California girls de Simon Liberati

California girls de Simon Liberati

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Arts, loisir, vie pratique => Divers

Critiqué par AmauryWatremez, le 23 août 2016 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 449ème position).
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California Nightmare

Simon Libérati a ceci d'intéressant est qu'en lieu et place de se lancer dans ses romans dans une introspection complaisante de sa petite personne, une psy en direct devant tous les passants en somme, il préfère faire véritablement œuvre de littérature. Il évoque ici le crime le plus connu de la « famille » Manson commis en Août 1969, le meurtre sauvage de Sharon Tate et de ses amis par des pauvres filles et un raté au nom des délires de leur gourou. Ce massacre marqua véritablement la fin des années 60 et de leurs illusions révélant la réalité derrière les apparences et l'utopie.



Il paraît que certains critiques ont accusé l'auteur de manquer d'empathie envers ses personnages, c'est tout l'inverse. Il s'identifie à chacun d'entre eux, y compris les pires, comprenant la complexité de leur humanité. Il montre aussi qu'un assassin fanatisé n'est pas un monstre en dehors de l'espèce humaine, qu'au contraire il se situe dans la « banalité du mal ». Le pitoyable primate se traînant à la surface de cette boule de glaise étant notre maison commune est capable du meilleur, est appelé à la Beauté mais il se laisse souvent aller au pire, à l'abject, se justifiant plus ou moins laborieusement de ses appétits.



Simon Libérati décrit très habilement le processus d'embrigadement des filles et des jeunes gens composant sa « famille ». Il n'est pas le seul dans son genre, un petit criminel minable ancien proxénète et dealer reconverti dans le sectaire, une affaire beaucoup plus juteuse, mélangeant satanisme, nazisme et utopie hippie dans un curieux mélange. Comme beaucoup de minables il était convaincu que le monde entier lui était redevable à commencer par ses « disciples ». Pour montrer leur allégeance ils devaient tous offrir une somme d'argent conséquente. Manson voulait provoquer « l'Helker Skelter », l'apocalypse. Il avait cru le comprendre en écoutant la fameuse chanson de « l'album blanc » des « Beatles » persuadé que celle-ci lui était spécialement adressée....



Charles Manson avait pour lui de comprendre instinctivement le fonctionnement des groupes grâce à son passé de taulard particulièrement, d'être un manipulateur hors pair mais pas un anté-christ fascinant ainsi qu'il fût souvent montré dans les médias de l'époque et encore maintenant. Car le spectacle s'empara des meurtres, des imbéciles écrivant toutes les ignominies sur les victimes, faisant des assassins des vedettes monnayant leur témoignage.



Il jouait sur du velours selon l'expression, ses adeptes de par leur conditionnement social étaient tout prêts à le suivre aveuglément, prêts à abandonner leur conscience, leur libre-arbitre. Ils conservent d'ailleurs inconsciemment les habitudes de la petite bourgeoisie dont ils sont tous issues. Les filles demeurent des « girl scouts » dociles et enthousiastes et conformistes, dans une compétition constante entre elles pour obtenir les faveurs de leur messie de pacotille. Les garçons demeurent des « mâles alphas » un peu jaloux du « quarterback », soucieux de leurs « prouesses » sexuelles.



Et ils avaient besoin de cet enfouissement total de leur être au sein d'un « grand tout » beaucoup plus confortable, la réflexion personnelle étant trop fatigante, trop inconfortable à leurs yeux. C'est aussi parce que leurs parents ne leurs transmettaient comme valeurs très étriquées qu'un matérialisme de bas étage, une avidité à posséder des gadgets tous plus inutiles les uns que les autres mais surtout pas d'idéaux ou de culture. L'auteur du livre y perçoit de nombreux prolongements avec notre société contemporaine. Les meurtriers de Sharon Tate ne sont pas très différents des gosses fanatisés par Daech. Ils ressemblent à ces petits occidentaux perdus égorgeant, pillant violant en Irak et en Syrie.



Et eux également ne sont pas des monstres extraordinaires. Ils sont humains, victimes aussi de la vacuité des aspirations modernes.



En 2016, ce mal, comme le Mal en général, n'est toujours pas compris. Notre monde refuse son existence, ne l'admet pas, le refuse. L'admettre ce serait remettre en question l'individualisme consumériste, le besoin de satisfaire des pulsions n'ayant rien en commun avec l'hédonisme. Le Mal ne se cache pas dans l'ombre d'une caverne ou d'une grotte, il est en plein soleil, le soleil éclatant et le ciel bleu de la Californie dans le cas des tueries ordonnées par Charles Manson. Il se fit au son des « tubes » des « Beach Boys », faussement innocents et insouciants. Ceux-ci furent proches de la « famille » du gourou assassin un temps...



Ce livre est un roman noir, et une histoire vraie, comparable dans son intention au « De sang froid » de Truman Capote. Il est plus dérangeant que l'introspection de privilégiés car montrer la nature humaine dans toute sa crudité a toujours été dérangeant pour ceux préférant le confort intellectuel, les certitudes, le sentimentalisme un peu niais à la mode, les vidéos de gentil petit chaton...

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Les éditions

  • California girls [Texte imprimé]
    de Liberati, Simon
    B. Grasset / « Ceci n'est pas un fait divers » dirigée par Jérô
    ISBN : 9782246798699 ; 20,00 € ; 17/08/2016 ; 342 p. ; Broché
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Au plus près du drame

7 étoiles

Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 11 novembre 2016

Pour cette rentrée littéraire, deux livres sont consacrés à la « famille Manson ». Dans « The Girls », que j’ai particulièrement aimé, Emma Cline se cantonne à nous dépeindre l’ambiance et l’état d’esprit de l’époque, en reléguant les meurtres au second plan. Bien que le thème semble identique en apparence, l’ambition de Simon Liberati dans « California Girls » est toute autre. Il veut nous raconter le drame et uniquement le drame.

On entre d’ailleurs très rapidement dans le vif de cette version non romancée et non censurée des crimes réalisés par la famille. Tous les protagonistes sont désignés avec leurs vrais noms, tous les lieux sont réels. Tout est fait pour se rapprocher au maximum de la véracité des faits. L’auteur a dû étudier le sujet en profondeur pour retranscrire avec précision le déroulement des crimes. Chaque élément, chaque geste, est décrit avec un grand nombre de détails. Et ces détails sont vraiment déstabilisants. Toutes ces scènes sont violentes, gores et relatées avec une froideur extrême. On assiste démuni au carnage et on découvre alors l’absence d’humanité dont a fait preuve cette bande de hippies drogués à Charles Manson. Je préviens donc que toute la monstruosité est décrite sans concession et que ça peut être particulièrement choquant, alors si vous vous considérez comme une âme sensible, un bon conseil… fuyez !

Pour ma part, je crois qu’avec tout ça j’ai fait le tour de ce fait divers. Ce roman m’a apporté un complément plus chirurgical et plus pragmatique de l’affaire. Du reste, je conseille aux personnes qui veulent connaître la vérité, de lire ce texte après celui d’Emma Cline afin de bien replacer la tragédie dans son contexte. N’hésitez pas aussi à vous informer sur les évènements avant de vous lancer dans cette aventure, car l’auteur rentre directement dans le lard et ne donne aucune explication préalable. L’écriture de Simon Liberati est de bonne facture et son approche est intéressante mais je pense que ce roman ne se suffit pas à lui-même et que si je l’avais lu indépendamment, j’aurais été gêné par sa factualité sans âme! Pour résumer, je considère ce livre comme une pièce à conviction de plus à ajouter au dossier plutôt glaçant de la « Famille Manson ».

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