Barbey d'Aurevilly journaliste : Articles et chroniques de Jules Barbey d'Aurevilly
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Allumer une poudrière pour les sots
Barbey d'Aurevilly, afin de subsister car généralement la Littérature ne nourrit pas son homme, a été journaliste toute sa vie d'auteur en plus d'être l'auteur de « le chevalier des Touches », « l'Ensorcelée » ou des « Diaboliques » voire de « Une vieille maîtresse ». Souvent victime de sa réputation de dandy flamboyant, rédigeant ses romans passionnés d'encre de différentes couleurs, que les gosses de Montmartre suivaient en rigolant à la fin de sa vie lorsqu'il sortait vêtu d'une redingote mauve coiffé d'un haut-de forme à ruban rouge par exemple.
Ils se moquaient jamais de lui le « verbe sifflant de ce vieux viking » (l'expression est de Léon Daudet dans ses « Souvenirs Littéraires » leur inspirant immédiatement le respect...
Barbey était d'abord un homme au-dessus de la moyenne, ne pouvant se réduire aux mesures habituelles et ayant souhaité vivre selon une morale réellement aristocratique étrangère au « commun », au « vulgaire ». Il existe également encore beaucoup d'ignorants ne se doutant pas que Barbey était surtout un travailleur acharné menant des années 1830 à sa mort une réflexion sur les Lettres et la Politique qui est un tout. Il n'est pas étonnant qu'il soit mort pauvre comme le Don Quichotte de la Manche française qu'il était.
L'idée simple sous-tendant ce tout, cet ensemble d'articles était dans son esprit « d'allumer une poudrière pour les sots » ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à Trébutien son ami de toujours. C'est ce qui fait que la lecture de ses articles et critiques est plus que jamais d'actualité, la sottise étant encore puissante en 2016.
Au début de ces textes, il n'est pas du tout catholique, encore moins monarchiste ni même réactionnaire ainsi qu'on le qualifie rapidement parfois, mais déjà dans la recherche de la vérité, d'une humanité vraie plus précisément. Il écrit dans des feuilles républicaines ou orléanistes. Il célèbre déjà les valeurs morales sans pour autant être le moins du monde un moralisateur, de toutes façons « Une vieille maîtresse » ou « le Rideau Cramoisi » feront grincer lors de leur publication bien des dents dévotes et purotines, d'imbéciles étroits d'esprit n'ayant rien compris à Barbey. Se convertissant ensuite au catholicisme, il est pour lui logique de devenir monarchiste. Et de l'être vraiment et non pas seulement pour la pose, pour la posture flatteuse. Car Barbey était aussi un individu intègre.
Il prétend pourtant ne pas beaucoup aimer le journalisme, celui-ci préparant selon lui, il ne se trompait pas beaucoup, l'avènement du règne des ragots, de la perfide rumeur, des préjugés et lieux communs ainsi que du « confort intellectuel », la victoire des médiocres en quelque sorte.
Les éditions
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Barbey d'Aurevilly journaliste : Articles et chroniques
de Barbey d'Aurevilly, Jules Glaudes, Pierre (Préfacier)
Flammarion
ISBN : 9782081266223 ; 12,50 € ; 06/01/2016 ; 434 p. ; Poche
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Barbey badass
Critique de Numanuma (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans) - 28 juin 2016
Et de payer la garde-robe. Car bien que se considérant avant tout comme un écrivain, le journalisme lui a permis de vivre et de garder un certain train de vie. Car Monsieur est bien de sa personne et affecte une élégance recherchée. Placer des articles est un bon moyen de palper de la fraîche rapidement. Barbey, c’est un nombre effarant de journaux auxquels il a écrit, toujours sur le même mode, l’animal n’étant ni tiède ni près à la concession. D’abord, par un savant jeu d’intrigue et d’influence, il entre dans une rédaction. Le succès est quasiment toujours immédiat car, hormis le talent, l’homme a de l’originalité et de l’excès. Ce qui provoque quasi systématiquement un rappel à l’ordre du rédacteur en chef, sensible aux conséquences des articles de Barbey sur le lectorat, en général abonné, qui est la source de revenus principale. S’ensuit généralement une mise à l’écart provisoire puis une exclusion définitive, l’écrivain n’hésitant jamais à en rajouter une couche.
Et, en même temps, le paradoxe est un peu son style, il passera autant de temps à critiquer son activité de journaliste, « métier dépravant » qui ne voit naître que des « écrivains d’un jour ».
En fait, Barbey n’a jamais vraiment trouvé le journal idéal. Un journal « de critique, de doctrine, d’initiative ». C’était mieux avant. Il a la nostalgie d’un âge d’or fantasmé. Pour lui, les grands esprits appartiennent au passé. Et ces esprits ne sont pas toujours ceux que l’Histoire a gardés en mémoire. De nombreux articles assemblés ici traitent d’auteurs oubliés du grand public (Roselly de Lorgues, sœur Emmerich, Armand Pommier, M. Huc). Pour Barbey, ce sont des voix porteuses d’une vérité ensevelie ; le passé est la source de lumière permettant d’éclairer le présent.
Barbey, bien que noblesse récente, son père achète une charge en 1756, se considère, de par sa naissance, nécessairement supérieur. C’est un esprit solitaire qui ne sera jamais un chef de file. Un rebelle qui ne fera jamais école mais qui sera enterré avec ses idées et conceptions plutôt que d’y renoncer.
Sa conception du journalisme est élevée : il s’agit, ni plus ni moins, d’être un pédagogue et un juge. Il faut former et gouverner l’opinion. Ce qui suppose d’avoir des certitudes. Sa vérité est d’abord religieuse, surtout après 1848. Les convertis font de zélés zélotes.
Dans son esprit, la vérité catholique est le fait indiscutable dont découlent tous les autres car l’idée de Dieu n’est pas modifiée par le temps. Si, « pour être politique, la vérité ne change pas de caractère et de nature », au-delà de l’affirmation d’une position, sa vérité lui permet de placer des articles pour toutes les tendances politiques, même opposées. Il a écrit pour les orléanistes, les légitimistes et même pour les bonapartistes, Louis-Napoléon Bonaparte lui semblant incarner la figure d’autorité qu’il désire.
Bon, pas de bol, le régime va virer libéral et Napoléon III pas un catho de première bourre… Avec une branlée face à la Prusse en prime !
C’est l’autre pilier. Pour incarner une autorité morale, littéraire, esthétique, politique, il se place lui-même sous l’autorité sacrée du roi car la monarchie est un ensemble « de vérités et d’institutions ». Dans son esprit, il s’agit d’amener, ou de ramener, ses contemporains sous ce régime.
Esthétiquement, il se réserve le droit de dire le Vrai et le Beau. Pour faire simple, même pour parler des choses triviales, il faut le faire avec une égale exigence de beauté dans l’expression et dans la pensée.
A lire, par contre, c’est pas facile, facile. D’abord parce que c’est bien écrit et que c’est toujours un plaisir ardu que d’accéder à une certaine exigence. Ensuite parce que les références sont nombreuses et que la majorité d’entre elles font appel à des événements de son siècle. Sans les notes, on passerait à côté. Et enfin, sa recherche stylistique ne se satisfaisant pas de la facilité, ses textes sont comme des rêves humides de grammairiens libidineux : des enchevêtrements licencieux d’incises, de subordonnées et de principales comme une grande partouze lexicale ! La phrase de Proust, à côté, c’est facile !
De nos jours, il serait qualifié d’intégriste catho, voire de réac. Mais, sa pensée aime la chaleur, l’excès. S’il est un solitaire, il reconnaît et salue le talent intense même si les idées présentées ne sont pas les siennes. Oh, bien sûr, ses idées n’ont pas triomphé mais, il est resté fidèle à lui-même, à ses certitudes et à une certaine conception orgueilleuse de son jugement. Un putain de badass !
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