L'ombre de nos nuits de Gaëlle Josse

L'ombre de nos nuits de Gaëlle Josse

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Cyclo, le 17 janvier 2016 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 610ème position).
Visites : 5 434 

l'art comme révélateur

"L'ombre de nos nuits" est un roman de Gaëlle Josse, le premier que je lis de cette romancière. Il m'a subjugué. On y suit en parallèle un épisode de la vie de Georges de La Tour, le célèbre peintre, qui, en ce début de l'an 1639, prépare une nouvelle toile, dont le sujet est Saint Sébastien soigné par Irène, toile qu'il destine au roi Louis XIII (actuellement au Musée du Louvre). Il est assisté dans sa tâche par son fils et par un jeune orphelin qu'il a recueilli. L'histoire parallèle se passe en 2014 : une femme mûre, en observant dans un musée ce même tableau, est émue par le spectacle d'Irène soignant Saint Sébastien, et se remémore un amour perdu. On passe donc, en alternance (au cinéma, on dirait montage parallèle, ce qui n'est pas sans artifice, mais coule ici très bien), des secrets de la création picturale au récit d'un amour douloureux.
Dans la partie historique, on suit les pensées de Georges de La Tour ("Alléger. S'alléger. Le plein naît du vide. Simplifier. Densifier. Nous n'emporterons rien avec nous dans notre ultime voyage") ainsi que celles de Laurent, l'orphelin magnifique ("C'est la vision intérieure du peintre, au-delà de sa technique, qui donne toute sa force à un sujet"), apprenti surdoué du maître. Moi qui adore les romans historiques, j'ai été servi ; l'époque, horriblement troublée (Guerre de Trente ans, épidémies, violences) est formidablement retracée.
La partie moderne est un contrepoint assez émouvant aux tribulations de Georges de La Tour, trimbalant le tableau fini de Lorraine jusqu'à Paris, puis attendant le bon vouloir de l'audience de Sa Majesté ; ici, la femme se rappelle les attentes fort longues que lui imposait son amant, qui "me plaisait sans me convenir" et tente en voyant le tableau, de dire enfin ce qu'elle n'a jamais lui dire ("Cette terreur de ne plus être aimée si je n'étais pas parfaite"). Un tableau soudain exhume des réminiscences. Puissance de l'art comme révélateur, superbement évoquée !
L'auteur sait, comme le peintre, suspendre le temps et faire parler les ombres. Au lecteur d'apporter un peu de lumière, s'il se peut. Un livre magique, éblouissant.

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Excellent… et ennuyeux !

7 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 68 ans) - 30 juillet 2020

Le roman alterne entre deux histoires : la création du tableau de Georges de La Tour et un épisode contemporain.
Autant j’ai aimé la partie décrivant la création du tableau, la vie de Georges de La Tour, de sa famille et de son apprenti, autant je me suis ennuyée dans la partie contemporaine, dont le lien avec le tableau est resté incompréhensible pour moi.

Premier livre que je lis de cet auteur, vraisemblablement pas son meilleur.

Un tableau, un livre à découvrir

9 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 59 ans) - 16 juillet 2017

C'est un roman à trois voix que nous propose Gaëlle Josse autour du tableau de Georges de la Tour "San Sébastien soigné par Irène". Ce tableau sera l'élément central du récit.

Tour à tour trois personnages vont s'exprimer, on voyage dans le temps et dans l'espace.

- A Lunéville, en Lorraine en 1639, on assiste à la création du tableau "San Sébastien soigné par Irène"

Georges de la Tour nous parle, il imagine la création de son tableau, le choix avec soin de ses personnages, la mise en place de sa composition. Irène sera incarnée par sa fille Claude. On assiste à la naissance de cette oeuvre à laquelleil réservera un grand destin. Avec minutie, précision il donnera tout pour trouver la perfection dans son tableau.

Laurent, son apprenti - un orphelin recueilli par le maître suite aux ravages de la peste et de la guerre des 100 ans - s'exprimera également. Il est l'assistant du maître, admiratif du travail de celui-ci, il est humble, doué. Il nous décrira à merveille son amour pour la peinture, son admiration sans limite pour de la Tour, le don de soi et la passion de son maître. Il décrit avec justesse la beauté douloureuse de Claude incarnant Irène dont il est éperdument amoureux. Il souffre en silence de cet amour n'étant pas de la même classe sociale qu'Irène. Il nous décrit avec justesse ses tourments, ses blessures. Il devra faire des choix. Il est dans l'ombre, elle est dans la lumière.
- Rouen, en 2014, une jeune femme est fascinée des siècles plus tard par ce tableau, cette lumière qui jaillit de l'ombre. Elle se plonge dans ses souvenirs, dans sa douleur, ses amours difficiles.

J'ai souvent posé le livre pour me plonger à mon tour dans ce tableau où le regard d'Irène incarne tant l'amour, la sollicitude, la compassion et nous montre tant la beauté douloureuse de la passion.

Ce roman met en lumière la fascination devant le tableau ; cette lumière qui transparaît au milieu de l'ombre, comme nos espoirs au milieu de nos tourments. La bienveillance, l'amour et la sollicitude du regard d'Irène m'ont procuré de belles émotions à la lecture.

Les trois voix s'entrecroisent au fil des pages, nous questionnent sur l'aveuglement amoureux, sur notre place dans notre vie.

Très très bon moment de lecture.

Ma note : 9.5/10



Les jolies phrases


Elle dit que le Maître sait peindre le silence.

La capacité d'oublier est peut-être le cadeau le plus précieux que les dieux ont fait aux hommes. C'est l'oubli qui nous sauve, sans quoi la vie n'est pas supportable.

Les livres savent des choses que nous ignorons.

Je reconnais que l'immobilité absolue est une chose exténuante, proche de l'impossible.

Notre monde est un théâtre agité, mouvant, fait d'appétits désordonnés et de désirs inavouables. Le malheur y règne en maître.

Nous trichons en paroles, rarement en gestes.

Elle n'est que beauté et son âme est à l'image de ses traits.

Tu aimais la nuit. Comme si ses ombres absorbaient les tiennes et te permettaient de les oublier.

C'est la vision intérieure du peintre, au-delà de sa technique, qui donne toute sa force à un sujet.

Il faut savoir écouter les rêves, ils tentent de nous éclairer sur nos désirs les plus secrets.

La main, le geste, le visage. Tout ce que je peins tient là, dans cette mystérieuse trinité.

Etre quittée, c'est un risque consenti au premier regard. Mais partir, c'était autre chose.

Croire en l'autre suppose l'abandon de nos résistances, de notre défiance. Don total qu'on veut croire réciproque.

Ce qui se passe au profond de nos âmes est souvent noir comme la nuit, comme celle qui sert de fond à mes compositions, lorsque nulle lueur ne les atteint.

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