Le Petit Caillou de la mémoire de Monique Durand

Le Petit Caillou de la mémoire de Monique Durand

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 7 avril 2017 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Une famille bretonne au Canada

Monique Durand dédie son roman à « cette race d’hommes et de femmes en bois dur qui n’existera plus, n’existe déjà plus ». Les piliers des lieux de l’homme ont été plantés par ceux qui sont morts avec leur dessein. Aujourd’hui on se détourne du passé alors qu’il a posé les jalons de tous les possibles. « Rien ne se crée », aurait dit Lavoisier en s’inspirant d’Anaxagore.

L’auteure examine à travers un immigrant breton comment naît une lignée qui trace la voie à ses descendants. Venu de Bretagne pour pêcher le long des côtes de l’ile de Terre-Neuve, un terre-novas s’établit finalement dans la zone francophone de ce territoire ayant appartenu à la Grande Bretagne jusqu’en 1949. Une terre d’exil sauvage, où la population se contente de l’essentiel. Des gens forts, vivant de la nature. La mer les alimentent, la forêt livre sa chaleur aux saisons froides, c’est-à-dire trois par année. On s’y attache jusqu’à la mort en se mesurant aux dangers de la pêche en haute mer et aux morsures de l’hiver. Autour de l’église et de la scierie des Sullivan, la vie se perpétue. Et la sage-femme voit à ce que tout se passe bien. On grandit en harmonie avec son environnement et ceux qui ont érigé un monde où les valeurs fécondent l’humanité même dans la misère.

Le roman appuie ses assises dans l’Histoire d’un pays naissant. C’est l’œuvre fondatrice de toutes ces communautés implantées le long de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, dont l’allure océane attire les baleines pour s’y reproduire. Afin d’éviter l’éparpillement, l’auteure concentre la trame sur une seule famille, témoin vivant de ce milieu boréal battant au rythme de la brise, qui a emporté d’ailleurs le grand-père parti au large pour pêcher. Sa mort n’a pas rompu le règne de la transmission. À sa suite, les siens ont emboité le pas, le pas de celui qui a quitté Saint-Suliac dans l’estuaire de la Rance pour la côte de Terre-Neuve. Sa veuve a rejoint ses enfants habitant plus en amont pour assurer la suite d’un monde que le couple avait initié. Même si la nouveauté rogne la nature de ce qui est, elle ne peut, à elle seule, entraver la course à la pérennité.

Le héros William apprend la difficulté à créer la durée. Plutôt coureur des bois que pêcheur, il fut initié dès son bas âge au monde de la nature combattu par la technologie cupide issue de la science. Il devient opérateur d’une pelle mécanique dans une mine à Schefferville. La pêche ne suffit plus à nourrir son monde. La morue a disparu sous l’action des bulldozeurs de la mer qui ont ratissé les hauts bancs. N’empêche que William garde le cap. Il sait naviguer dans l’océan de la vie. On est un bon capitaine si l’on sait aimer. C’est la clé qui transforme la vallée de larmes en terre d’espérance.

Monique Durand n’a pas fait de son œuvre une saga historique interminable. En couvrant cinq générations en 190 pages, elle réussit à merveille à circonscrire la contribution de chacun à la création d’un milieu de vie. Tout est dit avec une trame épurée qui transporte le caillou ramassé par l’ancêtre dans son village natal avant de venir au Canada. Ayant choisi un morceau de pierre détaché de la statue de la Vierge, il a cru qu’il le protégerait. Bref, la mémoire des siens a retenu le geste qui a scellé finalement le mariage de l’homme avec l’univers boréal.

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