La femme au colt 45 de Marie Redonnet

La femme au colt 45 de Marie Redonnet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Cyclo, le 17 janvier 2016 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 898ème position).
Visites : 3 035 

fable politique (et poétique)

Quant au petit livre de Marie Redonnet, "La femme au colt 45", recommandé par les libraires, il m'a "scotché". Je n'avais rien lu d'elle depuis vingt ans, époque où je l'avais rencontrée à Poitiers, après avoir mis un de ses romans, "Splendid hôtel", en lecture obligatoire à mes élèves-bibliothécaires. Dans son style si particulier, extrêmement dépouillé, minimaliste, écrit au présent, en phrases et chapitres superlativement courts, il nous conte l'histoire de Lora qui, fuyant une dictature (mari emprisonné, enfant ayant rejoint la rébellion), devient une clandestine à Santaré, dans le pays voisin. Elle est rapidement dépouillée de ses quelques objets de valeur, s'engage auprès d'un pizzaiolo handicapé et, après le décès de celui-ci, à court d'argent, se voit contrainte de se débarrasser du fameux colt 45, cadeau de son père sur son lit de mort (et dont il lui avait appris à se servir). Elle est quelque temps protégée par un spéculateur immobilier, avant d'échouer à l'Arche de Noé, sorte de refuge créé par une Américaine pour tenter de sauver les jeunes migrants en déshérence.
Ici, on est presque au théâtre : Lora, d'ailleurs, était comédienne dans son pays d'origine. Le roman est constitué par de très brèves narrations, indiquant les décors et les mouvements (comme les didascalies dans les pièces de théâtre) et par la parole de Lora qui raconte ce qu'elle fait, ses rencontres, ses errances. Au final, Lora, qui aurait la possibilité de retourner dans son pays, va faire un autre choix ; car son voyage l'aura contrainte à se découvrir elle-même au travers des violences subies (dont le viol) et des problèmes rencontrés (guerre, dictature, fanatisme religieux). Elle aura tracé, peut-être inventé, son chemin : "Ce n’est pas parce que j’ai tout quitté et tout perdu que ma vie de femme doit s’arrêter". Au bout du chemin, Lora est devenue une femme libre : "Sans mon colt 45 maintenant qu’il rouille au fond du fleuve, je dois apprendre toute seule à devenir Lora Sander. Si je réussis j’aurai fait mes preuves".
Dans cette fable politique, l'auteur témoigne sans pathos de la vie des migrants, dépouillés, violés, soumis aux sévices et à l'exploitation. C'est à la fois simple et profond, sec comme une trique : Marie Redonnet a choisi de ne pas nous faire crouler sous le pathétique des situations, sans doute pour rendre son message plus percutant.
Et il l'est !!!

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La femme au colt 45 de Marie Redonnet

7 étoiles

Critique de Denisarnoud (, Inscrit le 21 juin 2016, 51 ans) - 22 juin 2016

Lora Sander braque ses jumelles de théâtre sur la lisière de la forêt. Elle doit attendre le moment propice pour se présenter aux passeurs. Lola est l’ancienne star du Magic Théâtre. Ce voyage, cet exil, ils y avaient pensé depuis quelque temps avec son mari, Zuka. Fuir l’Azirie et la dictature du général Rafi. Mais pour Zuka, il est trop tard. Il vient d’être incarcéré par le dictateur. Elle laisse derrière elle son fils Giorgo qui, lui, a choisi la lutte armée. L’épreuve est dure pour Lora. Elle qui ne sortait jamais du théâtre et vivait sous la protection de son pygmalion de mari. Maintenant pour se défendre, elle ne peut compter que sur son vieux colt 45.

« - Est-ce-que je reverrai un jour Zuka et Giorgio ? La guerre nous a brusquement séparés. Depuis la fermeture du Magic Théâtre et l’engagement de Giorgio dans l’insurrection armée, je me demandais ce que j’allais devenir. Sans son théâtre, Zuka avait perdu sa raison de vivre. Je l’avais suivi dans cette aventure mais ce n’était pas la mienne. J’étais très jeune quand je l’ai épousé. Je rêvais de devenir actrice. Il m’a proposé de faire du théâtre avec lui. Il m’a tout appris et je lui dois ce que je suis devenue. Mais il y a tant de questions me concernant que je ne me suis jamais posée. J’étais la femme de Zuka, l’actrice vedette du Magic Théâtre et la mère de Giorgio. Le seul monde que je connaissais, c’était celui du Magic Théâtre. Je ne m’intéressais pas à ce qui se passait à l’extérieur. »

C’est donc seule que Lora va tenter le passage vers la Santarie, pays libre limitrophe. C’est en privilégiée, grâce à son argent qu’elle traverse le fleuve. Les autres candidats à l’exil n’ont pas cette chance. Grâce à un diamant qu’elle porte au doigt, elle évite l’usine qui attend toutes ces femmes à l’arrivée. Nous suivons les premiers pas de Lora dans cette vie d’exilée. Elle trouve très vite un travail de serveuse dans un camion pizza. Son patron a une attitude très ambiguë , mais elle doit gagner sa vie. Les clients la poursuivent de leurs assiduités mais grâce à son colt 45, elle parvient à les tenir à distance.

Dans ce roman nous suivons le parcours de Lora dans cette nouvelle vie d’exilée. Elle qui a toujours vécu dans la lumière, protégée par son mari, va devoir vivre par elle-même. Elle le fait avec courage. A cinquante ans, elle doit sortir de l'enfance dans laquelle elle était maintenue par la protection de son mari.

Mon avis sur ce roman est assez mitigé. L’histoire est intéressante, elle nous montre la vie des clandestins, ce qu’ils doivent subir pour survivre, le parcours d'une femme qui va devoir s'affirmer. La construction faite de l’alternance de descriptions à la troisième personne et de monologue intérieur est efficace, la plume de Marie Redonnet affûtée, une écriture au scalpel. Cependant il m’a manqué quelque chose. Une peu d’émotion peut-être. Tout au long du roman,je suis resté simple spectateur, je n’ai pas réussi à m’immerger dans le destin de Lora.

« - Je veux que Giorgio soit fier de moi si un jour nous nous retrouvons, sains et saufs tous les deux et tous les deux ayant fait nos preuves. Sous l’aile protectrice de Zuka, Giorgio ne pouvait pas s’affirmer, comme moi qui suis restée une petite fille même si je suis une femme de presque cinquante ans ! Il est temps que je devienne enfin moi-même. »

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