Comment j'ai vidé la maison de mes parents de Lydia Flem

Comment j'ai vidé la maison de mes parents de Lydia Flem

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Clarabel, le 6 mai 2004 (Inscrite le 25 février 2004, 48 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (761ème position).
Visites : 22 023  (depuis Novembre 2007)

Apprendre à guérir de ses souvenirs

Par sa profession de psychanalyste, Lydia Flem offre un récit très étudié de sa propre expérience de deuil et du douloureux devoir d'héritage qu'il comporte : vider la maison de ses parents. Son livre est un véritable exutoire : avec des mots et une plume l'auteur va déballer son chagrin, sa douleur, sa colère et son ras-le-bol. Hériter de ses parents n'est pas chose aisée, vider la maison encore moins. "Vider, quel mot sinistre, il résonne mal, évoque immédiatement l'idée de piller une tombe, de dérober des secrets au royaume des morts, donne la sensation de ressembler à des rapaces, des détrousseurs de cadavres." L'auteur préfère ranger, trier les papiers, ouvrir des cartons, donner, vendre, jeter.
Ce texte donne toute l'ampleur de l'instant difficile qu'est "l'après-deuil". Ou comment faire la part des choses entre préserver, maintenir le souvenir, faire évoluer les objets et leur donner une seconde vie. Combien est difficile de fouiller les affaires de ses parents, de lire leurs lettres, de découvrir des secrets, de violer leur intimité. Lydia Flem ressent tous ces paradoxes et se défoule sur le papier. Elle en veut à ses parents de n'avoir pas su décider de leur vivant que faire de leur patrimoine. Et d'un autre côté elle est submergée par l'émotion et par la nostalgie renfermées dans chaque petit papier quelconque.
Entre toutes ces lignes de dépouillage, surgit la quête de la petite fille à comprendre le passé de ses parents, d'une famille revenue de déportation ou ayant péri dans les chambres à gaz. Des parents qui ont voulu oublier tout ça, ne pas en parler mais penser à l'avenir. Ils n'ont pas compris l'enfant qui s'est sentie "rempart" contre le souvenir alors qu'elle souhaitait savoir.

"Comment j'ai vidé la maison de mes parents" est un petit livre pour tous les orphelins que nous serons ou avons été. Il nous renvoie immanquablement à cet épisode difficile qu'est la perte de nos parents. Vider leur maison recèle des moments de tendresse, de nostalgie, de surprise et de tristesse. Lydia Flem nous assène quelques analyses psychologiques sur la question mais au-delà nous offre un texte simple, beau, bien écrit, sensible et touchant. Je pensais verser de chaudes larmes à sa lecture et finalement l'auteur semble avoir détourné tout larmoiement en racontant ses parents. Un passé de rescapés, des robes élégantes et uniques, une boîte remplie de serviettes en papier... "tout cet univers qu'il me fallait disperser, cet univers frémissant de nostalgie plus vaste qu'un océan à vider à la cuillère".
Le récit de Lydia Flem nous aspire et nous marque. Une telle gravité avec des mots honnêtes et simples. Miraculeusement juste.

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Les éditions

  • Comment j'ai vidé la maison de mes parents [Texte imprimé] Lydia Flem
    de Flem, Lydia
    Seuil / La Librairie du XXIe siècle
    ISBN : 9782020653817 ; 13,20 € ; 09/03/2004 ; 128 p. ; Broché
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Les livres liés

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Un beau témoignage et regard intéressant sur ces moments si particuliers

8 étoiles

Critique de Ichampas (Saint-Gille, Inscrite le 4 mars 2005, 60 ans) - 21 novembre 2020

L’auteur, psychanalyste de formation, nous livre un récit plein de justesse de ces moments particuliers, la maladie, le départ, le deuil et l’héritage d’un parent. Ce roman nous renvoie à notre propre histoire. Elle s’interroge sur ce qu’a pu être la vie de ses parents, leur histoire et nous incite à ne pas les juger.

Pour mettre des mots là où cela nous paraît impossible ... Douloureux mais nécessaire.

10 étoiles

Critique de Mandarine (, Inscrite le 2 juillet 2010, 52 ans) - 30 juin 2012

Ce livre est comme je l'ai dit "douloureux", le sujet n'est pas gai, il peut rappeler des souvenirs que l'on a mis tellement de temps à enterrer, en vain! Et cependant, Lydia Flem met des mots là où ça fait mal et dit ce que l'on n'ose pas entendre, dit ce que nous refusons de dire et écrit ce que nous ne voulons pas voir !
j'ai beaucoup aimé cette écriture, cette simplicité et ce ton direct mais toujours juste et enfin il y a un choix des mots que je trouve incroyablement réussi. Cela peut gêner, cela peut plaire, peu importe cette lecture est intéressante, nécessaire car elle laisse des traces.

Définitivement, un livre à lire tout simplement parce que c'est nécessaire...

Une grande justesse

10 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 28 octobre 2009

Si le titre de ce livre croisé un peu par hasard m'a d'abord fait penser à un livre de Christiane Collange, je me suis vite aperçue qu'on n'était pas dans le même registre.
On ne peut pas ne pas se sentir concerné, à un moment ou à un autre, par ces pages.
Un superbe récit qui légitime tous les sentiments, même ceux dont on est le moins fier, à partager avec tous ceux qui sont concernés.... et nous le sommes tous.

Comment j'ai vidé la maison de mes parents

7 étoiles

Critique de Paracelse (Paris, Inscrite le 29 avril 2005, 61 ans) - 29 avril 2005

Voici un petit livre monacal, d’une simplicité déroutante, et qui sait pourtant parler avec beaucoup de justesse et de sensibilité de la difficulté à vivre un deuil. Lydia Flem, psychanalyste et auteur à ses heures de livres sur Freud ou Casanova, raconte ainsi tout simplement ce qui se passe, ce qui se vit… quand on est amené, après un décès, à vider la maison et les affaires personnelles d’un être cher. Acte qui n’est pas anodin puisque faisant remonter à la surface non seulement le passé, mais toutes sortes d’émotions, y compris les plus ambivalentes. « L’héritage n’est pas un cadeau. Comment recevoir des choses que l’on ne vous a pas données ? »

C’est autobiographique puisqu’elle a été amenée à vider, elle, la maison de ses parents, après leur décès à plusieurs mois d’intervalle. Et pourtant, au-delà de son histoire personnelle, elle sait ramener tout cela à quelque chose d’universel, qui concerne tout un chacun ! Difficile, en effet, de ne pas se reconnaître à certaines pages… de ne pas être frappé par la justesse des sentiments complexes qui sont ici décrits sans complaisance, sentiments où se mélangent « rage, oppression, peine infinie, irréalité, révolte, remords, étrange liberté… ».

« Rien ne nous est indifférent dans la maison de nos parents ». Et le fait de toucher ces objets qui portent parfois le poids de toute une histoire, de décider d’en garder certains, d’en jeter d’autres, tous ces gestes banals et apparemment insignifiants reflètent bien des choses, sont porteurs de bien de traces inconscientes, qui se transmettent parfois de génération en génération… « Les choses ne sont pas seulement des choses, elles portent des traces humaines, elles nous prolongent. » Et ce travail de deuil, ce « travail du vide » comme dirait Freud que l’auteur cite à plusieurs reprises, ne se fait jamais simplement. Et nécessite du temps, et une lenteur qui s’accommode parfois mal avec les urgences du quotidien et de la vie qui continue, elle.

A travers son histoire, Lydia Flem parle aussi, l’air de rien, de cette deuxième génération de juifs, celle dont les parents, comme les siens, sont des anciens rescapés de camps nazis, et qui ont continué à vivre (survivre) en ne voulant surtout pas évoquer ces traumatismes terribles. Refuser de dire l’indicible, préférer se taire en pensant préserver ainsi ses enfants. Cette génération donc qui, comme elle le précise, « doit se battre pour vivre en son nom propre, pour vivre sa propre histoire… loin de leur mémoire traumatisée ». Poids du secret, des non-dits, des silences qui pèsent plus encore lors de la période de deuil, et qui remontent parfois avec une grande violence. « Ce que je savais, je ne pouvais pas le savoir, ils n’avaient pas voulu que je le sache. C’était un savoir interdit. Entaché d’horreur, de honte, de déni, un savoir saisi dans la glace, pétrifié. » L’écriture fait ainsi office de thérapie, comme le précise Primo Lévi qu’elle cite : « j’écris ce que je ne pourrais dire à personne ».

Très joli livre donc, tout à la fois grave et parfois drôle, au style épuré, porteur d’une émotion pudique et d’une beauté noire, et qui reste longtemps en mémoire. Livre aussi à offrir à un proche en période de deuil, car il exprime simplement ce qu’il est parfois très difficile à faire passer.

Les objets gardent une âme

10 étoiles

Critique de Lolita (Bormes les mimosas, Inscrite le 11 décembre 2001, 38 ans) - 25 février 2005

Bien plus qu'un livre psychologique (la profession de l'auteure aurait pu nous laisser croire qu'elle allait décortiquer avec psychologie cette étape), un véritable témoignage empreint de sensibilité. Lydia Flem se laisse aller, elle n'hésite pas à faire partager ses instants de doute, de révolte, d'angoisse et fait apparaître la mort sous un autre angle. Un très beau livre, l'écriture tel un exutoire pleine d'émotions.
Des moments délicieux : la découverte des robes, des serviettes, des souvenirs et des lettres d'Auswitch...

plus qu'un livre une psychothérapie

10 étoiles

Critique de Kiki (, Inscrite le 10 février 2005, 64 ans) - 10 février 2005

Mon médecin m'a conseillé ce livre et je peux vous dire qu'il m'a REMISE SUR PIED ! comme l'auteur je suis fille unique et tout ce qui est écrit dans ce livre sont les sentiments que j'ai ressentis le week-end dernier en vidant la maison de mes parents. Si ce livre était passé dans mes mains avant ... je n'aurais pas autant souffert, n'aurais pas eu une crise de tétanie, une migraine de folie et des crises de larmes terribles !!! faites le circuler, parlez en !!! c'est un vrai MEDICAMENT !!!

Un autre deuil

9 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 2 septembre 2004

On a beau essayer de se préparer, de se dire qu'on peut faire face, rien à faire, une disparition ne laisse jamais indemne. J'ai attendu quelques semaines avant d'entamer la lecture de ce livre de Lydia Flem. Etais-je prête à lire ce que j'avais enfoui depuis tellement longtemps?
Un deuil est un événement partagé par le plus grand nombre, tout le monde connaît ça un jour ou l’autre. La vie reprend vite le dessus, sur plan pratique s’entend. Des considérations matérielles, une certaine organisation, autant d’éléments qui peuvent parfois empêcher de penser. Ou faire l’effet inverse. Vider une maison ou des placards, c’est avoir l’impression d’être un voleur, de se servir, de briser un carcan de paix et puis cette désagréable impression de fouiller, cette peur de tomber sur des secrets. Pas facile, non vraiment pas. C’est violent, on pénètre un espace intime avec la gorge encore serrée de la disparition de personnes aimées.
Ce premier cap franchi, on se trouve face à un tas d’objets dont beaucoup n’ont pour nous aucune utilité. Si ce n’est sentimentale. Dilemme du tri, difficulté du choix, c’est rapidement intenable.

Lydia Flem raconte avec beaucoup de sensibilité et de douce impudeur la manière dont elle s’y est prise, ce qu’elle a ressenti, comment tout ça s’est déroulé. Et puis les souvenirs qu’elle a déterrés, les découvertes, l’immense bouffée d’amour qui l’a traversée quand elle a exhumé les paroles maternelles à Auschwitz ou l’emprisonnement paternel à Wülzburg. Une joie qui peu à peu peut faire passer ces désagréables impressions de viol historique.
Le parcours de Lydia Flem est beau, humain, une belle leçon de vie qui peut aider à avancer en acceptant d’enfin regarder derrière soi, en emportant avec soi tous les morts sans les enfermer dans la cage dorée des souvenirs invisibles.

Faire son deuil.

8 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 9 août 2004

Tous les parents ne laissent pas derrière eux une maison à vider mais tous laissent derrière eux leurs objets familiers, leurs souvenirs, leurs secrets…
Vider, trier, liquider, c'est une épreuve par laquelle nous devons tous passer et c'est alors que la véritable séparation commence. Faire son deuil, c'est fouiller dans l'intimité du défunt, dérober ses secrets, dévoiler ce qu'il avait toujours tenu caché. Etrange expérience, nous dit l'auteur(e), faite de consolation, de mélancolie et d'apaisement : "au-delà des larmes, c'est mesurer une dernière fois les limites de nos parents, les regarder dans leur fragilité …Ce n'étaient que de pauvres êtres humains ! …Ma mère m'a aimée à sa manière, maladroite …Il faut être décidé à tourner le couteau dans la plaie des souvenirs". Se guérit-on jamais de son enfance ?
Parfois il faudrait jeter, mais toujours on hésite : "je prenais les choses en mains, comme pour leur dire adieu, puis je les reposais, remettant à plus tard une décision difficile." Et de s'interroger : "nos parents auraient-ils approuvé nos décisions ? Ai-je respecté leurs dernières volontés ?"
Devrait-on préparer sa succession, s'interroge-elle ? Faire du rangement tant qu'il est temps ? Mais est-ce possible ? Détruire un souvenir c'est n'est pas le jeter c'est s'amputer. "Les objets ont une âme. Ils ne sont pas très différents des personnes ou des animaux".
Ca m'a fait penser à ces vieux ouvriers, le jour de leur pension, on les voit prendre leurs outils en mains, ils les regardent, ils leur parlent, ils leur disent adieu. Dans l'atelier tout le monde regarde du coin de l'oeil et personne ne rigole… Les objets ont une âme !
Une consolation pour nous, est de savoir que ce qui se transmet le plus facilement ce sont les livres. Je ne participerai jamais à ces journées où chacun est invité à abandonner un livre au hasard pour un inconnu. Je préfère penser qu'un enfant ou petit-enfant ou arrière petit-enfant réveillera un jour ces mots qui dorment dans mes livres et qu'il connaîtra à ce moment là les mêmes émotions qui furent les miennes. Ce jour là, d'où je serai, cet enfant recevra ma bénédiction !…
Je m'attendais à un récit anecdotique, mais il n'en est rien ! Comme l'a bien dit Clarabel dans sa très belle critique, ce récit nous aspire et nous marque. C'est écrit avec gravité, avec des mots honnêtes et simples, miraculeusement justes.

Hériter n'est pas un cadeau

7 étoiles

Critique de Gilou (Belgique, Inscrite le 1 juillet 2001, 76 ans) - 14 mai 2004


Voilà un petit récit qui en dit long, qui ouvre les yeux à nous les parents qui laisseront un jour aussi probablement une maison " à vider ".
Par expérience, j’ai connu aussi tous ces moments de découragement face à l’ampleur de la tâche à accomplir ; le sentiment de violer l’intimité des parents, de " recevoir ", en une fois, toutes ces choses dont on n’a que faire. Ce travail de tri et de " bazardage " a été une épreuve unique.
Quand il y a une fratrie, le partage est d’autant plus difficile. J’ai relevé un jour cette phrase (d’un inconnu…) qui parlait d’une famille : " Voyez comme ils s’entendent bien ! Oui mais… attendez, ils n’ont pas encore hérité… ".
À méditer ! Il est bon de recevoir, hériter n’est pas un cadeau.


Autant s'y préparer

7 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 7 mai 2004

Faire le deuil de nos parents est assurément une étape difficile et importante dans la vie de chacun. Surtout qu'après le deuil il faut encore assumer l'héritage, une drôle de notion d'ailleurs puisqu'un héritage n'est pas un don qu'on accepte mais bien une obligation légale.

Ce cadeau imposé (et empoisonné) qui oblige l'auteur à "vider" la maison de ses parents lui suscite quelque réflexions qui ont ceci d'intéressant qu'elles nous préparent en pensée à cette étape qui nous attend (enfin pour certains d'entre nous mais les plus âgés tireront profit du livre en pensant à ce qui attend leurs propres enfants). D'ailleurs quelqu'un n'a-t-il pas dit que l'on devient soi-même un homme le jour où on perd son père ?.

On imagine très bien devoir passer aussi par la palette de sentiments qui anime l'auteur, sentiments qui vont de la nostalgie à la rancoeur et la frustration.

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