Ecoute le chant du vent suivi de Flipper, 1973 de Haruki Murakami

Ecoute le chant du vent suivi de Flipper, 1973 de Haruki Murakami
(Kaze no uta o kike suivi de 1973 nen no pinbõru)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Septularisen, le 10 janvier 2017 (Inscrit le 7 août 2004, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 268ème position).
Visites : 5 630 

MURAKAMI AVANT… MURAKAMI!

Inédits en langue française depuis leurs parutions au japon en 1979 et 1980, voici donc enfin traduits en français, les deux premiers romans, - que l’on pourrait facilement appeler nouvelles au vue de leur longueur -, de l’écrivain japonais devenu culte!

«Écoute le chant du vent» (Kaze no uta o kike) est l’histoire d’un jeune homme, racontée à la première personne par le narrateur. On ne connaîtra jamais son nom puisque il se désigne uniquement par le pronom « Je ».

Le récit se déroule du 8 au 26 ’août 1970. Le narrateur, qui est étudiant en troisième année de biologie à l’université de Tokyo, passe ses vacances d’été dans sa petite ville natale, auprès de sa famille. C’est une toute petite ville portuaire, enchâssée entre la mer et les collines et le narrateur s’y ennuie fermement. Il passe le plus clair de son temps au «Jay’s Bar», à écluser des bières et manger des frites. Il ne discute qu’avec deux personnes, l’immigré chinois Jay propriétaire des lieux, et son ami et alter-ego le « Rat », (dont nous ne connaîtrons d’ailleurs jamais non plus le véritable nom) avec qui il passe des nuits entières à refaire le monde.

Un soir, il trouve dans les toilettes du bar une fille ivre morte et qui s’est cognée la tête en tombant. Fouillant dans son sac il trouve l’adresse de son appartement et ses clefs. Le narrateur la reconduit donc chez elle, et remarque qu’il lui manque le petit doigt d’une main. Elle devient donc «la fille au petit doigt manquant». Le protagoniste tient compagnie à la fille jusqu’à son réveil. Et bien que celle-ci ne veuille pas le croire, il lui assure qu’il ne s’est absolument rien passé entre eux.

Une relation finit malgré tout par naître entre les deux jeunes…

C’est un récit extrêmement «fragmenté», décousu, haché, avec des chapitres très courts qui peuvent parfois dérouter le lecteur, mais le style et la langue très simple, mais jamais simpliste sont déjà là!.

« Flipper, 1973 » (1973 nen no pinbõru) qu’il faut plutôt traduire par « Le flipper de 1973 ». Nous retrouvons le même narrateur, et dans la première partie, intitulée 1969-1973, il nous parle de sa vie, du petit bureau de traduction qu’il a monté avec un ami etc… Il vit à présent avec deux jumelles absolument identiques qui se sont littéralement incrustées dans son appartement. Elles ont le même visage, les mêmes cheveux et la même voix, au point que le héros ne parvient d’ailleurs pas à les discerner. Elles n'ont d'ailleurs pas de nom, et il les désigne par le No. représenté sur leur t-shirt: 208 et 209!

Il se remémore l’époque décrite dans le récit précédent, notamment quand il squattait des journées entières au «Jay’s Bar» en compagnie de son ami « le Rat ». Les deux compères jouaient sur un vieux modèle de flipper appelé le «Spaceship», qu’il retrouve par hasard à l’hiver 1970 dans une salle de jeux du quartier de Shinjuku de Tokyo. Passionné, subjugué, littéralement envoûté par ce flipper, le héros passe des journées entières à y jouer! Malheureusement pour lui, un jour le bâtiment étant promis à la démolition, la salle de jeux ferme sans prévenir, le «Spaceship» disparaît alors définitivement…

En 1973, le héros part en quête du mystérieux flipper. Il finit par rencontrer un professeur de traduction espagnole à l'université, passionné de flippers et de leur histoire. Celui-ci accepte de l'aider et d'utiliser son réseau de contacts pour essayer de retrouver le mythique flipper. La tâche s’avère ardue, seuls trois exemplaires de ce modèle ont été importés au Japon...

Ce récit est à considérer plus que comme la suite du précédent, comme son véritable pendant. D'autant plus que l'on continue, en plus de celle de notre hérons, d'y suivre l'histoire de la vie du Rat et de Jay.

Si l'on tient compte que le héros qui s'exprime à la première personne est fondamentalement le même, ces deux romans initient ce que l'on a appelé la «tétralogie du Rat», suivent "La course au mouton sauvage" et "Danse, danse, danse" (déjà critiqués sur CL). On retrouve déjà dans ces deux premiers livres (que l’auteur n’hésitera pas à qualifier d’expérimentaux), les grands thèmes chers à l’auteur japonais, et que tous ses lecteurs reconnaîtront. Citons p. ex. la quête, la disparition, la jeune fille souffrant d’un handicap, l'émergence de la société urbaine, le suicide de la jeune fille qui restera ainsi définitivement jeune, le manque de communication, l’incapacité des personnages à exprimer leurs sentiments, les émeutes des étudiants à la fin des années 60, la musique, la solitude, la mélancolie…

Que dire de plus sur le monde merveilleux de l’écrivain japonais ? Que j’ai aimé à la folie son écriture si simple et pourtant si belle ? Que j’ai, comme toujours, craqué pour ses histoires, et surtout sa façon unique de les raconter, alors qu’elles n’ont souvent « ni queue, ni tête » ? Qu'une fois encore, j’ai adoré « trainer » dans l’univers mythique et surréaliste qu’il construit livre après livre ?
Tout cela sans doute et bien plus encore sans doute aussi...

Inutile d’en dire plus, je propose à chacun de se faire sa propre idée, et je recommande particulièrement ce livre-ci, à ceux qui n’ont jamais lu des livres d'Haruki MURAKAMI, parce qu’ils ne pourront que tomber sous le charme…

Rappelons que la nouvelle «Écoute le chant du vent» a remporté au japon le prestigieux prix Gunzo en 1979.
Haruki MURAKAMI a reçu le Prix Franz Kafka (République Tchèque) en 2006 ; le Prix Jérusalem pour la liberté de l’individu dans la société (Israël) en 2009 ; le prix Littéraire du journal Die Welt (Allemagne) en 2014 et le Prix Hans Christian Andersen Literature Award (Danemark) en 2016.
Son nom a également été proposé a de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.

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8 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 8 octobre 2018

Ces deux romans ont été écrits dans les années ’70. Ils se suivent à la queue-leu-leu avec les mêmes personnages. Le narrateur est un jeune Tokyoïte, traducteur. Son pote, c’est « Le Rat », buveur de bière et amoureux. Dans l’appartement du narrateur, vivent deux jumelles, se trimbalant nues ou alors avec juste de vieux sweat-shirt sur le dos. Notre jeune homme a une obsession : les flippers, ces anciennes machines à sous, et il va trouver son bonheur.

Comme toujours avec Murakami, le lecteur trouvera également son bonheur dans la foule de références qu’elles soient littéraires ou musicales.

Extraits :

- Ceux qui ont une âme sobre ne font que des rêves sombres. Ceux qui ont encore une âme plus sombre ne rêvent pas.

- Cent ans après ma mort, plus personne ne se souviendra de mon existence.

- Moi aussi, je suis née le 10 janvier. Il paraît que ce n’est pas bon. Jésus-Christ aussi était né le même jour.

- Comparer à la complexité de l’univers, disait Harfield, notre monde est semblable à la cervelle d’un ver de terre.

- Vous n’avez pratiquement rien à gagner d’un flipper. Sauf de l’orgueil, converti en chiffres. Mais vous aurez réellement beaucoup à perdre. Toutes les pièces de monnaie avec lesquelles on aurait pu ériger les statues de chacun des présidents de l’histoire, sans compter l’énorme quantité de temps qui ne reviendra plus. Pendant que vous dilapidiez votre solitude devant un flipper, quelqu’un est peut-être en train de lire Prout. Et quelqu’un d’autre est peut-être en train de se livrer à un pelotage minutieux avec sa petite amie. Avec le temps, il se peut que le premier devienne écrivain et que les deux amants fassent un mariage heureux.

- C’était ce genre de ville. Personne ne se souvenait de quelque chose qui existait un mois plus tôt.

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