L'Éternité de Xavier Dupont de Ligonnès de Samuel Doux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Immersion
L'auteur s'attache à retracer le parcours du meurtrier présumé Xavier Dupont de Ligonnès: de son enfance aux derniers évènements connus - la fuite. Il nous fait entrer dans une famille particulière où la croyance en Dieu régit chaque instant du quotidien. La mère de XDL s'exprime même au nom de Dieu et annonce régulièrement les messages qu'Il lui fait parvenir. Convaincue de l'abomination de Vatican II, elle attend l'Apocalypse qui "assainira" l'Humanité et permettra à son fils d'être l'Etre supérieur vers lequel sa croyance la fait tendre. Il ne s'agit pas de folie mais de conviction enracinée, de foi intégriste. XLD mettra 35 ans avant de se poser la question de la réalité des prémonitions de sa mère, lesquelles ne se réalisent pas.Le père de XLD vit en marge de cette famille; les apparences sont sauves, c'est l'essentiel. D'ailleurs il finira par la quitter, mais sans divorcer.
XLD grandit avec la conviction d'être exceptionnel et la certitude de se réaliser professionnellement en devenant très riche. Cependant il ne fait pas d'études, il travaille peu, lance mille idées sans résultats. Mais il parvient à construire une vie de famille avec les apparences de la normalité.
Les soucis d'argent constants, les tensions d'avec sa femme - qui se pose sur des forums la question de la fiabilité de son époux - le sentiment d'échec professionnel et l'envie furieuse de maintenir une vie artificielle coûte que coûte poussent cet homme à commettre le pire. Plutôt tuer qu'avouer son impuissance à être l'homme qu'il aurait voulu être.
L'auteur a essayé de comprendre l'incompréhensible. Il nous fait partager son cheminement sans jamais valoriser son héros négatif. Il donne quelques clefs pour expliquer. Et j'ai trouvé une ressemblance frappante entre ce coupable désigné et Jean Claude Roman dont Emmanuel Carrère a fait un formidable livre. Les ressorts qui animent ces deux hommes me semblent proches sinon identiques: une vie faussée, la peur d'être découvert, le mensonge comme lien social...etc.
Les éditions
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L'Éternité de Xavier Dupont de Ligonnès
de Doux, Samuel
Julliard
ISBN : 9782260029144 ; EUR 19,00 ; 02/02/2017 ; 336 p. ; Broché
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la double vie des bons chrétiens
Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans) - 22 avril 2017
Cet ouvrage de Samuel Doux m'intéressait d'autant plus que je connais sur le bout des ongles le milieu qu'il décrit et que j'ai côtoyé son personnage principal ayant fait partie jusqu'en 1990 du même mouvement catholique traditionaliste.
J'en suis parti quand des jeunes dudit mouvement ont incendié le cinéma « Saint Michel » et surtout après avoir entendu des adultes irresponsables pousser à la violence et la haine de jeunes cerveaux malléables. L'un d'eux encourageait les adolescents à aller faire exploser des pétards dans les messes dites « progressistes », un autre donnait la recette du « cocktail molotov » dans un bulletin lu par les jeunes et s'en lavait les mains ensuite. Quand je fus au dehors, on me fit comprendre que j'avais décidé d'aller en enfer. Je sentais le soufre. J'avais bien des défauts dont celui de lire beaucoup et le moins possibles de livres pleins d'exemples moraux remarquables pour l'édification des âmes.
C'était pourtant confortable d'en être. Tant que l'on ne sortait pas des rails des opinions qui y était de mise, tant que l'on « hurlait avec les loups » même si l'on n'était pas d'accord, la vie était confortable. Le vocable « hurler avec les loups » est le terme que de Ligonnès employa me téléphonant un soir afin de « me récupérer » pour la cause. Pourquoi m'en aller ? Il n'y avait même pas besoin de réfléchir par soi-même ni de se demander comment se comporter au mieux. Tous les autres étaient dans l'erreur, nous étions les seuls à tout comprendre de ce qui menait ce monde. Les filles avaient pour la plupart le genre « cheftaine » sain et plein de santé, de bonnes joues rouges comme des pommes d'Api. Elles sentaient le savon frais et les valeurs traditionnelles. Bien entendu, ce n'était la plupart du temps qu'une façade, pas tout le temps, pas toutes mais une globalité.
Elles trouvent des dérivatifs pour se consoler, se camouflent, se révèlent parfois. Mais celles qui ont le courage d'être elles-mêmes tout simplement sont rares. On me rétorquera que ce n'est pas l'exclusivité de ce milieu mais cela ne justifie en rien quoi que ce soit.
Je pense entre autres à cette fille qui écoutait en cachette en boucle « Je suis libertine » de Mylène Farmer ce qui lui donnait l'impression d'être une disciple de Dyonisos en cachette. Elle s'inventait une vie tumultueuse après être sortie de la « Légion d'Honneur » et avoir été promise sans son consentement à un futur « cyrard » rencontré lors d'un « rallye ». Il y avait ce jeune homme tellement sensible, tellement artiste que les filles adoraient car « avec lui au moins on pouvait être ami ». Il a fini par se marier avec un des « garçons manqués » du mouvement trop heureuse de se trouver un mari bien que celui-ci n'accomplisse pas son « devoir conjugal » ce qui finit bien sûr par un divorce à l’amiable.
Dans ce milieu il n'est pas contradictoire du tout de réussir socialement et matériellement même contre les principes que l'on prétend défendre. Cette réussite est même une obligation absolue. Il suffit pour compenser de continuer à aller à la messe et de temps à un ou deux évènements traditionalistes importants. Xavier Dupont de Ligonnès était un de ces garçons modèle dans ce mouvement, superficiellement du moins comme la suite de son histoire l'a montré. Il ressemblait à ces scouts héroïques de Pierre Joubert, des jeunes hommes vigoureux adeptes des fraternités saines et viriles, étanches au doute et à tout questionnement, dociles et réputés toujours francs du collier, de bons reproducteurs de futur sauveteurs du pays en péril.
Ce qui n'empêche pas de faire de l'argent entre deux...
Dans ce milieu les horreurs on les commet à l'abri des regards, on fait comme si, on n'en parle pas, on « vit avec » quelles que soient les conséquences. De temps en temps on choisit une victime expiatoire, un « mouton noir » pour payer à sa place. Les valeurs morales ce sont pour les autres. Toujours. Avec soi-même et ses proches on a un point de vue beaucoup plus élastique.
Il est apparu très vite que Xavier Dupont de Ligonnès ne pouvait pas réussir comme cela était l'usage dans son milieu, qu'il avait sans doute d'autres aspirations personnelles soigneusement camouflées durant de nombreuses années. Il est possible que celles-ci aient été de plus en plus compliquées à cacher, qu'il préférait les assouvir plutôt que de continuer de jouer la comédie de la bonne réussite bourgeoise en demandant fréquemment de l'aide à des amis plus fortunés matériellement. Il en allait de la plus grande gloire de l'Occident chrétien. Certains de ses relations de de Ligonnès sont encore persuadés qu'il n'a tué personne, que ce n'est qu'un complot de services secrets souhaitant la perte d'une personnalité tellement ardente à défendre les valeurs comme il le fallait.
Ils préfèrent encore le mensonge au triste réel...
Récit d'une "descente aux enfers."
Critique de Palmyre (, Inscrite le 15 avril 2004, 62 ans) - 16 avril 2017
Je sors de ce "roman vrai" un peu époustouflée par l'incapacité de certaines personnes à prendre leur vie en mains mais aussi, et surtout, stupéfiée par le pouvoir de la religion!
Comment cet homme, pourtant intelligent et n'ayant pas manqué d'éducation a-t-il pu à ce point vivre la première partie de sa vie avec tant d'insouciance, empruntant par ci par là pour jouir de la vie à sa façon et puis vouloir "se ranger" avec femme, enfants etc...? Je n'arrive pas à concevoir que l'on puisse être à ce point irresponsable! Et puis cette façon de résoudre le problème par la mort de toute sa famille... J'aurais mieux compris son suicide, mais pas la mort de cinq innocents!
Bien sûr, tant que l'on ne retrouvera Xavier Dupont de Ligonnès, personne ne peut affirmer qu'il soit coupable...
J'ai beaucoup apprécié cette lecture, car quoi que l'on en pense, l'auteur nous tient en haleine jusqu'au bout.
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