Maria Monk de Sylvie Ouellette

Maria Monk de Sylvie Ouellette

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Libris québécis, le 31 mars 2017 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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La Lubricité du clergé

Au nombreux cas d’abus sexuels, Sylvie Ouellette ajoute le témoignage de Maria Monk (1817-1849), une religieuse de Montréal, qui aurait été victime de la lubricité du clergé. Son héroïne, née de parents écossais à Saint-Jean-sur-Richelieu, fut laissée à elle-même à la mort de son père. L’instabilité émotive qui en a découlé l’a conduite dans une maison de redressement, d’où elle s’est enfuie pour aboutir au cœur du Montréal pervers des années 1830.

Afin de se sortir d’un milieu aussi dépravé, elle s’est présentée comme postulante chez les sœurs de la Charité, qui dirigeaient l’Hôtel-Dieu, situé rue Saint-Paul à l’époque. Une fois encore, elle a fui le couvent pour échapper à l’œuvre de chair soutenue par la supérieure au bénéfice des prêtres du séminaire. Elle s’est retrouvée finalement à New York où elle fut accueillie par un couple méthodiste. Ce volet de sa vie compose la première partie du roman. Le second s’inspire d’un débat public présidé par un juge new-yorkais, mandaté pour corroborer ou réfuter les allégations de cette ex-religieuse enceinte d’un ecclésiastique. Comme il s’agit d’un scandale potentiel, l’auteure a fait preuve de circonspection. En prologue, elle se transforme même en historienne au lieu de s’en tenir à une narration romanesque inspirée des aveux de la jeune femme, qui ont été publiés en 1836 sous le titre de Awful Disclosures of Maria Monk, que d’aucuns ont taxés de fabulation.

Ce roman s’attache plutôt aux révélations qu’à l’esprit de Maria Monk, décédée dans une prison à 32 ans après avoir volé un homme à qui elle avait accordé ses faveurs sexuelles. Ce qui a ébranlé son équilibre mental est à peine effleuré de même que l’opposition farouche entre papistes et orangistes dans le contexte de la Rébellion de 1837 au Québec. Si les éléments psychologiques et politiques avaient été davantage exploités, le roman serait un bon reflet du X1Xe siècle au lieu d’être un simple support à un épisode croustillant de nos annales religieuses. Les rebondissements maintiennent l’intérêt au premier volet. Ça se gâte au second. Même s’il prend l’aspect d’une enquête judiciaire, la multiplication des informations finit par nous lasser du suspense, pourtant bien mené jusque-là. L’écriture convenable au début se gâte aussi en empruntant les caractéristiques d’un résumé qu’on a hâte de terminer.

Il reste que Sylvie Ouellette évoque avec prudence une rumeur salace, qui a davantage stigmatisé les protestants états-uniens. Même si les manquements au vœu de chasteté sont avérés, il a fallu que les tribunaux s’en mêlent pour que l’Église catholique admette ses torts. Pourtant Maître Eckart, un dominicain du Moyen Âge, dénonçait déjà les frasques de ses confrères. Avec La Religieuse, Diderot a aussi attiré l’attention sur le lesbianisme vécu dans les couvents il y a deux cents ans. Bref, ce roman destiné au grand public pourra toujours servir d’éveilleur de conscience ou de sollicitation en faveur du mariage des prêtres.

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