Article 353 du code pénal de Tanguy Viel

Article 353 du code pénal de Tanguy Viel

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Psychééé, le 5 mars 2017 (Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (371ème position).
Visites : 6 543 

Un huis-clos remarquable

Martial Kermeur a volontairement poussé à la mer Antoine Lazenec, promoteur immobilier véreux. Arrêté par la police, l’ouvrier breton explique au juge depuis le commencement les raisons qui l’ont poussé au meurtre. On est tenté de penser que les confessions d’un criminel face à un juge pourraient être ennuyeuses et superflues mais il n’en est rien ; l’auteur parvient à nous agripper dès le début par ce récit qui retrace ses infortunes et où l’on sent la tension monter et l’étau se resserrer autour de l’accusé. Nous n’osons pas nous arrêter, à peine interrompus par quelques interpellations du juge.

Kermeur s’est d’abord fait licencier et indemniser de 400 000 francs. Il a tout investi dans les projets mirobolants de Lazenec qui n’ont jamais abouti. Il faut ajouter à cela bien d’autres malheurs qui se sont accumulés – divorce, garde de son fils, espoirs vains … - et sont beaucoup trop lourds à porter pour un seul homme. D’autant plus que Kermeur n’est pas le seul à s’être fait avoir et a souhaité par cet acte rendre justice à tous. Hormis la justice morale dont il est question ici, ce roman traite aussi de l’importance capitale pour un père de l’image qu’il renvoie à son fils : « un fils n’est pas programmé pour avoir pitié de vous ». Tanguy Viel, dans la peau de Kermeur use d’expressions tellement imagées et justes qu’on ne peut qu’adhérer à son désarroi et son impuissance.

Entre un roman noir et une peinture sociale, l’auteur réalise un véritable tour de force avec ce roman qui m’a pris aux tripes et où l’on sent l’injustice s’acharner et gagner en intensité. J’ai trouvé la fin jouissive et le roman profondément humain.

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Une providence diabolique

8 étoiles

Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 15 juin 2021

Si l’arrivée de ce promoteur véreux a pu faire dire au Maire « c’est la providence qui le met sur notre chemin », le moins que l’on puisse dire, si l’on ose cet oxymoron, c’est que cette providence fut tout à fait diabolique !
Et les mots pour le dire utilisés par Kremeur sont aussi convaincants pour le lecteur que, dans le cas présent, pour le juge.

Simplement, il convient tout de même de préciser que si ce huis-clos est remarquablement mené, l’excellente fiction ici développée sur le plan humain et psychologique, n’est pas crédible sur le plan juridique.

D’une part, l’article 353 du Code pénal n’existe pas, le texte inclus à la fin du roman rétablissant d’ailleurs l’exactitude de la référence en le rapportant au Code de procédure pénale, ce qui, il faut l’avouer, n’aurait pas constitué un titre très « vendeur » ; nous sommes au rayon des romans et non des petits codes Dalloz…

D’autre part, et surtout, comme l’explique l’auteure d’un article publié à ce sujet dans une revue spécialisée et auquel vous pouvez vous reporter si cela vous intéresse (https://actu-juridique.fr/culture/…) au stade de l’instruction, il n’appartient pas au Juge de faire entrer en ligne de compte son intime conviction et la décision qu’il prend en l’espèce constituerait une faute professionnelle.

On ne boudera pas pour autant le plaisir d’une telle lecture, sous cette petite réserve. Simple déformation professionnelle qu’on me pardonnera, j’espère...

Avis plus mitigé

6 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 5 novembre 2019

Difficile de passer après toutes ces critiques dithyrambiques, surtout lorsque l'avis est plus mitigé. Je ne reviendrais pas sur le contenu tant tout a été dit dans les critiques précédentes.
Disons que j'attendais beaucoup plus de cette lecture qui a fait l'unanimité jusqu'à présent. J'en attendais une écriture plus belle ou des personnages plus fouillés, voire une histoire plus prenante.
Bref j'envisageais un roman plus piquant. Ça manque de sel ! J'ai trouvé ce roman un peu trop mou...
L'histoire de M. Kermeur est touchante mais force est de constater que deux semaines après avoir achevé cet Article 353 du code pénal il ne m'en reste quasiment aucune trace. Ceci est assez révélateur.
Cette lecture fut tout de même assez agréable mais ne m'a pas beaucoup marqué, loin de là d'ailleurs. Dommage!

Comprendre...

10 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 9 septembre 2019

Martial Kermeur vient de tuer Antoine Lazenec.
Face au juge qui veut comprendre, il reprend le fil des événements qui l’on amené à commettre ce geste.
L’arrivée du promoteur dans la presqu’île en face de Brest, ce bout du monde souvent dans le vent et le brouillard, donne de l’espoir à tous ces hommes touchés par la fermeture de l’arsenal.
Kermeur décrit comment et pourquoi des centaines de personnes, responsables, intelligentes, finissent par se faire escroquer en toute connaissance... ou presque, se séparant des économies d’une vie. Comment un parfait inconnu, manipulateur chevronné, est capable en quelques semaines de devenir ami intime de tous.
"Mais ce que j’aurais dû penser ce soir-là, ce que j’ai appris à penser depuis, c’est que ce n’est jamais bon signe de croiser deux fois dans la même journée un gars qu’on ne connaissait pas la veille."

Il évoque de tristes souvenirs, du billet de loto qu’il n’a pas validé, au départ de sa femme, à la honte d’avoir trahi ses idéaux politiques, l’éloignement de son fils, ces douleurs qui vont le conduire au bout de 6 longues années, à tuer Lazenec.
Et ce juge d’une incroyable patience, qui veut comprendre "Kermeur, bon sang, Kermeur, mais qu’est-ce qui vous a pris ?" , le pousse dans une analyse approfondie, où il peut exprimer ses regrets devant son manque de clairvoyance.
"Le juge, il voulait que j’aille voir plus au fond, là où les choses dorment et glissent... il voulait et moi, je ne voulais pas."

Et on est forcément touché par la confession de cet homme dans un huis-clos intime.
Touché aussi par ce juge, son attention, sa volonté de comprendre, et bouleversé par l’application de l’article 353 du code pénal.
Un roman superbe d’humanité et de sensibilité.

Génial !

9 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 18 août 2019

Cela faisait longtemps que je ne lisais pas un roman aussi réussi ! J'ai été sous l'emprise du personnage-narrateur dès les premières pages du roman. Martial Kermeur confesse au juge ce qui l'a poussé à tuer un promoteur véreux. Le lecteur sent rapidement un ancrage social avec les Grands qui dévorent les Petits sans impunité. En réalité, le roman va bien au-delà et possède des qualités littéraires indéniables.

L'écriture de Tanguy Viel est ciselée. Certaines phrases sont extrêmement longues . Ainsi, le lecteur est sous la coupe du style de l'écrivain. Il ne nous laisse pas respirer et nous plonge dans la conscience de cet être sincère et authentique qui ne s'enferme pas dans le mutisme., mais qui au contraire explique ce qui l'a poussé à cet acte avec franchise et intelligence. Même si l'on n'est pas forcément sensibles aux histoires sociales appuyées, on se laisse tout de même porter par le récit. En effet, les injustices sociales, la relation père-fils, la difficulté à gravir les échelons de la société, la justice sont des thématiques qui nous concernent tous.

Le roman est très bien construit et réfléchi. Un élément en appelle un autre. La machine fonctionne. Tanguy Viel ne se contente pas de narrer une histoire simple qui pourrait s'apparenter à un fait divers, au contraire, il noue à son intrigue les problèmes personnels de son personnage et a élaboré avec précision tout un mécanisme infernal fouillé.Les allusions à certaines fables de La Fontaine donnent de la force à ce roman et permettent d'universaliser certains questionnements, l'individuel rejoint le collectif.

La relation qui unit le meurtrier et son juge est aussi très intéressante même si l'homme de loi parle peu. Ici, pas de rapports de force. Surtout un besoin de comprendre. Le narrateur est quelque peu touchant dans ses confidences et on en vient parfois à s'identifier au juge afin de porter un jugement objectif et éclairé sur ce personnage. Dans les tragédies ce sont les dieux qui tirent les ficelles de la destinée des hommes, ici c'est le déterminisme social. L'homme d'affaires broie ceux qui sont plus faibles que lui sans aucun état d'âme. L'ouvrier ne peut échapper à sa condition malgré sa loyauté.

Ce roman est fort, superbement organisé et intelligent. Tanguy Viel est un grand auteur, de ceux qui laissent une trace dans la littérature.

Court mais intense

9 étoiles

Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 18 octobre 2018

Un huis clos dans le bureau d’un juge. Un accusé, Martial qui ne nie pas avoir commis le meurtre puisqu’il s’est spontanément livré aux autorités. Un juge qui doit établir le mobile du crime et forger son intime conviction. La langue est dense, compacte avec peu de respirations, mais elle est belle et poignante, embarquant le lecteur dans un arc en ciel d’émotions, du lumineux vers le plus sombre. Dans le bureau du juge, Martial va tout dire, dépeindre dans les moindres détails, l’infamie, l’absence de scrupules et d’empathie, la naïveté, l’envie de revanche, l’espoir, puis le doute, l’angoisse, la déception, la peur, la honte. Un très beau texte.

Le Corbeau et le Renard !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 4 septembre 2017

Tanguy Viel (1973- ) est un écrivain français.
"Article 353 du Code pénal" paraît en 2017 et reçoit le Grand prix RTL-Lire.

Un roman qui s'ouvre sur un acte fou; celui d'un homme -Martial Kermeur- qui jette à la mer, par dessus bord, le promoteur immobilier Antoine Lazennec.
Peu de temps après, il est arrêté et déféré devant un jeune juge d'instruction à qui il va raconter son histoire.
Quand Antoine Lazennec, promoteur immobilier hâbleur, débarque dans la presqu'île en face de Brest, il est accueilli comme le messie.
Parce qu'il affirme haut et fort que ce village a du potentiel et qu'il va créer de toutes pièces un complexe immobilier, une station balnéaire dans la rade de Brest; le maire et ses administrés n'en croient pas leurs yeux.
Un homme qui roule en Porsche 911 et qui navigue sur un Merry Fischer... forcément, ça brasse de l'argent, l'argent de sa réussite.
Pourquoi ne pas vouloir profiter de cette manne ? un rendement annoncé de 12%
Antoine Lazennec est très fort, liant des amitiés fabriquées, parvenant à hypnotiser un village entier.
Martial Kermeur vient de quitter l'Arsenal avec un chèque de 400 000 francs. De quoi assurer ses arrières et démarrer une 2 ième vie.
Alors, comment a-t-il pu signer un chèque de 512 000 euros à Antoine Lazennec, lui un Socialiste de 1981 ?
Le programme immobilier n'avance pas. Les mois, les années passent et rien n'avance.
La vie de Kermeur se délite, sa femme le quitte, son fils Erwan s'imprègne du mal être de son père, la honte et les silences coupables détruisent les hommes.
"On prend des coups et on est plus lucide ! "

Un roman original où l'auteur ne s'attarde pas sur le coupable et la victime.
L'intérêt du livre est ailleurs.
Pourquoi un homme équilibré, père de famille, peut-il en arriver à cette extrémité ?
Peut-on comprendre, excuser l'acte au vu des faits ?
Fouler aux pieds l'Humanité ne mérite-il pas la sanction ultime ?
Une oeuvre forte, pudique et tellement humaine .
Un excellent moment de lecture.

Psaume 353 du désespoir.

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 17 août 2017

Il est de ces livres qui inspirent un profond dégoût, d’autres qui réconcilient avec la vie et parfois, très rarement des œuvres qui parviennent à faire les deux en même temps. C’est le cas de « Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel.
Antoine Lazenec s’est fait proprement piller toutes ses économies. Il n’est pas le seul, dans sa ville ils sont des dizaines à s’être fait berner par un promoteur véreux, un bonimenteur, un grand faiseur qui vous ferait croire que la lune est carrée. En lisant, on souffre avec ses victimes.
Mais je n’en dis pas plus… une jolie intrigue attend le lecteur.

Les éditions de minuit m’ont souvent réservé des surprises. Quand j’étais adolescent j’avais lu « En attendant Godot » publié par cette maison qui privilégie la qualité et depuis, bizarrement j’ai toujours eu du mal à accrocher avec ses publications. Ouf ! La malédiction qui durait depuis plus de 40 ans est enfin rompue.
Je peux le dire : j’ai beaucoup aimé ce délicat roman.

Le juge et l'assassin

9 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 8 juin 2017

Dans le huis clos du bureau du juge, Kermeur remonte aux origines du crime qu'il assume pleinement : celui du meurtre d' Antoine Lazenec, ce promoteur indélicat et véreux qui l'a spolié .

C'est une longue confession, qu'interrompt rarement le juge, dans laquelle Kermeur retrace d'en bas, à hauteur de misère, 15 ans de sa vie de de brave homme modeste qui a échoué dans la vie et qui se retrouve l'une des nombreuses victimes de l'homme « Providence » qui se promettait de faire d'une petite commune une station balnéaire prospère grâce à des projets immobiliers ambitieux et coûteux .

A la perte de sa prime de licenciement dédiée à l'achat d'un futur appartement s'ajoute, pour Kermeur, la honte, d'avoir investi , lui, le « vieux socialiste », dans l'immobilier et cru aux promesses d'un escroc beau parleur .

Kermeur lâche la bonde à tout ce qu'il rumine en lui depuis des années ,  
C'est une sorte de logorrhée émouvante , celle d'un homme qui a multiplié les échecs, « une cascade de catastrophes qui a l'air de m'être tombée dessus sans relâche, » et qui entraîné par un concours de circonstances inattendu commet en toute conscience l'irréparable . « comme des dominos que j'aurais installés moi-même patiemment pendant des années , et qui s'affaisseraient les uns sur les autres sans crier gare » .

La vie ne l'a guère habitué à s'exprimer ou s'expliquer. « Mais alors laissez-moi la raconter comme je veux, qu'elle soit comme une rivière sauvage qui sort quelquefois de son lit, parce que je n'ai pas comme vous l'attirail du savoir ni des lois »

Son discours est celui du langage oral , au rythme syntaxique imprévu, avec des retours , des parenthèses , des reprises ; le rythme du'un cœur agité , d'un esprit qui se libère .

Un roman au ton juste, touchant . celui d'un homme éclaboussé par la vie qui un jour a perdu pied «  sous mes fenêtres sont arrivés plus d'éclats peut-être que chez les autres citoyens, comme des brisures de verre qu'une sorte de vent local aurait soulevées et déposées plus souvent vers chez moi, comme à certains on dépose un nourrisson »

Roman social à la lisière du polar

10 étoiles

Critique de Sallyrose (, Inscrite le 15 mai 2017, 54 ans) - 16 mai 2017

Ce roman est un huis-clos.
Martial est dans le bureau du juge. Il a tué un homme. Il raconte les racines de son geste.
Bien que huis-clos, ce roman est un long monologue qui nous entraîne sur les côtes austères et pluvieuses de la rade de Brest.
Martial a vu sa vie basculer à sa perte d'emploi. Il va être victime de la cupidité et du mépris d'un homme qui incarne le capitalisme, l'exploitation humaine au profit du gain.
Tanguy Viel nous livre ici un roman social à la frontière du roman noir car si l'on sait dès le début qu'il y a un mort, la route est longue mais passionnante sur les aléas qui l'ont conduit à ce geste irrémédiable.
Le style est superbe, tellement du reste que parfois il n'est pas crédible avec le niveau d'éducation du narrateur. Tant pis, le lecteur se régale.
La fin est saisissante.
J'ai beaucoup aimé ce roman qui donne la parole à un homme qui ressemble à tant d'autres et démontre que la violence n'a parfois d'égal que le désespoir.

Coup de coeur

10 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 7 mai 2017

Coup de coeur en puissance. Ce livre est génial.

Martial Kermeur vient d'être arrêté par la police pour avoir jeté à la mer un promoteur immobilier, Antoine Lanzac. Le juge écoute attentivement son parcours.

Comment Kermeur en est-il arrivé là ?

C'est à la première personne qu'il racontera sa vie au juge.

Tout commence environ sept années plus tôt. Nous sommes dans une presqu'île de la région de Brest. Kermeur est conseiller communal socialiste et il vient de se faire licencier de l'arsenal en empochant une prime équivalente à un achat immobilier ou à un bateau. Sa femme France l'a quitté et il vit avec son fils Erwan âgé de dix ans à l'époque. Le maire lui proposera de le loger dans une petite maison vide attenante au parc du "Château" appartenant à la commune. En contrepartie, il entretiendra la propriété.

Arrive Lanzenac avec un projet immobilier; une station balnéaire. Le projet sera voté, le "château" sera détruit pour permettre le développement économique de la région. Lanzenac joue le grand prince, toute la région y croit.

Socialiste d'origine et de conviction, il est impensable pour Kermeur à l'époque d'investir sa prime dans de l'immobilier, il succombera pourtant à un appartement trois chambres avec vue sur mer. Cependant l'appartement tarde à sortir de terre.

Un roman magnifiquement construit qui décortique les tréfonds de l'humain. Manipulation, à la recherche de la faille de l'humain. Une plume dynamique, agréable. La tension monte progressivement au fil du récit. Il y décrit la noirceur de l'être et ce jusqu'à l'impensable.

Au plus profond de l'âme humaine.

Je l'ai lu d'une traite, retenant mon souffle à l'approche du dénouement final. Excellent roman. Un très grand livre couronné par le Grand Prix Lire de RTL.


Un gros coup de ♥


Les jolies phrases

On aurait dit qu'on le regardait en souriant piétiner nos plates-bandes, ces mêmes plates-bandes où nous tous on avait cultivé nos vies sans même connaître son existence, et où c'est sûr qu'on n'avait pas besoin d'engrais pour que ça pousse plus vite.

Et maintenant je dis : si on pouvait seulement entrevoir le démon dans le coeur des gens, si on pouvait seulement voir ça au lieu d'une peau bien lisse et souriante, cela se saurait n'est-ce pas ?

Peut-être que c'est Le Goff qui avait raison, que j'étais trop isolé ces derniers temps, alors le premier qui s'approche et rompt la solitude, on s'en fiche de savoir qui c'est, pourvu que tout s'engouffre et s'encastre en vous comme une pièce de puzzle que vous auriez découpée exprès pour qu'elle épouse les contours de votre âme. Voilà. C'est peut-être ça, la principale chose que j'ai apprise ces dix dernières années : qu'on finit toujours par aimer qui nous aime.

Ce soir j'ai eu le sentiment que tout s'enveloppait d'un seul mouvement, comme un tissu très serré dont on ne verrait plus les mailles, à cause de la façon dont ses paroles ont fini par sédimenter comme des alluvions au fond d'un fleuve.

J'ai refait cent fois le chemin dans ma tête, je vous jure que j'ai cherché quand les choses avaient basculé entre lui et moi et tout ce que j'ai trouvé six ans plus tard, là, devant vous, j'ai dit au juge, tout ce que j'ai trouvé, c'est d'ajouter "pour ainsi dire". Parce que c'est un problème insoluble, de savoir quand quelqu'un comme lui s'approche de vous, de savoir à quel instant la piqûre a eu lieu.

C'est comme si le capitaine qui était censé habiter avec moi dans mon cerveau, c'est comme s'il avait déserté le navire avant même le début du naufrage. Et peut-être d'un lointain rocher, les yeux hagards, le capitaine qui a habité mon corps pendant plus de cinquante ans sans jamais trébucher, d'un coup il s'est éclipsé et alors, depuis la rive, il a regardé le bâtiment sombrer.

C'est vrai, il a bien fallu que tout tombe en même temps, vu que dans la vie si on regarde bien, tout converge en quelques points et puis le reste du temps rien, ou plutôt si, le reste du temps on paye les pots cassés.

Je sais que tu n'achèteras rien, je sais que tu n'as jamais su prendre une décision, mais n'oublie seulement pas qu'un jour il y en a une qui saura en prendre pour toi, de décisions, et celle-là, elle ne te demandera pas ton avis.

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