Le Solitaire : Jansénisme et révolution de Yves Amiot
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Histoire
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Un roman historique, singulier et remarquable, sur la Révolution française et sur l'impossibilité de concilier les idéaux humanistes et les réalités de la nature humaine
Ce court roman est bien plus qu'un roman historique. D’une grande densité, ciselé dans une écriture impeccable à la fois sobre et minutieuse, il brosse un portrait saisissant de la Révolution française et ouvre une perspective originale, voire iconoclaste, sur les soubresauts de la Terreur. Yves Amiot immerge le lecteur dans les pensées du narrateur (un vieux sage janséniste, ancien officier des armées du Roi, qui assiste en témoin au déchaînement des passions humaines puis devient peu à peu acteur des évènements) et parvient, par son indéniable talent d’écriture, à pleinement faire ressentir la complexité, la violence et l’idéalisme d’une époque troublée, où les hommes sont dépassés par le flux des forces qu’ils ont mis en branle… Le récit, rigoureusement construit et découpé en une quinzaine de courts chapitres obéissant aux règles d’unité de lieu et d’action, se lit d’une traite.
Plusieurs de ces chapitres sont le prétexte de descriptions saisissantes (notamment celles des ruines de l'abbaye de Port-Royal, que le Roi s’est évertué à araser après la condamnation de l’ordre, et de l’émissaire de Robespierre, jeune homme pétri d’idéal qui sent que la réalité se dérobe sous lui) et de dialogues, à la fois érudits et vivants, sur les conflits théologiques et philosophiques qui ont déchiré l’Eglise et la société française. Pour le narrateur, et peut-être pour l’auteur tant son récit est chargé d’un souffle de conviction, l’Eglise, sous l’influence des jésuites, s’est compromise avec le temporel et, en voulant adapter les exigences de la religion aux faiblesses humaines, a trahi la pureté des enseignements du Christ et fait le jeu du diable en rendant tolérables, puis acceptables, les passions viciées profondément enfouies dans le cœur humain. Dès lors que la recherche du bonheur terrestre a été érigée en finalité (quête illusoire et sans fin puisque le bonheur absolu ne peut exister dans une vie mortelle) en supplantant la recherche de la Grâce divine, la société ne pouvait que se déliter en libérant, sous le masque d’idéaux humanistes qui ont dupé leurs prosélytes sincères (Rousseau, Voltaire, etc.), un égoïsme et une violence exacerbés puisqu’avait sauté le seul verrou qui pouvait les contenir. Le narrateur, qui conserve une rancune tenace envers les jésuites, affirme à de nombreuses reprises que les jansénistes ont été calomniés puis détruits pour avoir rappelés l’Eglise et les hommes à leurs vrais devoirs et avoir démontré, par l’exemple de leur vertu et de leur sagesse aimante, que la société s’était fourvoyée. Néanmoins, le narrateur, qui s’est installé en Vendée et est recherché par les deux camps qui veulent l’utiliser comme intermédiaire pour négocier avec le camp ennemi, n’est pas un être aigri ou désespéré : il accepte avec sérénité les épreuves de l’époque et œuvre de son mieux pour pacifier les hommes, à ses yeux tous fautifs à divers degrés.
Le cœur du récit est d’ailleurs constitué d’une intrigue visant à tenter de rapprocher républicains et vendéens pour mettre fin aux exactions qui ont fini par écoeurer tous les partis. Le dénouement de l’intrigue dresse en creux (avec un chapitre très habilement elliptique) un portrait singulier de Robespierre, homme d’exception à l’âme ardente mais d’une grande lassitude, qui cherche à retrouver Dieu dans l’Etre suprême et la paix de l’âme dans l’acceptation de sa mort…
Le style de l’auteur, comme il sied à son personnage principal, est d’une élégance austère et ressuscite l’esprit de Port-Royal, en portant sur la Révolution française un regard intransigeant (très clairement à contre-courant des tendances actuelles) dont l’acuité pourrait éclairer l’époque contemporaine, notamment en ces temps d’agitation où certains voudraient ressusciter la lutte de classe et hisser le clivage « patron/ouvrier » au niveau des anciens étendards révolutionnaires. Le narrateur (Puizeau) évoque ainsi auprès de son ami Duplessis, un ancien officier des armées de Vendée, son entretien avec Robespierre : Une révolution est en fleuve en crue et ce fleuve charrie bien du limon, bien des épaves et aussi bien des cadavres. Il arrive que celui qu’il entraîne dans son courant, alors qu’il s’est imaginé un temps le maîtriser, s’aperçoive qu’il en est devenu le jouet. Il prend alors horreur de lui-même. C'est l'heure que Dieu attend pour le ramener à lui. La grâce chemine souvent sans que nul n'en perçoive la trace. Saint-Augustin l'a dit et je le lui ai dit : "Autre chose est d'apercevoir du haut d'un roc sauvage la patrie de la paix sans trouver le chemin qui y mène, autre chose est d'entrer en possession de la véritable route"
Les éditions
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Le Solitaire [Texte imprimé], récit Yves Amiot
de Amiot, Yves
J. Corti
ISBN : 9782714301352 ; 15,00 € ; 01/01/1986 ; 182 p. ; Broché
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