Un soir à Sanary de Michèle Kahn

Un soir à Sanary de Michèle Kahn

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par TRIEB, le 7 juin 2016 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans)
La note : 6 étoiles
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MONTPARNASSE SUR MER

Sait-on que le paisible village de Sanary-sur-Mer fut, en des temps dramatiques et difficiles, une capitale de l’émigration allemande, fuyant le nazisme et ses atrocités ? Que ce port de pêche reçut le surnom de « Montparnasse-sur-Mer », ou fut tout simplement assimilé à la capitale de la littérature allemande de l’exil. Le roman a pour point de départ la description des débuts de la vie artistique de Max Hohenkamer, critique d’art à Cologne, où il y fréquente le Café Monopol en compagnie d’Anton Raederscheidt, peintre. Après bien des embûches de toutes natures, des problèmes inextricables de visas, de nationalité, de statut juridique non vraiment résolus de manière claire et définitive, ce monde de l’exil, composé des célébrités de la culture allemande du moment, arrive dans le petit port varois de Sanary-sur-Mer. On y trouve Kisling, peintre d’origine polonaise, Thomas Mann, qui y passe l’été 1933 avec sa famille. Cette année là, Bertolt Brecht lui rend visite. Dans cette localité, le romancier Léon Feuchtwanger y a élu domicile. Il est l’auteur du Juif Süss, roman dont la signification a été détournée de manière éhontée par les Nazis à des fins propagandistes et antisémites. Max Ernst y séjourne également.
Tout ce monde croit être en sécurité en France, pays traditionnellement terre d'asile, accueillant aux persécutés. Pourtant, en cette année 1939, il n’en va pas de même : une décision du gouvernement, le 5 septembre 1939, indique que les réfugiés politiques doivent se faire connaître pour être rassemblés dans des lieux de détention ; Cette mesure concerne les ressortissants, réfugiés politiques d’Allemagne, d’Autriche, de Tchécoslovaquie. Pour eux, c’est le retournement, une trahison de la France qui les renvoie à leurs conditions d’ennemis, de Boches. Le roman décrit également les conditions effroyables de détention dans le camp des Milles, tristement célèbre dans ce domaine ; Dans ses correspondances, qui forment la trame d’un récit comportant beaucoup de retours en arrière explicatifs pour la compréhension de la trame historique, Max conclut, en y ajoutant une touche d’espérance qui doit, selon lui, être malgré tout victorieuse : « Tu vois, mon Gryllon, devant la beauté des paysages, la prodigalité de la nature, et l’ingéniosité de l’homme pour assurer sa subsistance, l’art abstrait ne me paraît plus être la seule voie. Il est né à une époque où s’imposait une nécessité de destruction mais, ce qui nous soude et nous soucie à présent, c’est la reconstruction. Voilà pourquoi il faut s’abreuver aux sources premières de la création. »

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