Antifragile: Les bienfaits du désordre de Nassim Nicholas Taleb

Antifragile: Les bienfaits du désordre de Nassim Nicholas Taleb
(Antifragile : things that gain from disorder)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Colen8, le 25 février 2017 (Inscrite le 9 décembre 2014, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Philosophie soustractive, « moins, c’est plus »

Annoncée dans une longue note à la fin de « Le Cygne Noir (1)», la fragilité est le thème auquel Nassim Taleb consacre sa réflexion depuis les années où il s’est reconverti à la carrière d’enseignant universitaire et de chercheur. Son néologisme anti-fragile traduit la force induite sur un organisme ou système soumis à des stress légers et fréquents qui l’ébranlent sans le démolir. « Je plie mais ne rompt pas » dit le roseau de la Fontaine, anti-fragile dans la tempête qui met à terre le grand chêne plein d’arrogance. L’anti-fragilité n’est ni la résilience chère aux psychologues, ni l’hormèse dans la santé à côté de la vaccination, ni le procédé de trempe en métallurgie, ni la robustesse en général.
A partir d’observations sur le risque en avenir incertain Nassim Taleb développe l’idée que les séries de fautes légères aux conséquences mineures renforcent la faculté de surmonter des crises plus graves, plus rares donc moins prévisibles en dépit de tous les modèles les plus sophistiqués qui soient. Ce que bon sens et sagesse populaire ont enregistré intuitivement depuis des lustres, lui ont permis d’identifier l’asymétrie de l’enjeu bénéfice-risque afin de favoriser la prise de décision même dans un contexte mal connu. Le doute raisonné lui apparait préférable à la rationalité cartésienne, à la fausse certitude des modèles déterministes construits sur des données passées.
Qu’on ne s’y trompe pas, l’anti-fragilité fonctionne très bien pour tout le monde sans avoir besoin de comprendre les mathématiques décrivant les interactions et interdépendances non linéaires propres aux phénomènes complexes qui en sont le fondement. En même temps c’est une notion relative qui fait aussi intervenir celle de volatilité. Elle s’exprimera d’autant mieux qu’on privilégiera le « moins » sur le « plus », un objectif plus frugal et plus simple autorisant quelques excès, à la goinfrerie de la consommation tous azimuts. Certaines évidences sont trompeuses. Penser que le savoir, la connaissance, l’enseignement, la recherche créent la richesse et la croissance n’a pas été démontré. Et si justement c’était l’inverse… Le laissez-faire en attendant que les choses se remettent d’elles-mêmes en place sera une marque anti-fragile plus souvent que de vouloir naïvement imposer un remède pire que le mal, communément désigné sous le terme d’iatrogenèse. Eviter de s’enfermer dans une impasse, se réserver des issues de secours quelles que soient les circonstances sont des voies anti-fragiles.
Nassim Taleb juge sévèrement les pontes et experts en tous genres vivant grassement de rentes de situations, les théoriciens surdiplômés des plus grandes universités complètement éloignés du terrain, ceux qui savent si bien s’attribuer les mérites de résultats auxquels ils n’ont guère contribué et laisser aux autres la facture de leurs erreurs les plus flagrantes. Les structures ou organisations qu’il considère fragiles à l’excès se délectent de la course au gigantisme ou bien finissent par sombrer sous leur poids ou leur rigidité. C’est le cas des banques et institutions financières, des bureaucraties qui se répandent partout où elles le peuvent. Il leur préfère les débrouillards devenus anti-fragiles par la force des choses, les indépendants, artisans, autodidactes, entrepreneurs ceux qui aiment affronter le risque et le désordre, qui savent grâce à ça réagir aux imprévus, se réorienter, apprendre de l’expérience y compris de leurs propres erreurs en restant soucieux d’éthique.
En amateur du chaos et de la complexité, Nassim Taleb développe ses idées sous une forme volontairement confuse, embrouillée mais vivante, emprunte de railleries, à l’opposé du politiquement correct, mêlant anecdotes personnelles, références à la philosophie antique gréco-romaine, exemples de la vie réelle en médecine ou en économie, expériences de son ancien métier de trader et de ses activités présentes proches du milieu universitaire. Néanmoins on aurait aimé de la part d’un esprit si cultivé épris d’humanisme, se revendiquant du stoïcisme, une écriture plus travaillée. Celle-ci aurait sans doute bénéficié à la traduction et à la relecture laissant elles aussi à désirer. Heureusement on comprend plus vite et mieux en s'aidant des figures, graphiques et commentaires de l'annexe technique.
(1) Traduction 2012 de la réédition de 2010, l’édition originale ayant paru en 2007

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