La Saga des Fiers-à-bras de Halldór Laxness
(Gerpla)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Une histoire de la violence
Thorgeir Havarson, jeune homme ombrageux de l’Islande des années mille, rêve de suivre les pas de ses ancêtres : se construire une renommée militaire, réaliser des exploits qui resteront dans les annales. Il rencontre Thormod Bessason, un poète novice du même âge qui décide de louer les hauts faits que réalisera Thorgeir. Mais ambitionner une carrière de guerrier n’est pas facile dans une société paisible et travailleuse.
Comme le suggère son titre, le roman s’inscrit fortement dans la tradition des sagas islandaises, de par l’époque à laquelle se déroule le récit (onzième siècle), l’aire culturelle nordique (surtout Islande et Norvège), et de nombreux éléments se rattachant à ce genre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Thormod Bessason, l’un des personnages principaux, est un scalde (poète islandais), chargé de transmettre les évènements et de les glorifier. La Saga des Fiers-à-bras fleure bon les légendes et les traditions, comme la capacité pour la jeune Thordis de se transformer en cygne, tandis que la deuxième partie du roman évoque plutôt une savoureuse historiographie médiévale constituées d’épisodes édifiants.
Mais rapidement on comprend que, tout en rendant certes hommage à ces récits essentiels du patrimoine islandais, Halldór Laxness en fait une parodie moqueuse, et amère. La geste héroïque de Thorgeir Havarson, chantée par son compère, s’avère être surtout constitués de larcins médiocres, relevant plus de la délinquance méchante que d’actes de bravoures. Thorgeir Havarson, qui se rêve en guerrier redoutable, est en réalité un héros à la triste figure, traînant un équipement militaire misérable, recrutant des vagabonds pour en faire son équipage, utilisant des rites à la limite de l’absurde. Il ne parviendra jamais à échapper à cette illusion.
Il me semble que c’est une histoire de la violence qu’a sans doute voulu écrire Halldór Laxness à travers les pérégrinations de tous ces fiers-à-bras. Le récit en est remplie, que ce soit la violence bête et gratuite que Thorgeir exerce sur les pêcheurs et les paysans islandais, ou bien celle des redoutables guerriers Vikings, avec notamment la figure d’Olaf le Gros, pilleur et tortureur patenté. La diffusion, dans le subconscient des jeunes gens, du fantasme romantique de la guerre, comme dans le cas de Thorgeir, bercé dans son enfance par l'exhalation des hauts faits des vikings est un véritable danger, nous prévient Halldór Laxness. À cette violence profondément ancrée dans le cœur de ces hommes, le roman oppose le pacifisme et le travail des laborieux islandais, et de leurs chefs traditionnels, qui trouvent, eux, la paix bien plus profitable que la guerre. Parmi les plus belles pages du roman on peut d’ailleurs citer celles relatives aux inuits, les « gens les plus pacifiques et les plus heureux que mentionnent les livres ».
La saga des fiers-à-bras est un livre d’une grande densité qui m’a cependant un peu moins enthousiasmé que Station Atomique, malgré sa richesse. D’abord parce que l’écriture de Laxness reproduit le style complexe des sagas, ce qui rend l’ouvrage relativement fastidieux à lire ; d’autre part parce que la structure même du récit m’a déconcerté, puisque le protagoniste principal, Thorgeir Havarson y cède rapidement le pas face à Olaf le Gros; et enfin parce que la violence, comme je l’ai dit, y est omniprésente, parfois jusqu'à l'écœurement.
Les éditions
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La saga des Fiers-à-bras [Texte imprimé], roman Halldór Kiljan Laxness traduit de l'islandais par Régis Boyer
de Halldór Laxness, Boyer, Régis (Traducteur)
Anacharsis / Collection Fictions (Toulouse)
ISBN : 9782914777766 ; EUR 21,00 ; 16/03/2011 ; 381 p. ; Broché
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