiel pour tout comprendre, mais pas assez personnifié pour vraiment me toucher. Petite déception…

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Les éditions

  • Nos richesses [Texte imprimé], roman Kaouther Adimi
    de Adimi, Kaouther
    Seuil
    ISBN : 9782021373806 ; EUR 17,00 ; 17/08/2017 ; 224 p. ; Broché
  • Nos richesses [Texte imprimé], roman Kaouther Adimi
    de Adimi, Kaouther
    Points / Points (Paris)
    ISBN : 9782757871652 ; EUR 6,60 ; 06/09/2018 ; 192 p. ; Broché
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Au 2 bis rue Charras à Alger !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 24 novembre 2018

Kaouther Adimi (1986 - ) est une écrivaine algérienne.
En 2009, elle écrit son premier roman, "L'envers des autres".
Son 3 ième roman, "Nos richesses", paraît en 2017 et reçoit le Prix Renaudot des Lycéens.

"Un jour, vous viendrez au 2 bis de la rue Hamani (ex rue Charras), n'est ce pas? "

En 1935, le jeune Edmond Charlot rêve de créer une librairie-maison d'édition à Alger.
Un lieu d'amitié pour les écrivains et les lecteurs autour des pays de la Méditerranée.
Le 3 novembre 1936, le rêve devient réalité, "Les Vraies Richesses" , minuscule local, est inauguré en grande pompe avec le soutien d'écrivains majeurs.
Camus, Giono, Vercors, Gide, St Exupéry et tant d'autres apporteront leurs contributions pour que soit reconnu à sa juste valeur ce gamin passionné par la littérature.

Un ouvrage court (176 pages) mais intense, qui traverse l'histoire de la littérature "méditerranéenne" d'avant-guerre, celle de l'Algérie (1930 -> 2017) et d'Edmond Charlot, jeune passionné qui y consacra sa vie.
Les chapitres s'intercalent, on passe des années 1930 (carnets de notes d'Edmond Charlot) à aujourd'hui (Ryad, jeune stagiaire franco-algérien chargé de vider la librairie vendue).
L'histoire des belles heures de la littérature jusqu'à son lent déclin.
" Les habitants du quartier y sont très attachés même s'ils ne la fréquentent pas"......
Tout est dit !

Un très grand moment de lecture !

Gros coup de coeur

10 étoiles

Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 25 août 2018

Une librairie-bibliothèque-maison d'édition. Alger. Un personnage, Edmond Charlot. Et au passage des rencontres avec les plus grands: Jean Grenier, Camus, Saint-Exupéry. C'est un roman que j'ai dévoré en deux jours. Et un très très gros coup de coeur. Une pépite.

Amour des livres et des mots

10 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 9 mars 2018

C'est encore d'une petite merveille dont je vais vous parler, un joli coup de coeur.

Kaouther Adimi dans ce troisième roman nous fait découvrir la vie et l'histoire d'Edmond Charlot qui en 1935, âgé à peine de vingt ans va réaliser un rêve. En effet, il trouve un petit local à Alger, rue Hamani 2 bis, à l'époque rue Charras et ouvre une librairie qui en hommage à Giono se nommera "Les vraies richesses".

De ce lieu, il veut faire un lieu de rencontres, un lieu où l'on parle des livres, un lieu dédié à l'amour de la littérature et des mots. Il ne s'arrête pas là car il devient contre vents et marées éditeur, découvreur de talent et prêteur de livres pour défendre ces mots qu'il aime tant.

C'est lui qui publiera le premier texte de son futur ami "Albert Camus".

C'est un récit passionnant qui retrace huit décennies, reprenant l'Histoire de l'Algérie, des indigents, du colonisateur qui au départ du livre fête un siècle de domination. C'est aussi l'Histoire; la guerre, la difficulté d'éditer durant la guerre à cause de la pénurie de papier, la censure, l'histoire d'un éditeur en temps de guerre en France libre durant l'occupation..

Ce récit nous fait découvrir un homme mais aussi un pays, un peuple, la réalité de la guerre, de la censure, la lutte pour trouver du papier et continuer de publier à tout prix, acte de résistance, vital.

J'ai découvert Edmond Charlot, ce dénicheur de talent : Camus, Roblès, Senac pour ne citer qu'eux, souvent débauchés par la suite par de grandes maisons d'édition.

La lutte, la difficulté de trouver de l'argent pour survivre, toujours continuer, animé par la foi de la littérature.

Un roman magnifique où l'amour des livres, des auteurs, de la littérature était vraiment l'essence même de vivre pour Edmond Charlot.

Le roman nous projette aussi aujourd'hui où Ryad arrive de Paris. Il a environ le même âge que Charlot au début de l'aventure, il arrive de France pour un "stage" pistonné par un ami de son père. Objectif : lui qui ne lit pas et ne connaît rien aux livres, vider les lieux de ce qui aujourd'hui était transformé en bibliothèque, vider les étagères, tout jeter, repeindre le local pour en faire un lieu où l'on vendra des beignets...

En arrivant sur place, il rencontrera Abdallah, le gardien des lieux qui ne sait pas lire mais veut à tout prix protéger ce patrimoine.

La construction du roman est intéressante. Ryad nous fait part de son point de vue, on fait des allers-retours dans le temps, le tout s'entremêle au journal de bord d'Edmond Charlot qui nous permet de suivre les événements chronologiquement.

J'ai dévoré cette petite merveille. La plume est fluide, c'est passionnant. Je ne connaissais pas Edmond Charlot, un éditeur passionnant, il m'a vraiment captivée.


C'est un énorme coup de coeur.

Les jolies phrases

Un homme qui lit en vaut deux mais un homme qui ne lit pas ne vaut rien.

En c'est temps de crise économique, l'Etat croit bon de vendre de tels lieux aux plus offrants. Depuis des années, il dilapide l'argent du pétrole et maintenant, les ministres crient : "c'est la crise", "nous n'avons pas le choix", "ce n'est pas grave, le peuple a besoin de pain, pas de livres, vendons les bibliothèques, les librairies. L'Etat brade la culture pour construire des mosquées à tous les coins de rue ! Il y a un temps où les livres étaient si précieux que nous les regardions avec respect, que nous les promettions aux enfants, que nous les offrions aux êtres aimés !


L'écrivain doit écrire, l'éditeur doit donner vie aux livres. je ne vois pas de limite à cette conception. La littérature est trop importante pour ne pas y consacrer tout mon corps.

C'est à dire une librairie qui vendrait du neuf et de l'ancien, ferait du prêt d'ouvrages et qui ne serait pas juste un commerce mais un lieu de rencontres et de lecture.

Mais plus nous publions de bons livres et plus la situation financière de la maison se détériore. je suis passé d'une petite maison d'édition artisanale à une entreprise submergée de commandes et ... de dettes.

Cette occupation, c'est comme une main qui nous enfonce la tête sous l'eau, un hiver sans fin.

Abdallah m'a dit un jour que les écrivains, ou du moins ce qu'ils sont capables d'imaginer, ont aidé sa fille à aller mieux.

Je trouve scandaleux et monstrueux que l'on puisse assassiner des civils, mettre des bombes sous les réverbères, tuer des femmes de ménage et des facteurs sous prétexte qu'ils sont arabes.
On sait tant de choses, ah tant de choses ! Qui a écrit les livres, qui les a édités, qui les a imprimés, qui les a vendus, qui les a apportés, qui les lira ... non, non vraiment, cela ne sera pas possible

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