Dans le lit d'un rêve de Jasna Samic
Dans le lit d'un rêve de Jasna Samic
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie
Critiqué par DavidCiep, le 29 mars 2017
(Inscrit le 29 mars 2017, 36 ans)
Critiqué par DavidCiep, le 29 mars 2017
(Inscrit le 29 mars 2017, 36 ans)
La note :
Moyenne des notes : (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : (1 842ème position).
Visites : 3 649
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Cote pondérée : (1 842ème position).
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Merveilleux
Un livre magnifique pour tous les amateurs de poésie. J'ai adoré avec quelle maitrise l'écrivain joue avec les mots de la langue française. C'est un voyage spirituel et physique qui nous incite à le suivre. Je recommande vivement !
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Les éditions
-
Dans le lit d'un rêve
de Samic, Jasna
MEO
ISBN : 9782807001145 ; EUR 10,99 ; 01/03/2017 ; 224 p. ; Format Kindle
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L'éclat des ténèbres
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 24 juillet 2022
En 2016, on pouvait lire dans La Libre Belgique: "Une écrivaine de Sarajevo est dans le collimateur des nationalistes musulmans pour avoir dénoncé à quel point le voile, le hijab, se généralise dans cette ville qui était autrefois le point de rencontre des cultures, des religions et des civilisations. Le constat n’est pas nouveau, mais c’est la première fois que Jasna Samic reçoit des menaces."
Elle venait aussi de publier chez MEO un second roman, "Le givre et la cendre", constitué de journaux intimes, qui éclairait les faits en ex-Yougoslavie, au début des années 90, qui allaient bouleverser cette région européenne pour longtemps.
Ici, c’est une centaine de poèmes beaux et forts écrits en français par Jasna Samic (qui écrit en français et en bosniaque) qui font l’objet d’une publication chez le même éditeur. Des textes qui nous font voyager de Paris à Sarajevo en passant par Alexandrie, New York, Istanbul ou Namur: des villes vécues comme des amours avec pour véhicule le rêve, le souvenir, la musique… Villes et vies rendues parfois fantomatiques grâce à cette articulation au rêve et au cauchemar. Mais villes et vie d’autant plus présentes qu’elles sont enracinées, intégrées dans une vision et une histoire…
La mort et les livres y sont aussi fort présents car comment ne pas penser à la bibliothèque incendiée de Sarajevo, comme le rappelle Monique Thomassettie en préambule au recueil et à laquelle on doit le tableau figurant sur la couverture.
Dans l’ensemble court la douleur de l’exil qui s’accompagne d’un désenchantement à l’endroit des vertus humaines.
Où qu’on aille
Nous sommes des étrangers
Surtout dans notre ville natale
(…)
J’en ai assez des mortels
Seuls les dieux sont mes amoureux
Depuis bien longtemps
Ce qui assigne (résigne?) l’auteure à la feuille blanche, à un simulacre de renfermement sur son passé, pour subsister, reprendre pied et cœur, autant que pour pouvoir continuer à communiquer avec ses semblables et à agir sur le monde.
Voilà je te fais signe
D’une autre et mienne capitale :
Une feuille blanche.
Le salut n’est pas dans l’autre ici présent, mais dans le souvenir, le songe et la poésie que l’usage du monde a nourri.
J’ai quitté, Dieu sait quand,
Les mâles présomptueux
Et donné mon sein embrasé
A cet Amor
Ailé de mon rêve
En l’allaitant de mirages fleuris
La poétesse n’est pas davantage dupe de la puissance des mots.
Aucun n’a jamais éteint
L’incendie
Ni la guerre.
Le rêve constitue pour elle, avec le souvenir, un refuge, une possibilité de se ressourcer.
Depuis toujours
Le gouffre est
La seule vérité
Dans ces vers qui se présentent volontiers comme prière (« Le vers est ta prière »), elle ne cesse de questionner les couples rêve/souvenir, éternité/instant, amour/mort.
L’instant n’était-il qu’Eternité
Et l’éternité, un instant
D’autres interrogations existentielles formulées poétiquement parcourent ces vers comme : "Qu’y a-t-il de plus triste que le souvenir de la joie ?,
Comment peindre un souvenir ?, Quelle est la parole du silence ?, Comment poser un baiser sur l’Invisible visage / Et caresser un rêve ?"
Ou encore: "Le silence / est-il un signe / de la mort ou de la naissance ?"
Et on goûte ces vers remarquables de beauté et de profondeur.
On pardonne les crimes
Mais pas les rêves !
Ou bien encore ceux-ci :
Seul celui qui nous enfièvre
Nous emplit de sérénité
L’idée que les ténèbres abritent des sources de lumière irrigue tout le recueil et particulièrement la fin. Et que par-delà la lumière et les ténèbres, il y a quelque chose à atteindre.
C’est l’éclat de ténèbres qui nous lie
Cette lueur terrible de l’obscurité
Enfuie au fin fond de l’être
Où se trouve le profond miroir de la nuit
Dans un beau poème, on peut lire :
Mon nom est
Claire de Nuit
Depuis le royaume des astres
J’ensemence mon rêve
Dans un des derniers textes, elle s’adresse en ces termes à "Monsieur de mon rêve":
Je m’élancerai vers l’inconnu
En dorant de délices
Mon souvenir
Pendant que Le Mont de Vénus
Pris de l’éternel
Incendie
Jette des flammes tout autour
(…)
Le nuage est mon radeau
L’Astre de Nuit ma demeure et
L’empire des sens
Mon temple
Monsieur de mon rêve
Un corpus riche de poèmes où la douleur d’exister suscite un salut par des vers d’une lumière crépusculaire puisant leur éclat entre l’étincelle du souvenir et la flamme dansante de l’espérance.
Elle venait aussi de publier chez MEO un second roman, "Le givre et la cendre", constitué de journaux intimes, qui éclairait les faits en ex-Yougoslavie, au début des années 90, qui allaient bouleverser cette région européenne pour longtemps.
Ici, c’est une centaine de poèmes beaux et forts écrits en français par Jasna Samic (qui écrit en français et en bosniaque) qui font l’objet d’une publication chez le même éditeur. Des textes qui nous font voyager de Paris à Sarajevo en passant par Alexandrie, New York, Istanbul ou Namur: des villes vécues comme des amours avec pour véhicule le rêve, le souvenir, la musique… Villes et vies rendues parfois fantomatiques grâce à cette articulation au rêve et au cauchemar. Mais villes et vie d’autant plus présentes qu’elles sont enracinées, intégrées dans une vision et une histoire…
La mort et les livres y sont aussi fort présents car comment ne pas penser à la bibliothèque incendiée de Sarajevo, comme le rappelle Monique Thomassettie en préambule au recueil et à laquelle on doit le tableau figurant sur la couverture.
Dans l’ensemble court la douleur de l’exil qui s’accompagne d’un désenchantement à l’endroit des vertus humaines.
Où qu’on aille
Nous sommes des étrangers
Surtout dans notre ville natale
(…)
J’en ai assez des mortels
Seuls les dieux sont mes amoureux
Depuis bien longtemps
Ce qui assigne (résigne?) l’auteure à la feuille blanche, à un simulacre de renfermement sur son passé, pour subsister, reprendre pied et cœur, autant que pour pouvoir continuer à communiquer avec ses semblables et à agir sur le monde.
Voilà je te fais signe
D’une autre et mienne capitale :
Une feuille blanche.
Le salut n’est pas dans l’autre ici présent, mais dans le souvenir, le songe et la poésie que l’usage du monde a nourri.
J’ai quitté, Dieu sait quand,
Les mâles présomptueux
Et donné mon sein embrasé
A cet Amor
Ailé de mon rêve
En l’allaitant de mirages fleuris
La poétesse n’est pas davantage dupe de la puissance des mots.
Aucun n’a jamais éteint
L’incendie
Ni la guerre.
Le rêve constitue pour elle, avec le souvenir, un refuge, une possibilité de se ressourcer.
Depuis toujours
Le gouffre est
La seule vérité
Dans ces vers qui se présentent volontiers comme prière (« Le vers est ta prière »), elle ne cesse de questionner les couples rêve/souvenir, éternité/instant, amour/mort.
L’instant n’était-il qu’Eternité
Et l’éternité, un instant
D’autres interrogations existentielles formulées poétiquement parcourent ces vers comme : "Qu’y a-t-il de plus triste que le souvenir de la joie ?,
Comment peindre un souvenir ?, Quelle est la parole du silence ?, Comment poser un baiser sur l’Invisible visage / Et caresser un rêve ?"
Ou encore: "Le silence / est-il un signe / de la mort ou de la naissance ?"
Et on goûte ces vers remarquables de beauté et de profondeur.
On pardonne les crimes
Mais pas les rêves !
Ou bien encore ceux-ci :
Seul celui qui nous enfièvre
Nous emplit de sérénité
L’idée que les ténèbres abritent des sources de lumière irrigue tout le recueil et particulièrement la fin. Et que par-delà la lumière et les ténèbres, il y a quelque chose à atteindre.
C’est l’éclat de ténèbres qui nous lie
Cette lueur terrible de l’obscurité
Enfuie au fin fond de l’être
Où se trouve le profond miroir de la nuit
Dans un beau poème, on peut lire :
Mon nom est
Claire de Nuit
Depuis le royaume des astres
J’ensemence mon rêve
Dans un des derniers textes, elle s’adresse en ces termes à "Monsieur de mon rêve":
Je m’élancerai vers l’inconnu
En dorant de délices
Mon souvenir
Pendant que Le Mont de Vénus
Pris de l’éternel
Incendie
Jette des flammes tout autour
(…)
Le nuage est mon radeau
L’Astre de Nuit ma demeure et
L’empire des sens
Mon temple
Monsieur de mon rêve
Un corpus riche de poèmes où la douleur d’exister suscite un salut par des vers d’une lumière crépusculaire puisant leur éclat entre l’étincelle du souvenir et la flamme dansante de l’espérance.
Le rêve est la réalité et la réalité est un rêve
Critique de Sadzida (, Inscrite le 29 mars 2017, 75 ans) - 30 mars 2017
Jasna Samic, DANS LE LIT D’UN RÊVE, M.E.O., Bruxelles 2017
Je viens de terminer la lecture du dernier recueil de poésie de Jasna Samic, « Dans le lit d’un rêve ». J'ai pris tout mon temps, savourant presque chaque vers, revenant à certains poèmes à plusieurs reprises. Et chaque fois, il me semblait que le plaisir était encore plus grand. C’est ainsi qu’on lit toute grande poésie, me suis-je dit.
Comme nous laissent entendre les critiques élogieuses publiées jusqu’ici, la poésie de Jasna est riche à tout point de vue et je dois avouer que mes impressions sont pratiquement identiques à celles que d’autres lecteurs ont déjà décrites : oui, il s’agit là d’un « ravissement dont on aurait tort de se priver » (Daniel Bastié), oui, « c’est une joie pour tous ceux qui aiment la poésie », alors que certains poèmes font même « perler une larme aux coin de nos yeux » (Brigitte Alouqua).
Cette poésie a suscité en moi un grand plaisir et une grande joie, car elle porte des parfums des dieux et des mystères de la Grèce antique, ainsi que ceux du soufisme et du zoroastrisme. En plus, certains vers s’accompagnent merveilleusement d’une musique. Cette poésie a aussi suscité en moi une curiosité chatouillante et le désir de rafraîchir mes connaissances, de me replonger dans la richesse que les vers de Jasna nous font découvrir ou redécouvrir.
Cette poésie nous permet de nous promener autant à travers les villes aimées par Jasna qu’à travers ses rêves, qui deviennent les nôtres. Elle nous fait voir et revoir de très grands peintres et de très belles toiles, qui deviennent rêves, tout en nous faisant admirer les mêmes recoins de Paris méconnus encore des « grands vagabonds avec but ». Toutes ces beautés sont à la fois vraies et fantomatiques, alors que son fantôme, à qui Jasna dédie son Lit de rêve, est bien vivant. C’est lui qui a mû la plume de l’auteur, lui aussi qui éveille en nous tant d’émotions.
Après les continents visités, nous voici imprégnés de spleens baudelairiens et plongés dans la sensualité. À l’instar du poète des Fleurs du mal, nous sommes ivres, et la lecture de ces vers nous rende presque mystiques :
« En flânant dans un Paris désert / Tard la nuit sous les lanternes de publicités clignotantes / Où on tua plusieurs personnes / Hier / Tandis que le printemps et la verdure de la ville / Humilient ton cœur / Et cette ardente soirée d’avril / Écrase ta poitrine par une lame de souvenir / Rêvassant les yeux ouverts / Tu pensas au brûlant désir / Du poète / Et eus envie que surgisse / Comme de ses Spleens de l’obscurité et du silence / Ton amant lointain / Qu’il accoste à tes portes // Et chassant le silence de la nuit / Enflamme tes membres endormis / Par sa bouche muette remplie de jouissance / Puis grimpe tel un intrus / Sur tes trésors verrouillés / Et doucement comme un aveugle qui erre de ses doigts / Vagabond vaurien voleur / – Quand les cloches de la volupté sonnent – / Ouvre la plaie profonde / Et verse / Comme dans un précipice / Son poison magique / En toi »
Enfin, à l’instar de Jasna, pouvons-nous aussi nous demander : « Le poète soufi ne dit-il pas que le rêve est une réalité, et la réalité – un rêve ? »
Ces poèmes sont notre miroir où se reflètent aussi bien nos rêves que nos amours, nos désirs que nos errances, nos amours que nos gémissements…, bref, notre vie et la mort.
SADZIDA JERLAGIC
Je viens de terminer la lecture du dernier recueil de poésie de Jasna Samic, « Dans le lit d’un rêve ». J'ai pris tout mon temps, savourant presque chaque vers, revenant à certains poèmes à plusieurs reprises. Et chaque fois, il me semblait que le plaisir était encore plus grand. C’est ainsi qu’on lit toute grande poésie, me suis-je dit.
Comme nous laissent entendre les critiques élogieuses publiées jusqu’ici, la poésie de Jasna est riche à tout point de vue et je dois avouer que mes impressions sont pratiquement identiques à celles que d’autres lecteurs ont déjà décrites : oui, il s’agit là d’un « ravissement dont on aurait tort de se priver » (Daniel Bastié), oui, « c’est une joie pour tous ceux qui aiment la poésie », alors que certains poèmes font même « perler une larme aux coin de nos yeux » (Brigitte Alouqua).
Cette poésie a suscité en moi un grand plaisir et une grande joie, car elle porte des parfums des dieux et des mystères de la Grèce antique, ainsi que ceux du soufisme et du zoroastrisme. En plus, certains vers s’accompagnent merveilleusement d’une musique. Cette poésie a aussi suscité en moi une curiosité chatouillante et le désir de rafraîchir mes connaissances, de me replonger dans la richesse que les vers de Jasna nous font découvrir ou redécouvrir.
Cette poésie nous permet de nous promener autant à travers les villes aimées par Jasna qu’à travers ses rêves, qui deviennent les nôtres. Elle nous fait voir et revoir de très grands peintres et de très belles toiles, qui deviennent rêves, tout en nous faisant admirer les mêmes recoins de Paris méconnus encore des « grands vagabonds avec but ». Toutes ces beautés sont à la fois vraies et fantomatiques, alors que son fantôme, à qui Jasna dédie son Lit de rêve, est bien vivant. C’est lui qui a mû la plume de l’auteur, lui aussi qui éveille en nous tant d’émotions.
Après les continents visités, nous voici imprégnés de spleens baudelairiens et plongés dans la sensualité. À l’instar du poète des Fleurs du mal, nous sommes ivres, et la lecture de ces vers nous rende presque mystiques :
« En flânant dans un Paris désert / Tard la nuit sous les lanternes de publicités clignotantes / Où on tua plusieurs personnes / Hier / Tandis que le printemps et la verdure de la ville / Humilient ton cœur / Et cette ardente soirée d’avril / Écrase ta poitrine par une lame de souvenir / Rêvassant les yeux ouverts / Tu pensas au brûlant désir / Du poète / Et eus envie que surgisse / Comme de ses Spleens de l’obscurité et du silence / Ton amant lointain / Qu’il accoste à tes portes // Et chassant le silence de la nuit / Enflamme tes membres endormis / Par sa bouche muette remplie de jouissance / Puis grimpe tel un intrus / Sur tes trésors verrouillés / Et doucement comme un aveugle qui erre de ses doigts / Vagabond vaurien voleur / – Quand les cloches de la volupté sonnent – / Ouvre la plaie profonde / Et verse / Comme dans un précipice / Son poison magique / En toi »
Enfin, à l’instar de Jasna, pouvons-nous aussi nous demander : « Le poète soufi ne dit-il pas que le rêve est une réalité, et la réalité – un rêve ? »
Ces poèmes sont notre miroir où se reflètent aussi bien nos rêves que nos amours, nos désirs que nos errances, nos amours que nos gémissements…, bref, notre vie et la mort.
SADZIDA JERLAGIC
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