La peine capitale de Santiago Roncagliolo
(La pena máxima)
Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers
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Sur fond de Mundial et d'opération Condor
L’intrigue, relativement complexe mais bien élaborée, se déroule sur fond de reportage sportif concernant la coupe du monde de foot de 1978. Tout le pays, se passionne pour cet événement d’autant plus que l’équipe du Pérou débute bien, par une victoire sur l’Écosse. Mais le foot n’intéresse pas Félix Chacaltana. Lui n’a d’intérêt que pour le classement des archives et pour sa fiancée Cecilia. Il est beaucoup plus compétent sur les archives que sur la manière de s’y prendre avec la jeune fille. Les conseils de son ami Joaquín lui auraient été bien utiles. Mais Joaquín est mort de façon bien surprenante. Félix n’est pas sot mais il est d’une naïveté confondante. Ce Candide sera toutefois capable de faire aboutir une enquête aussi délicate que dangereuse.
Le roman débute comme une gentille comédie : l’auteur s’attarde à nous décrire un Félix naïf et coincé, à la fois ridicule et touchant. Puis lorsque l’enquête avance, l’atmosphère évolue vers la gravité. Félix découvre alors les méthodes des dictatures militaires pour éliminer et assassiner les subversifs, c’est à dire tous les opposants. Notre ingénu est alors déniaisé par l’horreur de cette révélation. Rappelons que l’opération Condor était une campagne, menée conjointement par les dictatures militaires des pays d’Amérique latine (Chili, Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) au milieu des années 1970, qui avait pour objectif d’éliminer les adversaires politiques. Les enlèvements, tortures et assassinats étaient les méthodes utilisées dans cette guerre anti-subversion. Le Pérou ne faisait pas partie de cette alliance, mais l’auteur affirme qu’il a aussi collaboré à ce terrorisme d’état. La coupe du monde de football de 1978 a été remportée par l’Argentine sur son territoire, pendant ce temps à quelques mètres de là, on torturait dans l’École Supérieure de Mécanique de la Marine. Le Mundial était réussi, la junte militaire pouvait pavoiser.
À première vue, cela peut paraître délicat de mélanger le rose de la comédie avec le noir des techniques de terreur mais cet étrange amalgame donne une parfaite réussite dans La peine capitale.
Les éditions
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La peine capitale [Texte imprimé] Santiago Roncagliolo traduit de l'espagnol (Pérou) par François Gaudry
de Roncagliolo, Santiago Gaudry, François (Traducteur)
Métailié / Bibliothèque hispano-américaine
ISBN : 9791022604215 ; 20,00 € ; 07/04/2016 ; 380 p. ; Broché
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Depuis Lima et jusqu’à Buenos Aires
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 10 mai 2022
C’est le Pérou qui est en question, Santiago Roncagliolo étant scénariste et traducteur, il serait davantage connu pour Avril rouge porté au cinéma.
»Il avait pris ce chemin des dizaines de fois. La ruelle, les vendeurs de boissons, l’odeur de friture, le brouhaha. A Barrios Altos, dans le labyrinthe des vieilles maisons, des tunnels et des taudis, il pouvait passer inaperçu.
Même son dangereux fardeau serait invisible au milieu de la foule. Fourré dans un sac rouge, il ne risquait pas d’attirer l’attention. Pas plus que les klaxons des voitures, les cris des camelots et la grisaille animée d’un samedi ordinaire à la mi-journée.
Mais ce samedi-là, tout était différent. Les rues étaient pavoisées de drapeaux du Pérou. Ils pendaient aux fenêtres, aux portes, aux carrefours silencieux, comme les linceuls rouge et blanc d’une ville morte. »
Oui, ce samedi-là tout est différent car nous sommes en 1978, c’est la Coupe du Monde de football qui se déroule en Argentine. Le Pérou est qualifié avec de beaux espoirs et va affronter ce samedi-là l’Ecosse en match de poule. Lima, ville morte, respiration suspendue aux évolutions de ses joueurs.
Le roman commence plutôt genre farce, avec un héros pathétique, Félix Chacaltana Saldivar, obscur assistant-archiviste au Palais de Justice de Lima. Complètement soumis à sa mère, sans aucune once de confiance en lui, terrorisé par la manière dont il devrait se comporter avec Cecilia, sa fiancée, qu’il aimerait bien embrasser mais qui ne rencontre pas l’approbation de sa mère. Et circonstance aggravante, au moins aux yeux de son supérieur, le directeur des Archives, homme vénal et sans morale s’il en est, il ne connait rien au football et n’est pas intéressé par les exploits de l’équipe nationale. Pourtant un grain de sable va venir se glisser dans cet océan de niaiserie, son ami Joaquin Calvo n’a pas respecté leur dernier rendez-vous et pour ce personnage coincé de Félix Chacaltana c’est plus qu’une faute de goût. Ca va même devenir carrément dégoûtant quand il va retrouver le cadavre de Joaquin sur les rives du Rio Rimac.
Mais la farce, entrelardée de références aux matchs successifs du Pérou lors de cette Coupe du Monde, contre l’Iran, les Pays-Bas, le Brésil, la Pologne et l’Argentine, va virer à quelque chose de beaucoup moins drôle puisque l’époque est celle aussi des régimes dictatoriaux en Amérique du Sud, dictatoriaux et méchamment répressifs ; l’opération Condor unissait les efforts de nombre de régimes dictatoriaux sud-américains pour éliminer les opposants. C’est ainsi que Félix Chacaltana, entrainé malgré lui – ou plutôt du fait de son intégrité et de sa naïveté – dans des évènements des plus dangereux, va notamment nous emmener avec lui à Buenos Aires, à la tristement célèbre « Ecole de Mécanique de la Marine », devenue le centre national de tortures et d’assassinats politiques.
De la quasi comédie et du très sombre donc, mais qui se marient curieusement bien et qui font de La peine capitale un polar des plus intéressants. Et qui rencontre parfaitement mes objectifs d’en savoir davantage sur les sociétés des pays du monde via les polars.
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