Le solitaire de Castille de Louis Roché
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie
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De la poésie comme un jardin secret, où l'auteur avoue ses doutes, ses rages et ses regrets dans une forme classique
Cette mince plaquette poétique (très joliment imprimée par un petit éditeur lyonnais) fut publiée après-guerre mais écrite pour l'essentiel à la fin des années 30 ; elle dresse le portrait spirituel d’un jeune homme athée qui, confronté au nihilisme de l’époque, revient peu à peu la religion qu’il avait récusée dans sa jeunesse.
A seize ans j’ai quitté la foi de mon enfance / Comme on quitte un habit dont on rougit soudain (…)
Seigneur, je ne sais pas encore si je crois. / Je n’ai jamais été qu’un enfant de sauvages / Pour qui Dieu porte barbe et sourcils pleins de rage / Et fait jaillir la foudre aux branches de la croix. (…)
Même s’il ne livre pas toutes les clefs de son itinéraire intellectuel, il apparaît clairement que l’auteur regrette, avec des accents parfois émouvants, d’être comme enlisé dans un monde lugubrement sordide et endeuillé par la guerre ( Feu dans le ciel ! Poussière sur la terre ! / Poussière sous les pas des soldats fatigués ! ), et dans une carrière administrative opposée à ses espoirs et ses rêves (en recherchant sur internet, Louis Roché a mené une carrière diplomatique au service de l’Etat et occupé plusieurs postes en ambassade).
O projets, le temps passe mais je n’ai rien écrit.
Pour un maître qui n’a pas de rêves, ma plume
Besogne, mais parfois ma flamme se rallume
Et l’âme veut crever le silence d’un cri.
L’âme veut retrouver son aurore à tout prix
Et fouille les décors du passé qui s’enfume.
C’est l’âge vide où le poète que nous fûmes
Découvre avec douleur qu’il a tout désappris.
Les vers inachevés d’illusoires cantiques
Viennent tromper l’espoir du scribe politique
Qui d’une heure de ciel azuré se distrait
Et prête aux vents urbains des prouesses marines
En attendant de perdre à jamais le secret
Des chansons qu’une voix lointaine lui serine.
Louis Roché, qui est à peine évoqué dans la grande étude de Robert Sabatier consacrée à la poésie française, est un poète mineur (même si son premier recueil fut publié par Gallimard), qui ne renouvelle rien voire même n’apporte rien à la poésie du XXème siècle ; la poésie fut sans doute pour lui un jardin secret où il pouvait donner libre cours à une écriture plus personnelle que celle des notes diplomatiques. Néanmoins, la sincérité peut suppléer le génie et ses poèmes, soigneusement composés en alexandrins rimés mais où se devinent des sentiments de douleur et de rage, se lisent sans déplaisir malgré leur style suranné. Ils illustrent la persistance d’une veine classique, qui ne s’est jamais tarie (cf Pascal Bonnetti, Guy Lavaud, Vincent Muselli, Philippe Chabaneix, Robert Mallet, etc.), dans l’écriture poétique contemporaine. Il est hélas dommage pour le recueil et la postérité de Louis Roché que le deuxième sonnet de la suite « L’incroyant » s’ouvre sur un quatrain contenant un vers ridicule, presque involontairement parodique, tant la rime y apparaît forcée et antipoétique. Je ne le recopierai pas ici par égard pour l’auteur…
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