Le festin du lézard de Florence Herrlemann
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le festin du lézard de Florence Herrlemann
Isabelle, jeune femme de 25 ans vit avec sa famille dans une maison cossue. Son père est souvent absent pour affaires. Son frère a quitté le foyer familial, il est séminariste. Isabelle est donc souvent seule avec sa mère.
A l’ouverture du roman, la jeune femme est appelée par sa mère. Le docteur Marceline est venu lui rendre visite. La mère en a fait un prétendant qu’Isabelle refuse. Il la dégoûte. Isabelle va se rebeller. Elle va affronter sa peur. La peur de cette mère autoritaire, énorme qui a tout d'une ogresse.
Tout au long du roman, Isabelle se confie à son ami Léo. Un ami qui ne répond jamais, qui ne parle pas mais l’accompagne en permanence. On découvre la vie de le jeune femme. Une vie de recluse. Elle n’a pas le droit de sortir hors du parc et n’a accès qu’à quelques pièces de la maison. Isabelle est terrorisée par sa mère mais elle veut fuir, elle veut rompre ses chaînes en finir avec cet isolement quel qu’en soit le prix. C’est une véritable guerre entre les deux femmes. Le père et le frère d’Isabelle, eux, ont déjà rendu les armes.
« Je la hais de m'avoir mise au monde et de m'en faire le reproche. Encore et encore. Je la révulse parce que j'existe. Elle ne supporte pas ma présence, elle l'endure. Elle nous fait, cette haine, des jours visqueux, poisseux, gluants. Le poison coule dans nos veines, nous sommes immunisées. Nous n'avons plus aucune limite, nous excellons en la matière, nous en avons oublié nos coeurs et nos âmes. C'est la guerre, Léo. À chaque guerre son vainqueur ? Laquelle de nous deux sera la vaincue ? Je suis la seule qui tienne encore le coup, père et Avril ont courbé l'échine. Simone Lintruse ne va pas tarder à les suivre. Moi je résiste. »
La maison est elle aussi un personnage de l’histoire. Un personnage inquiétant. Avec ses pièces interdites, verrouillées, elle est pour la jeune femme, pleine d’interrogations. Des questions nous nous en posons aussi sur la vie d’Isabelle. Que se passe-t-il dans cette famille ? Qui est Léo , cet ami toujours présent mais muet ? Pourquoi la chambre d’Isabelle a-t-elle des barreaux aux fenêtres ? Isabelle sera-t-elle au menu du festin de l'ogre lézard qu'est sa mère ?
Le festin du lézard est un roman où le lecteur, comme l’héroïne est constamment en équilibre, sur la corde raide, entre abattement et espoir, entre rêve et réalité. L’écriture de Florence Herrlemann, ce monologue d’Isabelle adressé à Léo, est faite de phrases courtes, haletantes, presque scandées qui rendent l’enfermement et l’étouffement d’Isabelle palpables. On les ressent physiquement. Ces mots qu’elle adresse à son ami sont des cris de désespoir, des appels à l’aide.
Ce roman est de ces livres dont on ne sort pas indemne. Un livre qui bouscule, qui met mal à l’aise, qui vous hante tout au long de sa lecture et qui continuera de le faire longtemps après. Un livre qui ne peut pas se lire d’une traite tant par moments cette impression d’étouffement est forte. Quelle belle découverte que celle de ce roman et de la plume de son auteur. Une plume très onirique, hypnotique. C’est un énorme coup de cœur. J’attends le prochain avec impatience.
« Je hais le rêve, il n'est que mensonge et imposture. C'est un simulateur, un traître, un lâche, courant comme un toutou derrière la Réalité, sa vieille copine, toujours prêt à lui lécher les pieds. Celle-là, je la hais avec son air arrogant, cette façon brutale qu'elle a de nous ouvrir les yeux avec tant de hargne, en nous regardant de haut. Odieuse et misérable Réalité ! Tu reviens toujours, inexorablement, comme une vague qui avale tout sur son passage. Je te hais parce que tu me prives, me voles, me dépouilles de tout ce que j'ai de plus précieux. Le Rêve est ton hameçon, et tu nous tiens au bout de ta ligne, la gueule ensanglantée. Je te méprise de toutes mes forces, parce que tu m'ôtes tout espoir. Parce que je n'ai pas le pouvoir de chasser la pluie, parce que je n'ai pas le pouvoir de changer un lundi d'automne en un dimanche de printemps, parce que ma balancelle pourrit quelque part dans la vieille grange, parce que Mère n'a jamais aimé les balancelles, parce que Mère a brûlé les nappes et les serviettes assorties qu'avait brodées tante Émilie, parce que Mère n'est pas de celles qui se réjouissent des préparatifs d'un repas de famille. Parce que quand Mère ouvre les bras, ce n'est pas pour les resserrer autour de moi. »
Les éditions
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Le festin du lézard [Texte imprimé], roman Florence Herrlemann
de Herrlemann, Florence
Antigone 14 éditions
ISBN : 9782372330343 ; 12,80 € ; 02/04/2016 ; 160 p. ; Broché
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"Le festin du lézard" Florence Herrlemann
Critique de Watson (, Inscrite le 30 avril 2021, 60 ans) - 5 mai 2021
C’est l’histoire d’Isabelle, une jeune femme de 25 ans qui vit, recluse dans une maison bourgeoise, grande bâtisse, grand portail, des barreaux aux fenêtres et un grand parc. Toutes les portes sont fermées à clé, seul le cri de sa mère dominatrice et manipulatrice retentit. Elle se confie à son fidèle ami Léo qui ne lui répond jamais.
Ce monologue d’Isabelle est une mise à nu dans une course folle qui envahit le lecteur, qui le retourne, le maltraite, l’interroge et le prend à témoin de sa souffrance.
Roman d’une grande puissance, court et intense conduit en mode « caméra sur l’épaule » vif et direct (Florence Herrlemann est aussi réalisatrice notamment d’un documentaire sur l’enfance maltraitée). Elle y décrit un univers étrange, happant, stressant en nous invitant à découvrir cette héroïne fragile, observatrice, passionnée, manipulatrice mais terriblement attachante. Le renversement final est saisissant.
Mais ne faisons pas confiance au mot fin car nous n’en avons pas fini avec cette histoire …. Isabelle reviendra !
Premier roman d’une rare intensité, d’une maîtrise incroyable. La construction de ce roman est juste d’une précision remarquable qui embarque le lecteur, qui le prend en otage et où il ne cesse de démêler le vrai du faux.
A travers Isabelle, Florence nous garde en suspens, essayant de garder l’équilibre, Elle nous propose d’être un funambule… exercice périlleux mais oh combien merveilleux !
Je vous livre maintenant mon ressenti à la lecture du festin ! Roman hypnotique, noir, dérangeant mais envoûtant. J’ai dû interrompre ma lecture mais ce fut pour mieux y revenir. Les mots de l’auteure réussissent à me faire vivre le récit d'Isabelle au plus près, en direct. J'avais l'impression d'être là, dans cette grande maison bourgeoise, silencieuse et invisible, cachée moi aussi dans un coin oubliant toute temporalité.... Le jour, la nuit, l'hiver, l'automne, l'été, le printemps se déroulant inlassablement. Ambiance donc oppressante avec un sujet délicat, les relations mère/fille. Une fois encore et de façon complètement différente vous m'avez bousculée parfois en équilibre, parfois au bord du précipice. Quel talent ! Sur la forme, ce récit ininterrompu, ce monologue d'Isabelle, son confident Léo vouvoyé et silencieux, la mère "mère" qui rit et parle trop fort (phrase plusieurs fois répétée) donne cet effet d'écrasement. Sa plume a un pouvoir exceptionnel. Léo m'a tout de suite ramenée à mes cahiers d'écriture, compagnon éternel qui aide à supporter le pire et à partager les espoirs et les joies ! Monologue aussi onirique : Florence Herrlemann mêle avec brio la violence, la souffrance ; la beauté est un défi qui est magistralement relevé. Quelle poésie quand elle nous parle de la neige (p130) ou du matelas d'isabelle (p55). J'aime aussi les répétitions dans le monologue de l' héroïne, il assène ces coups de poignards et nous fait mieux ressentir son mal être et sa souffrance. Bien sûr, parfois elle apparaît manipulatrice mais quel soulagement et quelle envie j'ai eu de partager les doux souvenirs de la tante Emilie. J'ai porté en moi les espoirs d'Isabelle à l'apparition d'Héloïse ! J’ai été, vous l'aurez compris une fois de plus embarquée et cette fois vers l'inconnu sur 157 pages, ne sachant démêler le vrai, du faux. La fin a été une totale surprise. J'aime aussi la puissance des femmes dans la littérature de Florence Herrlemann, elles tiennent le haut du pavé dans ses deux romans Le choix des mots donne à ce roman l'allure d'un grand opéra. Tout y est juste, à sa place. Je trouve enfin l'auteure courageuse d'avoir commencé sa carrière avec un roman, il faut l'avouer, pas très facile d'accès mais tellement passionnant. J'imagine que ça ne s'est pas posé en ces termes et qu'il s'est imposé. MERCI et BRAVO
En deux romans, Florence Herrlemann nous montre l’étendue de son talent, une écriture vive, animée, habitée, ensorcelée…. Une grande auteure est née.
« Le festin du lézard » chez Antigone 14
« L’appartement du dessous » chez Albin Michel
Une pépite
Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 30 juillet 2017
J'ai dû trouver le bon moment de lecture.
C'est étrange, déstabilisant au départ mais l'écriture est tellement belle que l'envie de le continuer est plus forte, envoûtée par ces mots tellement bien choisis. Waouh ! Quelle force, quelle belle découverte.
C'est un huis-clos auquel Florence Herrlemann nous invite dans son premier roman.
Une grande maison mystérieuse dans laquelle vit Isabelle depuis plus de vingt-cinq ans. Elle y vit avec sa mère qu'elle hait plus que tout, elle la hait de l'avoir mise au monde. Toutes les portes de la maison sont fermées à clé et c'est celle qu'elle ne nomme jamais autrement que Mère qui les détient toutes. Mère terrorise Isabelle, c'est la domination, l'emprise totale, l'enfermement qui est au centre du récit. Le père et le frère sont peu présents et ont renoncé à quoi que ce soit.
Isabelle parle à Léo qui l'accompagne toujours, qui est son témoin. Il ne répond jamais. Lorsqu'elle s'adresse à lui c'est toujours par le vouvoiement.
Isabelle craint les visiteurs; Bergère, Simone Lintruse, le docteur Marcelline, la soeur Marcelline... mais pourquoi redoute-t-elle ces présences ? Et pourquoi ces barreaux aux fenêtres ?
Isabelle parle, raconte, elle semble par moment si seule, si perdue, diabolique à d'autres, y-a-t-il quelqu'un qui la voit ? Elle a parfois le sentiment de ne pas exister.
J'ai parfois été déstabilisée, eu l'impression de perdre pied, ce roman déroute, on entre dans un monde onirique.
Un premier roman exceptionnel par la qualité de l'écriture. Un roman à plusieurs pistes et interprétations possibles. Une chose est certaine c'est qu'il ne vous laissera pas indifférent et que l'on n'en sort pas indemne.
Eloge de la folie, de l'enfermement, écrasement, domination, ode à la parole, cri de désespoir, à vous de choisir votre degré de lecture.
Bravo et encore merci à Maître Hibou.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
L'être humain est une machine à pensées. Il en produit tout le temps, sans jamais s'arrêter et cela bien malgré lui.
Il y a des jours que l'on voudrait retenir, mais le soir pousse fort pour prendre sa place, alors il s'en va, le jour, ils s'en vont tous.
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