Les poésies d'amour de Marina Tsvétaïeva

Les poésies d'amour de Marina Tsvétaïeva

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Provisette1, le 25 décembre 2015 (Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 203ème position).
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Mais que c'est beau!!!!!

"Chaque vers est enfant de l'amour", écrivait-elle et comment pourrait-on en douter un seul instant en plongeant avec volupté, le coeur abreuvé, nourri à la source de l'"absolu de l'amour" que sont ces "chants" qui nous emportent vers un au-delà de passion, d'émotions folles, exacerbées que l'on voudrait partir déclamer pour pouvoir les partager!

Ah combien j'aime de passion Marina, divine Marina, poétesse d'amour mais aussi de souffrance...

Magie des mots, magie du poème, magie d'amour...

"À la suivante

Que tu sois sainte- ou grande pécheresse,
La vie derrière ou devant ton chemin,
Ô, aime-le avec plus de tendresse!
Tel un enfant bercé-le sur ton sein,
N'oublie jamais que le rêve est caresse,
Et ne l'éveille pas si tu l'étreins.
........................................................"

"Il est des noms tels des fleurs étouffantes
Et des regards qui sont un feu dansant...
Il est des bouches sombres, ondoyantes,
Aux coins profonds, humides" envoûtants.

Il est des femmes au casque de cheveux,
A l'éventail qui sent bon le désastre.
La trentaine.-Qu'as-tu besoin, dis-je,
Qu'as-tu besoin de mon âme d'enfant spartiate?"

...et juste quelques vers d'un dernier...

"Trop tôt- pour n'être plus!
Tôt pour fuir l'incendie!
Tendresse, fouet cruel,
Des amours outre-vie.

Aussi fort qu'on s'enlace,
Coupe sans fond- l'azur.
Ô, pour un tel amour
C'est trop tôt- sans blessures!
.................................................."

Dans sa présentation de ces poèmes, Henri Abril note pour nous en introduction ces mots de Marina :"Tous mes poèmes, je les dois à ceux que j'ai aimés- qui m'ont aimée ou ne m'ont pas aimée" et ce cruel jour où Marina "se pendra à une vieille poutre."

"Étreinte de poésie": oh oui! Ce sont bien ces mots-là qui seuls sauront vous dire ce "feu" qui m'étreint et m'emporte quand je suis avec Marina!

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Splendeur et souffrance du martyr de l'amour

10 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 27 septembre 2017

Cette anthologie, accompagnée d’une longue notice biographique engagée et détaillée, est révélatrice de l’écriture poétique de Marina Tsvetaïeva et de sa remarquable cohérence sur la période 1909 à 1940, qui fut ponctuée de rencontres et de drames. Chez Tsvetaïeva, l'amour et la poésie sont consubstantielles. En fait, elle ne cesse de tomber passionnément amoureuse des êtres (hommes ou femmes, essentiellement des poètes) qui attisent en elle une ferveur poétique et, au-delà même des êtres, de tout ce qui donne souffle et vie à sa poésie, y compris la nature élémentaire qu'elle personnifie et élève au même plan que l’ensemble des créatures de Dieu, toutes dignes d'être aimées :

Filles, garçons et arbres, constellations, nuages -
Nous répondrons ensemble au jugement dernier !
.
Les poèmes, composés en vers courts et nerveux, communiquent au lecteur une tension à fleur de peau malgré le formalisme de la rime (conservée dans la traduction ou transformée en assonance) : ils exaltent, tour à tour, l’être aimé ou les souffrances causées par le sentiment amoureux. Tsvetaïeva a beaucoup souffert dans sa chair et son cœur, notamment de la longue séparation avec son mari Sergueï Efron (qui partit en 1917 combattre auprès des Russes blancs contre les bolcheviques) et de la mort de sa petite fille tandis qu’elle vivait dans la misère à Moscou ; en 1941, épuisée et sans doute à bout de force, elle s’est suicidée par pendaison… Néanmoins, même quand elle véhicule des accents d’intense souffrance, il n’y a rien de larmoyant dans cette poésie qui fait face et affronte avec courage les épreuves de la vie, comme si la douleur de l’amour était belle à vivre parce qu’elle est encore un témoignage de la puissance de l’amour ! Cette conception de l’amour, terrible comme une malédiction et pourtant source d’un chant et d'un vibrant désir, est révélée dans ce poème écrit en 1924 :

Montagne qu’en moi je porterais -
Douleur de tout le corps
L’amour ainsi se reconnaît :
Douleur non boutée hors.

Un champ qu’en moi on délierait
Quand l’orage le fauche.
Ainsi l’amour se reconnaît
A l’horizon le plus proche.

Tanière qu’en moi on creuserait
Jusqu’au fond le plus noir.
L’amour ainsi se reconnaît :
Veine de part en part

Geignant dans le corps. Courant d’air
En crinière de Huns.
L’amour je peux le reconnaître
Aux cordes vocales soudain

Brisées – gorges de la montagne
Rouillées de sel vivant.
Je reconnais l’amour aux failles, -
Non, aux trilles
De tout mon corps vibrant.

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